Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)

22.4 : le Quotidien

Ses ongles claquèrent sur le verre encore humide de condensation.

— Éric...

— Hum ?

— Je me suis rappelé une partie de ce qui m'est arrivé, lorsque j'ai disparu.

Le visage grave, il se redressa et observa sa sœur avec intensité.

— C'est vrai ?

— On jouait à cache-cache.

Il acquiesça.

— J'ai couru vers les bois qui entouraient la propriété, à toute vitesse... et il y avait un ravin au bout.

— C'est le premier endroit où je t'ai cherchée. Tu as glissé ?

— Pas tout à fait. Il y avait un chêne, tout au bord de la falaise...

— Oui, je m'en rappelle.

— Il y avait des inondations, également.

Devant son mutisme, elle poursuivit.

— En réalité, ce jour-là, j'ai vu une petite fille emportée par le courant. Je ne savais pas quoi faire. J'étais accrochée au chêne, mais... mais j'ai senti que je relâchais tout doucement le tronc, et au moment où j'ai voulu sauter, la terre sous mes pieds s'est effondrée. Je n'arriverais sans doute jamais à savoir si je suis tombée ou si j'ai sauté. Je voulais la sauver.

— Une... une petite fille ?

— Elle hurlait... elle se noyait.

— Ce serait elle, qui a été enterrée à ta place ?

Clara cligna des yeux. Elle n'avait pas oublié qu'une autre avait été enterrée sous son nom, raison pour laquelle sa famille avait stoppé les recherches pour tenter de la retrouver... mais jamais elle n'avait établi ce lien. De fil en aiguille, elle songea à l'enfant qui lui apparaissait parfois, cette petite poupée aux yeux bleus intenses, aux longues boucles blondes...

D'apparence, elle n'a pas dix ans, ça c'est sûr...

— C'est plus que possible, murmura-t-elle.

— Cela ne nous dit pas qui elle est.

— Non. Non, mais...

— Mais ?

— ... je crois que c'est grâce à elle si je suis toujours en vie.

Il la dévisagea avec étonnement.

— Pardon ?

— Je t'expliquerai ça plus tard. Mais je voulais que tu le saches.

Il soupira puis secoua la tête.

— Cette histoire est totalement aberrante. Dans la région, tu étais la seule fillette portée disparue. J'ai fait des recherches, même si je n'ai pas eu beaucoup de temps à y consacrer avant que Jérôme ne détruise la moitié de la ville. Tu étais la seule à avoir officiellement disparu à cette époque, la seule à qui ce corps pouvait correspondre. J'ignore comment le courant a pu t'emporter jusqu'à Clarme. C'est... c'est du délire.

— C'est vrai qu'il y a beaucoup d'invraisemblances. Mais...

Sa voix s'éteignit lorsqu'elle aperçut un homme discuter avec Nicolas. Un homme dont elle ne sentait pas la présence. Il entraîna le nouveau videur à l'extérieur.

— Quoi ?

Éric se retourna pour suivre son regard et nota lui aussi son absence.

— Où il est ?