2.1 - Les Liens du Sang

470 95 4
                                    


Telle une sportive de haut niveau sur le point d'entamer une épreuve olympique, Chloé prit plusieurs fois sa respiration. Elle inspira, souffla, tenta de calmer son stress et les battements frénétiques de son cœur.

Le petit pavillon de banlieue, plutôt coquet, n'avait pourtant rien d'impressionnant. Il ne se démarquait du reste de la rue que par son petit bassin et la fontaine dont l'eau ruisselait sans discontinuer.

Chloé jeta un regard au ciel bleu, puis le porta plus loin à l'horizon vers l'amoncellement de nuages.

Je n'ai pas de parapluie.

Prête à faire demi-tour, l'Ange la cloua sur place.

« Tu te défiles depuis plusieurs semaines. Ça suffit.

— Je n'ai même pas appelé avant, protesta-t-elle.

— Tu n'as pas appelé car tu craignais qu'ils ne te répondent pas si tu mentionnais Clara. Avance. »

Il contrôla son bras et le leva à hauteur du portail, mais Chloé en reprit d'autorité la maîtrise et ôta sa main. L'agacement de l'Ange déferlait sur elle sans la moindre retenue, mais sans la dissuader.

La recherche lui avait coûté plus de deux semaines. Après de nombreux coups de fil et par élimination, elle avait fini par contacter un certain Alain Dubreuil. À la mention de Clara, elle l'avait senti réticent. Toutefois, il avait consenti à lui parler de son frère Daniel et lui avait confirmé, par téléphone, que sa nièce Clara était morte dans ses plus jeunes années. Chloé avait insisté, mais il n'en avait pas démordu : selon lui, son corps avait été retrouvé et elle était bel et bien morte.

La tête emplie d'interrogations, Chloé reportait sa visite depuis deux semaines supplémentaires. Irrité par son comportement, l'Ange l'avait poussée à l'action. Face à cette maison, qui signifiait pourtant la fin des doutes, Chloé hésitait toujours.

Ne s'était-elle pas trompée ? Ces gens la croiraient-ils ? Que lui réserverait une entrevue ? S'agissait-il vraiment de ses parents ? Comment prendraient-ils la nouvelle ?

Un vent doux fit tinter le carillon en bois suspendu près de l'entrée.

Toujours emplie d'incertitudes, Chloé prit encore plusieurs inspirations pour calmer son angoisse et diminuer la boule qui prenait forme dans son estomac. D'un geste, elle poussa le portail et suivit les pavés jusqu'au seuil de la maison. Elle avisa la sonnette, M. & Mme Dubreuil écrit à la main sur la languette de papier juste à côté.

« Courage. »

D'une main tremblante, elle pressa le bouton. Le bruit aigu résonna depuis l'intérieur de la maison et lui arracha un soubresaut.

Après plusieurs secondes pendant lesquelles Chloé regarda la rue avec envie, une femme d'âge mûr aux tempes grisonnantes ouvrit la porte. De toute évidence, Chloé l'avait interrompue en pleine séance de cuisine. Un fumet sucré lui fouetta le visage et ses mains gantées de manique tenaient un plat à tarte encore fumant.

— Je t'ai déjà dit de ne pas sonner alors que...

Elle leva enfin les yeux vers Chloé, interdite, puis se reprit.

— Pardon ! J'attendais... une autre personne. Je peux vous aider ?

Cette voix...

Ce visage...

Cette expression...

En dépit des rides qui marquaient ses yeux et soulignaient les commissures de ses lèvres, Chloé la reconnut. Saisie, elle resta figée sur le palier, incapable de prononcer un mot de plus devant l'image maternelle perdue depuis si longtemps.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant