3.3 : L'Élection

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Le soir venu, elle trouva Boris dès son arrivée au bar, qui veillait sur les lieux. Depuis toujours, il prenait son travail très à cœur et à présent que la foule affluait, il démontrait une attention encore plus soutenue. Toujours en alerte et prêt à agir en cas de besoin, il n'avait jamais failli.

Il avait pourtant repris son poste, dépité, un mois plus tôt. La balle que l'un des hommes de Darmack lui avait tirée dans la jambe avait touché un nerf et à son retour au bar, il boitait. Clara avait tout de suite deviné ses craintes et lui avait, à son insu, donné un petit coup de pouce magique en régénérant les tissus détruits. Depuis son miraculeux rétablissement, il paraissait plus décidé que jamais à accomplir parfaitement son travail.

Comme le bar n'avait pas encore ouvert ses portes, elle lui proposa un verre – qu'il accepta bien volontiers. Assis côte à côte devant le comptoir du bar, ils discutaient de tout et de rien.

— Tu as vu Jérôme récemment ? demanda-t-il.

— Non.

— D'habitude, il passe plus souvent, même quand il ne se produit pas. Il nous oublie un peu en ce moment.

Elle acquiesça.

— C'est vrai. Il s'est peut-être trouvé une fiancée, qui sait ?

Boris parut méditer sur le sujet.

— Tant qu'il est là pour faire son job... Je l'ai eu au téléphone hier matin, et il m'a confirmé pour ce soir.

En réalité, Clara se doutait des raisons pour lesquelles il ne venait plus. Bien qu'elle eût altéré sa mémoire, son appréhension à revenir dans un lieu où il avait failli mourir et où il avait été kidnappé pour être torturé ne devait pas l'enchanter. Jérôme avait insisté pour conserver tous ses souvenirs, mais Clara n'avait pu s'y résoudre. En soignant la majorité de ses blessures, elle s'était efforcée de lui épargner les plus douloureux. Peut-être aurait-elle dû totalement les effacer...

— C'est dingue, quand même, tous les gens qu'il ramène.

Elle acquiesça et vida son verre de thé glacé.

— De toute ma carrière, je n'ai jamais vu une telle affluence au bar, ajouta le videur.

— Tu es là depuis quand, toi ?

— Moi ? Ouh...

Il prit un air concentré et tapota le bar des doigts.

— Ça doit faire... dix, quinze ans.

Clara observa son videur.

— Et jamais il n'y a eu autant de monde ?

— Quasiment jamais, non. C'est peut-être arrivé une fois ou deux, mais...

Un haussement d'épaules ponctua sa phrase.

— Parfois, je me demande pourquoi Georges m'a embauchée et surtout, pourquoi il m'a gardée en tant que chanteuse...

— Pourquoi tu dis ça ?

— Je n'ai jamais attiré les foules. Je n'avais aucun succès, c'était une perte de temps et d'argent de me garder là.

— Non.

Boris secoua la tête et termina sa bière.

— Georges t'adorait. Il ne t'aurait jamais licenciée.

— Il aurait quand même pu me trouver un autre job.

À nouveau, le gardien du bar secoua la tête.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Where stories live. Discover now