"Pas comme un amoureux"

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Je t'ai reparlé. N'y tenant plus j'ai voulu renouer avec toi et j'ai réinstallé cette application sur laquelle nous nous étions rencontrés, balayant le quartier à ta recherche, lançant encore un défi au destin, me promettant de te contacter que si tu étais toi aussi connecté à ce moment là. Comme toutes les autres fois pour nous, le hasard a joué en ma faveur, et je t'ai abordé en utilisant les mêmes mots que la première fois. Enfantin n'est-ce pas ? Mais j'en avais besoin, besoin de croire que cette toute petite flamme vacillait encore quelque part.

La discussion a perdurée pendant des heures, même toi tu as dû te rendre compte de la difficulté pour nous de lâcher nos écrans, de cette envie terrible de s'abreuver de la vie de l'autre, de ses nouvelles, de ses combats. J'ai appris que d'autres bras t'avaient étreints, que d'autres que moi t'avaient blessé, piétiné. Je leur en ai voulu tu sais ? Je leur en ai voulu de ne pas s'être rendu compte du trésor que tu étais alors qu'au fond de moi tu étais tout ce que je désirais. J'ai pu me rendre compte aussi que le destin était un joueur cruel à ton égard, te rendant coups sur coups les blessures que tu m'avais infligées, mais de façon tellement plus violente. Et je n'en ai retiré aucune joie, car je ne sais te voir souffrir.

Bien sûr le temps coule entre nous, et ma souffrance diminue doucement, trop doucement. J'aimerais pouvoir lâcher cette main, ce fil qui continue à nous unir et pourtant je n'y arrive pas. J'ai passé ces quelques jours de pseudo-retrouvailles à à nouveau guetter mon téléphone, espérant de nouveaux messages de toi, des nouvelles, quoi que ce soit, me rendant moi même compte du ridicule qui m'habitait. Puis j'ai osé te poser ces questions qui me hantaient, tenter de comprendre ce qui nous avait séparés, quelle cruauté avait joué sa triste mascarade pour nous laisser sur le bas-côté. Te demander aussi si je te manquais, car on a toujours peur de l'oubli venant de quelqu'un que l'on a tant aimé.

Pas comme un amoureux manque à son amoureux. En une phrase tu résumais l'état, d'une innocente naïveté, presque d'une candeur touchante. Une part de moi a été soulagée de savoir que je te manquais quand même, que je n'étais pas oublié. Bien sûr je ne m'attendais pas à ton retour, même si je l'ai souhaité un peu au creux de moi, mais ces quelques mots m'ont aidé. Associés au fait de se reparler, j'y trouvais un peu de salvation, un peu de douceur, comme des braises que le vent agitait encore un peu.

Bien sûr mon espoir n'est pas rené, le temps avait déjà fait beaucoup de son travail, mais ces quelques instants étaient un peu de baume au coeur. Bien sûr les trois mots que je veux encore te dire n'ont pas franchis mes doigts, te demander si je te manquais m'avait déjà demandé une telle dose de courage.

Mais depuis je ne sais que penser de cette nouvelle relation en pointillés, de ces échanges un peu insignifiants en prises de nouvelles. De temps en temps j'arrive à te répondre, mais à d'autres voir ton nom s'afficher sur mon écran emplit mon coeur de froid. Sais-tu que par une facétie maline, tu m'envoies un message à chaque fois que je dois rencontrer quelqu'un d'autre ? Je ne saurai jamais d'où vient ce hasard tellement étrange, mais je ne peux m'empêcher d'avoir envie de hurler à chaque fois.

Comme si quelque chose entre nous se refusait à mourir, comme si quelque chose subsistait malgré toutes nos décisions. J'aimerais tant pouvoir couper ce lien, sortir une tenaille sentimentale pour te forcer à lâcher les amarres, mais pourtant rien n'y fait, toujours ce lien se débat, plus fort que moi, plus fort que nous.

Même notre chanson nous poursuit, celle la même qui ouvre ces quelques pages et que je n'ai pû m'empêcher de t'envoyer en découvrant une énième version. Et de ton propre aveu elle te poursuit aussi. Je sais que malheureusement on ne peut rien forcer, surtout autrui, et que tous ces évènements ne trouvent consistance qu'à cause de mon coeur en manque de toi, et pourtant parfois j'ai envie de croire qu'une main invisible continue malgré tout à jouer avec nos destins, que toute cette souffrance n'est pas en vain.

Lettres à un étrangerWhere stories live. Discover now