Chapitre 6

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Luciole franchit la porte du café et se retrouva face à une confrontation. Il n'aimait pas la violence. Cela l'avait toujours mis mal à l'aise. Surement dû à tout ce que sa mère lui avait fait subir avant qu'il ne s'échappe. Il ne sut que faire. Puis, comme une bulle qui éclate, le calme revint d'un coup. Il croisa brièvement un regard qui le troubla. On avait vu ses yeux. Il paniqua et enfonça un peu plus sa tête dans sa capuche et alla près du comptoir. La gentille serveuse prit sa commande en lui adressant son éternel sourire. Cela le réconfortait. C'était sa pause avant de reprendre sa longue journée de travail.


Josh passa la porte de la bibliothèque. Son œil le faisait souffrir. Il savait qu'il devait être violet vu la dérouillée que lui avait collé son oncle. Il préférait ça à ce qu'il pouvait faire à Tom et Nina. Eux comptaient plus que lui. Eux, pourraient s'en sortir. Il n'avait pas osé retourner voir son patron. Il avait trop honte de l'esclandre qu'il avait provoqué. À ce moment précis, il n'aspirait qu'à une chose, oublier. Les livres étaient son eldorado, son paradis à lui.

- Bonjour mon grand, tu as une petite mine aujourd'hui, le salua Margaret

Il sursauta violement et partit se cacher dans les rayons, loin de la curiosité de la vieille dame. Il l'appréciait mais ne voulait pas qu'elle le voit dans cet état. Il y resta un moment pour se calmer. Il se mit à errer sans but. Piochant des ouvrages au hasard, feuilletant quelques pages. Quand il fut suffisamment apaisé, il se recomposa un air détaché pour pouvoir affronter le regard de Margaret.

- Bonjour Margaret murmura-t-il, ne sachant pas comment réagir.

- Comment vas tu ?

- Encore un de ces jours sans...

- Ya eu du grabuge chez Jojo

- Comment savez vous ça ?

- Les nouvelles circulent vite par ici tu sais, lui dit-elle en prenant un air mystérieux .

- Ha !

Pendant qu'elle scannait les livres, il jeta un œil distrait sur le tableau. Une luciole attira son attention. Il se rapprocha pour lire un nouvel haïku répondant à sa question.

Pour savoir ce qu'est le feu
Il faut s'y brûler
De même l'amour

Ce dernier n'était pas signé. Il aurait aimé en connaître l'auteur. La réponse avait une certaine note d'amertume. Il n'avait plus d'espoir. Son oncle avait réussi à le réduire à néant. La citation était belle mais plus d'actualité. Il écrivit une citation qui lui revint en mémoire. Elle collait pile à la situation.

L'amour est le désespoir résigné

Miguel de Unamuno

Il récupéra les ouvrages qu'il avait emprunté et partit sans se retourner, marmonnant un vague au revoir à la bibliothécaire.

****

Luciole ne se remettait pas d'avoir croisé les yeux du serveur. Il en avait des sueurs froides. Il commanda le plat du jour comme à son habitude. Même si il savait la nourriture délicieuse et abondante, cette foi-ci elle avait un goût de carton dans sa bouche. L'estomac trop noué pour finir son assiette, il la repoussa, déposa comme à son habitude le prix de son repas avec un pourboire et un petit mot marqué sur la serviette à l'attention de la gentille serveuse.

Il sortit précipitamment, bien déterminé à finir sa journée de travail au plus vite. Il aurait aimé se réfugier dans son appartement miteux mais il avait besoin de cet argent. La mort dans l'âme, il pointa et alla chercher son matériel. Il enfonça sa capuche sur la tête un peu plus que d'habitude et s'attela à sa tâche avec sa minutie habituelle. Le temps avait décidé de jouer contre lui. L'après midi semblait s'étirer. Son patron lui avait demandé de faire des heures supplémentaires.

Quand il franchit la porte du hall de son immeuble, il était à bout de nerf avec un besoin viscéral de se couper du monde. Tout ce qu'il voulait c'était se réfugier dans un bon livre et se mettre à voyager. Un bruit le fit sursauter. Il releva la tête brusquement et croisa un regard qui ne lui était pas inconnu. Son cerveau choisit ce moment là pour disjoncter. Il poussa un hurlement silencieux et s'effondra inconscient. 

Dans le plus beau silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant