Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)

1.3 : Une Nouvelle Ere

Après une heure du matin, la salle n'abritait plus que quelques derniers fêtards. Quand Gilles leur refusa un dernier verre et précisa la fermeture proche, ils se résignèrent à quitter le bar. Chloé observa la salle en désordre, les verres abandonnés, parfois renversés ; les traces de boissons piétinées sur le sol. Autrefois, et elle l'ignorait, Georges se chargeait lui-même du nettoyage, parfois avec l'aide de Boris. Soit après la fermeture, soit en milieu de journée, il s'armait de ses produits ménagers et briquait le bar du sol au plafond. Désormais, Chloé remerciait l'Ange de la délester de cette corvée.

Elle se tourna vers Gilles, éreinté. Sans entrain, il terminait de ranger son espace de travail.

— Tu tiens le coup ? demanda-t-elle.

Il soupira.

— Limite. Aux heures d'affluence, je ne suffis pas.

— J'ai vu. Je vais tâcher de trouver quelqu'un pour te filer un coup de main, au moins les soirs où Jérôme ou les Guns se produisent.

Il acquiesça et lança le torchon sur son épaule, soudain grave.

— Je peux te parler ? En privé.

— Un souci ?

— C'est un bien grand mot... je dois simplement te parler. Ça fait un moment que je repousse l'occasion...

Elle jeta un regard en biais à Boris, qui tourna aussitôt les yeux vers elle.

— Je te laisse fermer ?

Il acquiesça.

— Je m'en charge.

Chloé le remercia d'un mouvement de tête puis entraîna le barman dans le bureau.

— Je t'écoute. Qu'as-tu de si important à me dire ?

Il referma soigneusement la porte derrière lui et s'y adossa. Après un moment de réflexion, il fit un pas vers elle.

— Je sais... je sais qui tu es.

D'abord hébétée, Chloé sourit.

— Sans rigoler ?

— Ce que tu es. Les pouvoirs que tu as.

Chloé s'efforça de ne rien laisser paraître de sa stupeur. Elle feignit de rire, mais savait déjà que ses talents d'actrice n'avaient jamais convaincu.

— Les pouvoirs ? Les pouvoirs de quoi ?

Il prit un air contrarié, puis approcha d'elle, la mine malicieuse.

— Ça ne prend pas avec moi, p'tite tête.

Elle fronça les sourcils.

— Ne m'appelle pas comme ça.

Il étouffa un bâillement, puis se passa une main sur le visage. Chloé aussi commençait à ressentir les effets de la fatigue.

— Écoute... Je suis au courant. Avec tout ce qui t'est arrivé ces derniers temps et le remue-ménage que ça a provoqué... je suis même prêt à parier que tu es l'Ange Suprême.

L'appellation ne pouvait pas avoir été choisie au hasard. Prise entre le besoin de garder le secret sur ses pouvoirs et la révélation de Gilles, elle ignorait comment agir. Tétanisée, elle ouvrit la bouche et la referma à deux reprises, avant de serrer finalement les lèvres, le regard interrogateur.

— Je ne voulais pas t'en parler, dit Gilles. Mais... je pense que tu pourras m'aider.

Elle attrapa son bras et le tira vers elle.