Chapitre 15

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Margareth était fine cuisinière. Elle cultivait des talents multiples et insoupçonnables. Mais son amour pour les livres était plus grand. Elle venait à peine de quitter les bancs de la fac quand elle accepta sa première mission dans une bibliothèque. Au départ, ce n'était qu'un simple remplacement.

Puis, de fil en aiguille, elle était devenue en l'espace de quelques années la gardienne du sanctuaire des livres. Ce simple souvenir lui permettait de garder le sourire aux lèvres. Comme disait Confucius, "Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie". Au moins avait-elle eu de chance à ce niveau là...

Elle leva la cuillère et goûta la sauce qui était en train de mijoter. Elle serait parfaite, elle le pressentait.

- Que ça sent bon dans ton antre Maggie !

Elle sursauta à peine en découvrant son visiteur à l'entrée de la cuisine. Patrick était appuyé contre le chambranle de la porte et observait avec attention tout ce qu'il se passait. Elle ne savait pas depuis combien de temps il était là. Qu'elle soit en cuisine ou dans un livre, elle perdait toute notion du temps.

Elle appréciait le fait qu'il n'envahisse pas l'espace sacré que représentait cette pièce à ses yeux. Depuis qu'ils se connaissaient, Patrick venait manger régulièrement et agissait comme si il était chez lui. Il eut quelques déconvenue le jour où il voulut lui cuisiner un bon repas chez elle.

- Tiens donc, dit-elle d'une voix espiègle, ne serait-ce pas mon squatter préféré ?

Elle s'empressa d'éteindre sa plaque de cuisson, essuya ses mains dans un torchon et vint se planter devant son invité surprise pour l'observer de plus près.

- Je ne me rappelle pas t'avoir invité.

- Pourtant, je suis là, lui répondit son acolyte avec nonchalance.

Patrick se tenait devant elle, vêtu d'un jean et d'une chemise à carreau. Elle était légèrement entrouverte, laissant apparaître son torse hâlé. Il arborait ce sourire en coin qui plaisait tant à Margareth.

- Je peux rester alors ?

- Hum... Tu as apporté quoi?

- Une bouteille de vin de ma réserve personnelle, l'un des meilleurs millésimes de l'année 1961.

- Tu essaye de me rappeler a quel point je suis vieille ?

- C'est faux ! Et c'est toujours toi qui met ton âge sur le tapis. J'ai même pas besoin de le faire, la taquina-t-il avec un grand sourire.

Margareth roula des yeux et soupira.

- Tu ressembles à une jeune fille. Le temps n'a pas d'emprise sur toi ma chère. Où as-tu caché ton portrait ? Dorian Gray n'a qu'à bien se tenir ! lui assura-t-il.

- Tu sais, je peux te laisser dehors aussi, lui dit-elle en se renfrognant.

- Tu vas pas me mettre à la rue à cette heure là ! Tu sais très bien que ça caille en cette saison. Et de toute façon je peux pas rentrer à la maison, j'ai pas de voiture.

- Ta voiture a bon dos dis donc ! Si tu ne passais pas ton temps à la garer sur les places de livraison, elle ne serait pas encore une fois à la fourrière cher ami, le tança-t-elle. 

- Et qui me réchauffera quand j'arriverai transi de froid chez moi ? 

Cette tentative de chantage fit bouillir le sang de Margareth qui lui claqua la porte de la cuisine au nez. Elle était habituée à ses ruses lorsqu'il venait chez elle sous divers prétextes depuis qu'ils se connaissaient, mais elle ne supportait pas le chantage, même lorsque c'était pour plaisanter.

Dans le plus beau silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant