Dans le plus beau silence

Chapitre 13

Martha remonta le couloir de l'hôpital, elle était usée. Sa garde avait été particulièrement difficile. Elle n'avait pas pu retourner voir Luciole et s'inquiétait à son sujet. Qui était ce jeune homme qui voulait le voir ?

Plus elle y réfléchissait, plus elle se demandait si elle n'avait pas fait une erreur en lui interdisant de le voir. Elle avait bien aperçu les larmes qui perlaient aux coins des yeux. Elle avait voulu protéger Luciole à tout prix et avait fait ressortir son côté "mama". Plus elle se repassait la scène dans sa tête plus elle se questionnait. Il avait l'air si perdu, si inquiet...

Elle s'arrêta devant la chambre de son protégé. Elle l'observa à travers la grande vitre, si frêle si chétif et pourtant si fort. Il en avait connu des épreuves dans sa vie. Quand est-ce que sa bonne étoile allait se réveiller ? Elle fulminait intérieurement face à son impuissance.

Elle tourna les talons et s'apprêtait à partir lorsqu'elle entendit un geignement. Il était livide et très agité malgré sa faiblesse. Il tremblait de tout son corps. Il hurla. Elle fit un bond et crut que son coeur allait s'arrêter. Elle ne l'avait jamais entendu crier malgré ses séjours répétés à l'hôpital.

Elle avait espéré longtemps qu'il s'exprime d'une manière ou d'une autre. Hospitalisations après hospitalisation, cauchemars après cauchemars, il restait muet comme une tombe. Après avoir entendu ce cri primaire, ressenti son désespoir et sa terreur au travers de son ersatz de voix, elle reprit soudain espoir. Ce hurlement était le premier signe de sa guérison. Le chemin serait long et rude mais il s'en sortirait. Comme toujours. Elle s'approcha et le secoua doucement pour le réveiller.

- Tout va bien petit, tu es en sécurité, tout va bien. Réveille toi ma luciole

- .....

- Tout va bien mon petit, tu es en sécurité avec Martha, réveille -toi !

Voyant qu'il ne réagissait pas à sa voix, elle le secoua un peu plus rudement et se détesta pour ça. Il ouvrit légèrement ses yeux hantés de cauchemars.

- J..osh.... articula-t-il dans un grognement indistinct.

Cette fois Martha sût qu'elle avait vraiment fait une erreur. Si Luciole était sorti de son mutisme pour appeler Josh, c'est qu'il devait avoir quelque chose de particulier. Elle se sentait jalouse de cet inconnu qui avait réussi là ou elle avait échouée bien des années auparavant. Elle avait pourtant essayé de comprendre pourquoi il ne parlait pas. Il souffrait de catatonie depuis que sa mère avait tenté de l'égorger. Martha n'était pas encore dans le service quand c'était arrivé. Elle avait écouté les potins et les bruits de couloir pour tenter de reconstituer l'histoire de ce pauvre môme rachitique et mutique.

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Josh était perdu dans ses pensées. Même la compagnie de Margaret ne l'aidait pas à oublier son protégé. Il avait du mal à accepté de s'être fait viré comme un mal propre du service où le jeune homme avait été hospitalisé.Il avait bien vu le regard de cette infirmière. Elle le connaissait. Il en était certain. Ce constat lui tordit le ventre.

- Josh ?

Josh sursauta à l'appel de son nom.

- Euh... désolé, je... j'étais parti ailleurs.

- Je vois ça, fit remarquer la bibliothécaire avec une lueur rieuse dans le regard. Dis-moi, tu voulais me parler il me semble. Si on arrêtait de tourner autour du pot. Je vois bien que tu n'es pas dans ton assiette.

Josh prit une grande inspiration voulu tout lui raconter. Il allait vider son sac avec cette illustre inconnue. Il ne comprenait pas cette envie voire ce besoin de se confier. Il avait toujours évité et s'était tenu à cette maudite remarque que lui avait faite son oncle en devenant leur tuteur légal "la solidarité c'est pour les faibles et les ratés". Ses parents lui manquaient cruellement. Ils étaient mort tous les deux à quelques mois d'intervalle. Il avait arrêté l'école pour subvenir aux besoin de sa famille quand sa mère était tombée gravement malade. D'une constitution fragile, cette dernière n'avait pas réchappé de la pneumonie qu'elle avait attrapé à cause de ses conditions de travail. Le froid et un mauvais manteau ne faisait pas bon ménage. Son père était ouvrier dans l'usine à côté de leur maison. Ils vivaient simplement. Il regrettait par moment de ne pas avoir pu finir ses études pour pouvoir avoir un meilleur travail. Alors il avait jonglé de travail en travail.

Il envoya paitre cette pensée et se lança. Après tout, qu'avait-il à perdre ? Il commença son récit et Margareth l'écouta religieusement, lui laissant le temps de trouver ses mots, de se reprendre quand l'émotion lui serrait un peu trop la gorge. Son coeur se serra quand elle comprit combien d'épreuves il avait traversé et combien il en souffrait encore aujourd'hui. Elle voyait la honte se dessiner sur son visage lorsqu'il lui raconta qu'il avait perdu le seul travail où il s'était senti bien et respecté. Là où il avait rencontré son protégé. A cette pensée, son estomac se noua un peu plus et une larme traitresse s'échappa de ses cils du jeune homme.

- Excusez-moi, je vous raconte ma vie, lui dit-il penaud.

- je comprends mon grand. C'est beaucoup d'épreuves pour un si jeune homme.

- Si jeune, si jeune... J'ai quand même 30 ans !

- C'est jeune pour avoir déjà vécu autant de choses.

Margareth se tut et se mit à réfléchir. Josh en profita pour sonder le fond de son verre. Il était tellement absorbé par ses problèmes qu'il ne se rendit pas compte qu'il était sur son lieu de travail. La voix de son ex patron le sortit de sa torpeur.

- Tiens ! Un revenant ! Bonjour Maggy ! Comment vas tu ma belle ? dit-il en embrassant la bibliothécaire sur ses deux joues rosies.

Josh sursauta et se recroquevilla sur sa chaise lorsque Patrick, gérant du café lui donna une tape amicale sur l'épaule. Il s'était plus attendu à se faire chasser après l'esclandre de son oncle, comme pour toutes les entreprise plutôt que cet accueil chaleureux. Il resta sur ses gardes, le regarda, s'attendant à se faire chasser.

- Calme toi Josh, Patrick est un ami de longue date, il ne va pas te manger, dit Margareth en lui souriant avec bienveillance.

- C'est mon ancien patron aussi... marmonna-t-il pour lui-même.

- Comment ça ancien ? L'interrogea Patrick qui l'avait entendu. Je ne t'ai pas viré. Je n'ai pas compris pourquoi tu n'étais pas revenu après l'incident...

- ....

- Explique-moi ce qu'il t'a pris de partir comme ça ? Tu m'a mis dans une sacrée panade ! dit Patrick avec entrain.

Patrick commença à raconter à Margareth l'esclandre qu'avait provoqué l'oncle de Josh. Comment se dernier avait pris un malin plaisir à humilier le jeune homme en public. A quel point il avait eu envie de le virer à grand coup de pied dans le train. Il ne l'avait pas fait lorsqu'il avait vu Josh blêmir à la mention de Tom et Mina. Surement son frère et sa soeur en avait-il déduit. Ou du moins deux personnes à qui il tenait suffisamment pour courber le dos sous les menaces de son oncle.

Josh n'était pas un grand bavard et il avait eu du mal à lui tirer plus de trois mots consécutifs qui ne concernaient pas le travail. Mais il avait remarqué qu'il mettait du coeur à l'ouvrage. Chaque client qu'il servait, était traité avec le même respect et le même égard. Même Luciole. Encore un drôle de personnage celui là. D'ailleurs, ça faisait un moment qu'il ne l'avait pas vu en y repensant... Josh s'était montré particulièrement attentif et gentil en comparaison d'autres serveurs qui préféraient l'ignorer. Cela l'avait beaucoup touché. Il avait mis un point d'honneur à ce que son café reste un endroit chaleureux et convivial. Avec le marasme environnant, ce n'était pas de trop.

- Tu vois, tu as bien fait de venir Josh. J'ai voulu te rattraper quand tu es parti mais impossible tu avais disparu !

- Pourquoi vous faites tout ça ? demanda Josh avec méfiance

- Parce que t'es un chic type et je sais les reconnaitre ! lui répondit joyeusement Patrick. Tu sais, je ne t'aurai jamais viré pour ça. Pas avant de comprendre ce qu'il t'arrivait.

Josh senti ses nerfs craquer et les larmes ruisseler sur ses joues sans qu'il puisse les retenir. Ces derniers jours avaient été trop rudes pour lui. Il était fatigué de se battre. Margareth lui tendit gentiment un mouchoir sans faire de remarque. Patrick s'éclipsa en cuisine pour lui ramener un bon plat du jour encore fumant.

Josh hésita et se jeta sur l'assiette. Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait autant faim.

- Alors écoute p'tit gars, la prochaine fois que t'as un soucis, tu viens me voir et on en parle !

- Mais... et mon oncle ? demanda Josh apeuré à l'idée de voir celui-ci débarquer pour faire un scandale.

- Qu'il se repointe et j'appelle les flics ! Bon et si tu me racontais toute l'histoire ?

Josh prit une grande inspiration et recommença son récit pour Patrick.