Chapitre 4

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"Le service battait son plein, les serveurs couraient partout. Il servait les clients avec le sourire. Tout à coup, une voix s'éleva et récita un haïku. Il se figea, se sentant happé et ensorcelé. Il répondit à cette déclaamtion par un autre haïku. Il fut absorbé dans un tourbillon de citations et de poèmes. Sa gorge lui faisait mal. Il suffoquait, il avait besoin d'air. Pris d'une terreur grandissante, il se précipita sur la terrasse. Ce fut avec horreur qu'il découvrit un client sans visage puis un autre et encore un autre. Ils se levèrent et commencèrent à l'entourer en lui déclamant des poèmes. Les vers se mélangeaient dans son esprit, il était submergé. Il se mit à crier, et....."

— Putain de cauchemar ! s'écria Josh en se réveillant brutalement en sueur.

Son réveil affichait minuit à peine. Minuit ? A quelle heure s'était-il endormi ? Il regarda autour de lui complètement désorienté. Il eut du mal à se rappeler qu'il était sur son lit, chez lui. Il avait besoin de repos, terriblement besoin.


Ce matin s'annonçait pluvieux. Les clients étaient rares. Josh était derrière le bar à essuyer les verres, lorsqu'un client entra. Il n'était pas très grand, mince, voire frêle. Il émanait de lui une fragilité. Josh avait du mal à voir son visage, caché sous une capuche. Il avait l'air agité. Cette vision lui rappela son cauchemar de la nuit dernière et il sentit ses mains devenir moites. Il ne s'expliquait pas cette réaction incontrôlée. Ce n'était pas comme si son client allait lui parler en haïku non plus ! Il prit une grande inspiration et se dirigea vers lui pour l'accueillir.

— Bonjour, que puis-je faire pour vous ? le salua Josh en essayant de sourire.

Le silence lui répondit. L'inconnu passa d'un pied à l'autre, plus anxieux que jamais. Josh fronça les sourcils, surpris par cette absence de réponse. Il inspira un grand coup et pris sur lui de resaluer le client. Peut être ne l'avait-il pas entendu, absorbé comme il l'était.

— Bonjour, que puis-je vous servir ?

L'inconnu s'approcha du comptoir sans pour autant découvrir son visage. Il s'assit et tendit la main vers le petit tableau où était affiché le menu du jour.

— Vous voulez le menu du jour, c'est ça ?

L'inconnu tapa de nouveau sur le tableau ajoutant un petit hochement de tête. Josh ne savait pas comment interpréter ce comportement. Il prit sur lui de passer commande. Ce garçon avait l'air étrange. Etait-il un voleur ou juste une âme perdue ? Depuis quand jugeait-il les personnes qu'il rencontrait ? ça ne lui ressemblait pas du tout. Il s'éclipsa en cuisine et prépara la commande de son unique client de matinée, le cuistot ne commençant qu'une heure plus tard. Quelques minutes plus tard, il déposa une assiette débordante de nourriture devant le jeune homme. Il était heureux d'avoir quelques notions de cuisine sinon il n'aurait pas su comment gérer la situation.

— Bon appétit, Monsieur.

L'inconnu hocha la tête et plongea dans son assiette. Il se mit à manger voracement, signe qu'il était vraiment affamé. Josh le regarda faire. Il avait l'impression de se voir quelques années plus tôt lorsqu'il devait se contenter d'un maigre repas par jour.. Josh détourna le regard voulant lui laisser un peu d'intimité. Il se mit dans un coin et prit son roman. Il fut tellement absorbé par sa lecture qu'il ne se rendit pas compte que ce dernier était parti. Josh paniqua un court instant, furieux après lui de ce manque de professionnalisme flagrant. Il se précipita pour débarrasser le couvert. Il trouva sur la table de quoi régler le repas ainsi qu'un bon pourboire. Il y avait aussi un papier sur lequel était noté :

"Merci pour ce repas et bonne lecture, j'espère que ce livre vous plait. Quelque chose me dit que oui, vu la façon dont vous étiez absorbé. Bonne journée "

Josh sourit en lisant le message. Il sentit une chaleur naitre dans son ventre. Il était reconnaissant à ce client d'avoir été aussi prévenant et de lui avoir permis de ne pas rembourser un repas de sa poche. Il termina son service et alla à la bibliothèque pour y s'y réfugier quelques heures. Il avait besoin de mettre ses idées au clair. Il jeta un regard vers le tableau, il était tellement rempli qu'on avait encore du mal à distinguer la couleur de l'ardoise. Il se perdit dans les rayons et laissa libre court à son imagination et à ses rêves. Il chercha de nouveaux romans à dévorer. En partant il trouva une petite place sur le tableau en dessous de la fameuse critique qui l'avait tant secoué et inscrivit :

"Peut-on aimer un inconnu ?"

Dans le plus beau silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant