21.2 : Le Futur

316 51 3
                                    

L'après-midi même, elles se rendirent toutes les deux à l'appartement de Clara. En chemin, la sorcière s'arrêta plus d'une fois pour apporter son aide : elle aida les engins de déblaiement en réduisant les volumes de gravats, soigna les blessés qui nécessitaient des soins rapides, accéléra le dégagement des routes principales pour favoriser l'accès aux véhicules... À dire vrai, elle aurait pu passer sa journée et les suivantes à apporter un coup de pouce magique aux réparations de la ville.

Mais des troupes militaires sillonnaient la ville. Dans le but de sécuriser les habitants autant que pour orienter les travaux, ils circulaient par petits groupes. Les lignes téléphoniques endommagées ne permettaient pas une communication fluide, mais la parade avait été vite trouvée : les talkies-walkies crachotaient régulièrement jusqu'à ses oreilles et toutes les forces de l'ordre présentes sur place en usaient pour communiquer à leurs supérieurs les avancées sur le terrain. Quelques hélicoptères survolaient également la ville et se permettaient ainsi une vue plus large de l'étendue des dégâts.

Quelques Fossoyeurs, fondus dans la masse, croisèrent leur route, mais aucun ne fit montre d'hostilité. Comme vidés de leur substance, ils vagabondaient parmi la foule sans jamais vraiment s'y mêler, et ne semblaient plus enclins à provoquer des ennuis.

Clara se ravit de constater l'apparition de dispensaires de soins. Établis aux quatre coins de la ville, ils permettaient à tous les rescapés des premiers secours, un examen complet et gratuit, voire un transfert dans un hôpital voisin lorsque le cas le nécessitait. Là encore, Clara orienta certains habitants dans leur direction.

Elles furent plusieurs fois interpellées sur leur état et leurs besoins. Le climat de peur avait enfin disparu et avait débarrassé le cœur de Clara d'un poids énorme. Plus légère, elle appréciait ce changement en connaissance de cause. Toutefois, en mesure de subvenir à ses propres besoins, elle éconduisit tous ceux qui s'intéressèrent à elles de trop près.

Devant son immeuble, Antoinette balayait le seuil couvert de pierres et de poussière. Surprise, Clara s'arrêta : n'avait-elle pas quitté Clarme ?

— Ah ! s'écria la vieille femme en l'apercevant. Mademoiselle Cole ! Enfin un visage familier ici ! Vous m'avez l'air d'aller bien !

Elle lui offrit un semblant de sourire, aussitôt dissipé par ses sourcils froncés.

— Z'êtes la première à revenir. Z'avez de la chance, l'immeuble a été épargné... mais r'gardez-moi c'bazar !

Sur ce, elle donna un coup de balai rageur à quelques cailloux amoncelés, lesquels volèrent du haut des marches jusqu'au trottoir.

— Z'êtes pas seule ? Une réfugiée ?

— Euh... oui, c'est... ma cousine, improvisa Clara.

— Ah ! dit-elle. Enchantée ! Mais vous voulez p't'être rentrer ?

— Euh... oui, hésita-t-elle. Vous êtes restée à Clarme avec tout ce qui s'est passé ?

— Moi ? Ah ! Non, j'suis rentrée aujourd'hui même ! Sinon, j'aurais botté l'train de ces soi-disant forces de l'ordre ! Non mais r'gardez-moi ça !

D'un ample mouvement du bras, elle désigna la rue et les restes de bâtiments qui encombraient la rue. Clara eut du mal à retenir son sourire. Comme à son habitude, la concierge faisait seule la discussion et ne se préoccupait pas vraiment des réponses de ses interlocuteurs – du moins, tant que l'interlocuteur en question ne répandait pas potins et ragots de quartier.

— J'ai dû v'nir à pieds, vous m'entendez ? À pieds ! Z'avez vu mes jambes ?

De fait, elle souleva le bas de sa longue jupe et dévoila deux mollets trop épais pour être en bonne santé.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora