Chapitre 5

801 123 14
                                    


Margaret l'observait d'un œil bienveillant. Elle était heureuse de voir le jeune homme commencer à s'ouvrir un petit peu et à s'impliquer davantage dans la vie de la bibliothèque. Elle voulait faire de ce lieu une zone libre de tout préjugé, que chacun puisse y venir s'y ressourcer. Lorsqu'elle avait vu Josh pour la première fois, frigorifié et déconfit, elle avait limite dû le forcer à rentrer. Elle ne regrettait pas son choix malgré la distance qu'il mettait entre lui et le monde. Elle le sentait sur la défensive en permanence, elle avait l'impression qu'apprivoiser un léopard blessé serait le plus simple. Ce jeune lui faisait de la peine, elle avait tenté d'en savoir plus, de le faire parler mais en vain. Elle n'allait pas renoncer aussi facilement. Il paraissait si seul. Cela lui fendait le cœur. Malgré les reproches qu'elle avait souvent essuyés à cause de ses lectures, se faisant traiter de fleur bleue naïve, elle voulait une fin heureuse pour ce garçon. Il le méritait. Une fois Josh parti, elle se dirigea vers le tableau curieuse de voir ce que Josh avait marqué. Elle sourit en voyant la question qu'il avait laissé.

- Si tu savais mon grand.... murmura-t-elle au moment où une silhouette familière franchissait le pas de la porte.

Elle ne se donna pas la peine de le saluer sachant que ça risquait plus de le faire fuir qu'autre chose. Elle soupira et reprit ses occupations. De nouveaux ouvrages étaient arrivés tôt dans l'après-midi et il fallait les référencer, les protéger avant de les mettre en rayon. Voyant passer le dernier livre de Gilles Legardinier, elle sourit. Elle savait que dès qu'il serait disponible, de nombreux habitués allaient se l'arracher. Il fallait dire que cet homme avait un vrai don pour trouver le mot juste et rendre vivant chaque personne, situation ou émotion.

Une main pâle et décharnée brandit un livre sous son nez, la faisant brutalement sortir de ses divagations. Elle scanna l'ouvrage et récupéra la fiche d'emprunt. Aussi discrètement qu'il était venu, il allait disparaître une nouvelle fois. Il s'avança vers la porte mais se ravisa au dernier moment pour jeter un œil au tableau. Il griffonna quelque chose à la va-vite et s'enfuit en courant. Décidément celui là avait la palme de l'étrangeté ! Elle avait à peine entraperçu une fois son visage mais n'avait jamais entendu le son de sa voix. Sa passion pour les policiers et les thrillers avait fait naître en elle des talents de fin limier. Et ce jeune homme avait piqué sa curiosité.

****

Josh se plaisait dans son nouveau travail. Il ne payait pas de mine mais au moins il pouvait manger gratuitement. Son patron était un homme sympa et plein de bon sens. Il ne lui tenait pas rigueur vu la méfiance qu'il entretenait vis à vis des gens. Il espérait que son oncle ne gâcherait pas tout encore une fois.....

Au moment où sa pensée s'achevait, il vit son pire cauchemar se réaliser. Un homme de taille moyenne et bedonnant, entra en poussant violemment la porte.

- Qu'est ce que tu fous ici sale merdeux ! Il est où mon pognon ?

Il empoigna brusquement Josh et commença à le secouer avec violence, lui projetant au passage son haleine chargée d'alcool. Le jeune homme resta muet.

- Tu croyais que j'allais pas te retrouver ? Tu croyais franchement que tu pouvais m'échapper comme ça ? Sale petite vermine !

Il continua de vociférer mais Josh n'écoutait plus. Il attendait le moment où son oncle le jetterai comme un vulgaire sac. Le moment où, une fois de plus, il perdrait son travail. Cette pensée lui serra le cœur. Pour une fois, il se sentait bien dans un endroit et l'autre allait tout détruire... Il sentit la poigne de son agresseur se resserrer sur son col de chemise. Il savait que le moment était venu.

- Josh ? Que se passe-t-il ?

La voix de son patron le sortit de la léthargie dans laquelle il s'était plongé en attendant ses coups.

- Te mêle pas de ça ! ça te regarde pas connard !

- Monsieur, vous êtes ici dans MON restaurant et vous êtes en train d'agresser un de mes employés. Je vous prie de bien vouloir sortir de mon établissement !

- Josh ! Rapplique !

Il commença à trainer son neveu vers la sortie. Josh était totalement tétanisé. Il hésitait entre se rebeller, fort du soutien de son patron – peut être ancien patron -, et se laisser faire une fois de plus. Il n'eut pas à tergiverser longtemps, sentant une main se poser doucement sur son bras et le tirer dans l'autre sens. Il croisa le regard brun de son supérieur. Il fut étonné d'y voir briller que de la bienveillance. Il était habitué au mépris dans ce type de situation. Il en fut ébranlé. Il sentit naitre en lui une bouffée de reconnaissance. Pour la première fois de sa vie, une personne avait pris sa défense. Il donna une secousse qui lui permit de se dégager de la poigne de fer de son oncle.

- Sortez de chez moi ou j'appelle les flics.

Le patron, pour appuyer ses mots, vint se placer entre son employé et son oncle, le téléphone à la main

- Josh, suis-moi !

- N..Non ! rétorqua ce dernier peu sûr de lui.

- Si tu ne viens pas, tu sais très bien ce qu'il t'en coûtera !

Josh se retourna vers son patron, plus apeuré que jamais.

- Je suis désolé pour le tracas que je vous ai causé Monsieur, je dois le suivre. Merci d'avoir pris ma défense. Merci de m'avoir donné ma chance, lui murmura-t-il la gorge nouée par l'émotion.

- Josh, quand tu auras réglé tes affaires avec cet homme, tu reviendras me voir. Je crois qu'il faut qu'on discute tous les deux.

- Mais...

- Non. Ne discute pas. Si tu peux, reviens me voir après le service ce soir.

Josh le regarda, désarmé. Il hocha la tête et se tourna pour partir. Il croisa l'espace d'une seconde les yeux les plus fabuleux qu'il ait jamais vu. Il ne vit pas le visage à qui appartenait une telle splendeur. Ils étaient vairons. L'un était d'un bleu azur presque limpide et l'autre ambré avec des éclats d'or liquide. Il sortit du restaurant comme un automate à la suite de son oncle. Il était comme anesthésié. Il l'entendait vociférer devant lui mais il ne lui prêtait pas attention. Il se préparait à ce qui allait suivre.


Dans le plus beau silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant