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1 an plus tôt

Je marchai dans des rues que je connaissais par cœur.
Les rues de mon village.
Celui qui m'a vu naître et qui m'aura vu mourir.

Je suis morte il y a 3 jours, en même temps que la dernière personne qui comptait encore pour moi sur cette Terre.
Je ne sais pas où aller, je ne sais pas ce que je vais faire à présent. Je suis majeure depuis seulement quelques mois et me voilà désormais livrée à moi même. Il est 2 heures du matin et cela fait maintenant 3 jours que je ne peux plus fermer mes yeux. Je ne saurais décrire mon sentiment actuel, je suis triste , en colère et lassée. Je suis lassée de cette vie qui ne m'a rien laissé, rien épargné. Je n'ai envie de rien, à part me laisser tomber par terre, et sombrer. Pleurer, encore et encore, je ne veux pas voir les gens et encore moins leur parler, à personne et encore moins à mes amis,  je ne veux pas voir leur pitié, je ne veux pas être un poids pour eux. J'aurais l'impression d'être de trop, de n'apporter que dépression et malheur dans leur vie joyeuse et sans problème. C'est horrible de penser cela et je le sais, mais je ne peux m'empêcher de me dire que j'aurais pu mourir en même temps que ma sœur, et j'aurais préféré. Un triste sort plutôt qu'une vie fade et seule.Je n'ai aucune accroche pour me permettre de sortir de cette immense vague de malheur qui s'est abattu sur moi. Je sais que ma sœur n'aurait pas aimé me voir dans cet état. Je me souviens de ces derniers mots, qu'elle m'a chuchoté avant de sombrer. Autour de nous, c'était le chaos et pourtant je n'entendais qu'elle.

"Sois heureuse"

Elle veut que je sois heureuse, pour elle, pour nos parents, toutes ces personnes qui n'ont pas eu le temps de vivre leur vie. 

Je lève les yeux au ciel comme pour demander à ma sœur"que faire maintenant?Où aller?Que faire?Comment être heureuse sans toi?". Je n'obtiens évidemment aucune réponse mais je sais ce qu'elle aurait répondu. Elle m'aurait dit que maintenant il me fallait avancer, seule certes mais avancer. Ne pas me laisser envahir par ma souffrance, ne pas oublier mais ne surtout pas laisser cet événement perturbé ma jeunesse. Elle était tellement optimiste. Elle était tout le temps en train de sourire, elle aussi avait perdu ses parents et pourtant elle avançait. Je savais qu'elle ne voulait pas sombrer dans sa tristesse pour moi. Elle savait que sans elle, je n'étais plus rien, que sans elle j'aurais été transporté de famille d'accueil en famille d'accueil. Alors elle prenait sur elle et se consacrait à moi. Maintenant, je n'ai plus rien pour m'accrocher, personne devant qui je dois être forte. Je dois juste l'être pour moi . Penser à moi. 

Même si elle n'était plus de ce monde, je devais être heureuse pour elle, pour moi. Je devais continuer à vivre ma vie, être heureuse, mais pas ici. 

Pas dans ce petit village qui m'avait vu naître et qui venait de me voir mourir.

Je devais me reconstruire ailleurs, dans un endroit neutre, où je pourrais me promener dans les rues sans penser à mon passé, à mon ancienne vie. 

C'était cela, ma "première vie" s'achever ici, aujourd'hui, l'année de mes 18 ans. Et en même temps, la naissance de ma "deuxième vie" que je commencerais demain en partant. 

Je ne savais pas encore où mes pas me porteraient mais je n'avais plus qu'une seule idée en tête, me reconstruire.

Un couple passa alors près de moi. Le garçon avait passé son bras autour de la taille de la fille. Celle-ci souriait à celui qui faisait sûrement son bonheur. Ils étaient beaux, ils étaient amoureux. Depuis enfant, je rêvais un jour de rencontrer mon prince charmant, comme sûrement de nombreuses filles de mon âge mais je ne l'avais pas encore trouvé. Je l'attendais, mais je savais que si je le rencontrais maintenant, je le laisserais partir. Je ne voyais pas comment aimer quelqu'un alors que je n'avais plus d'amour à donner. Je ne me voyais pas être heureuse avec un homme quand je ne l'étais pas avec moi-même. 

L'inconnu de la  Gare du NordWhere stories live. Discover now