Chapitre 12

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Depuis le départ de Martha, Luciole n'avait pas bougé d'un pouce. Il resta sur le dos à regarder le plafond, fixant le blanc terni par le temps. Il n'osa pas toucher au repas, non pas à cause de la qualité dont il se moquait mais par manque d'appétit. Il savait pertinemment que s'il voulait sortir rapidement d'ici, il faudrait pourtant qu'il mange...

Des bruits et des cris dans le couloir le sortirent de ses réflexions. Une femme hurlait à plein poumons qu'on lui rende son enfant. Une autre personne tentait de la rassurer, une infirmière surement, en lui expliquant que c'était pour le bien de tout le monde. Luciole n'arrivait pas à analyser ce qu'il se passait. Ces cris... Ces pleurs...Il ne les connaissait que trop bien. Ils avaient été la cause de bien des tourments.

Sa mère avait été une bonne mère à une époque, attentionnée, patiente et généreuse. Elle avait le cœur sur la main. Elle était une artiste reconnue et célèbre dans son milieu. Enfant,  Luciole l'admirait, l'idolâtrait. Les premières années de sa vie avait été heureuse. C'était son idole. Mais un jour tout bascula. Son père était mort dans un accident de voiture. Et ce qui n'arrangea pas la situation, fut le corps d'une femme à ses côtés. Il s'avéra qu'il menait une double vie depuis de nombreuses années, bien avant la naissance de Luciole. La mère de Luciole sombra dans une profonde dépression ne trouvant aucun échappatoire. Luciole fut sa victime privilégiée, lui rappelant que trop son défunt mari.

Au début, ce n'était que des brimades, des cris puis la parole s'accompagna de geste. Ce n'était que de "simple" coups se disait Luciole alors âgé de huit ans. Il se disait qu'il a dû faire une bêtise ou avait oublié de faire quelque chose pour sa mère. Mais plus les années passaient et plus les coups devenait violents. Luciole la supplia d'arrêter, mais rien n'y fit. Les coups pleuvaient comme jamais. Elle lui reprochait d'exister, "d'avoir pris la vie de son mari". En fait, elle le haïssait d'être le sosie de son père. L'homme qu'elle aimait et qui l'avait trahi. Un soir après une violente crise, elle lui avait tranché la gorge avec un couteau de cuisine pour ne plus entendre sa "voix" avant de retourner larme contre elle. Les cris avaient alerté les voisins qui avaient découvert avec horreur Luciole luttant et s'accrochant à la vie malgré le sang qui s'écoulait de sa blessure béante et sa mère inanimée qui se laissait mourir. Il avait lutté pour vivre, bien que le bonheur et la joie qu'il avait vécu s'étaient envolé depuis bien longtemps.

Les services sociaux avaient tenté de l'aider, en vain. Pour une raison qui lui échappait, elle  réussissait toujours à les amadouer en pleurant à chaudes larmes et à conserver ses droits parentaux sur Luciole.  Il y avait une accalmie puis le manège des coups et des injures reprenaient. " Si elle ne m'aime pas, pourquoi me garde-t-elle ? " se demandait-il tout le temps, sans jamais trouver de réponse. Cet incident marqua le début de son mutisme. Il n'avait plus jamais dit un mot depuis. Pourtant les médecins lui avaient bien dit qu'il avait toutes les chances de guérir. A 16 ans, il avait trouvé le courage de fuir cet enfer.

Une larme coula le long des joues de Luciole en souvenir de ces jours douloureux. Il regrettait de ne pas avoir pu sauver sa mère. Il en voulait a son père de les avoir trahi et d'être mort avant de leur expliquer. En pleure, Luciole articula :

" Pardon maman "

******

Josh sécha vivement d'un revers de la main ses larmes, ne voulant pas montrer sa faiblesse. Il redressa ma tête et vit Margaret dont les lunettes penchait dangereusement sur son nez.

- Tu es sûr que tout va bien ?

- A merveille! marmonna Josh en tentant de s'absorber dans sa lecture.
- En es-tu sûr?  J'ai l'impression que... Tu es contrarié?  Ai-je tort?

Josh ne répondit pas aux question de Margaret de peur de craquer devant elle. Il ne comprenait pas pourquoi il était aussi bouleversé de s'être fait refoulé de la sorte par l'infirmière.  Il lui en voulait et s'en voulait encore plus d'être inquiet et à cran, cela lui rappelait tant de mauvais souvenirs... La bibliothécaire poussa un bref soupir et retourna vaquer à ses occupations non sans lui rappeler que la bibliothèque fermait dans vingt minutes. Josh se sentait seul... Si seul.  Il n'avait personne à qui se confier. Au bout de quelques minutes, il se leva et se rendit a l'accueil avec le livre qu'il n'avait pas commencé. Il l'avait pris au hasard dans un rayon. Il en ignorait le contenu. 

- Alors tu as trouvé ton bonheur mon grand ? demanda Margaret en lui adressant un regard compatissant.

Josh se contenta de hausser les épaules. Il cherchait un moyen de formuler sa requête.

- Euh...
- Oui ?
- Je voudrais...

Margaret l'observait calmement, ses lunettes perchées au bout de son nez. Elle essayait de cacher son impatience. Elle avait une petite idée de ce qu'il allait lui demander. Josh déglutit, inspira un grand coup et se lança .

- Dites, vous seriez d'accord pour qu'on aille boire un café ? J'aurai besoin d'un conseil et je ne sais pas à qui demander....

Margaret fit un large sourire, heureuse qu'il commence enfin à s'ouvrir après autant de temps. 

- Bien sûr.  Ça te dit d'aller au Meridian Coffee ? Ils servent les meilleurs cafés de la ville !
- Et bien... pourquoi pas. Je vous suis.
- Laisse moi quelques minutes pour fermer la bibliothèque et j'arrive.

Josh hocha la tête et se posta près de la porte d'entrée pour l'attendre. Le tableau était toujours là vierge de tout mot ou citation. A croire que les gens ont cessé de rêver. Pris d'une impulsion, Josh saisit la craie et se mit à écrire. Margaret arriva au moment où il posait le point final de sa citation

- C'est bon ?
- Oui, on peut y aller répondit Josh avec une esquisse de sourire.

Il tourna les talons et sorti de la bibliothèque. Margaret s'arrêta quelques instant pour lire les quelques mots qu'il avait griffonné à la va-vite. Elle eu un pincement au coeur devant la profondeur de ses mots. Ce café promettait d'être aussi riche en saveurs qu'en mots. Margaret avait un plan.


"Foudre et tonnerre ! à chaque éclair le monde guérit"

Issa Kobayashi

Guéris vite mon ami


Dans le plus beau silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant