Il fallait que je parte, que je m'éloigne au maximum de lui. C'était la seule chose que je pouvais faire pour lui. Il me blâmerait, m'insulterait et me haïrait d'autant plus mais ça n'avait pas d'importance. Du moment qu'il restait en vie, c'était tout ce qui comptait. Je ne pouvais pas en vouloir plus.

Ce n'était pas une décision facile à prendre malgré tout. Qu'il soit parvenu à s'infiltrer dans la Cour Noire était déjà un miracle mais réussir à retourner au Grand Royaume sans encombres avec Addy... Je n'étais pas certaine qu'il y parvienne. Je me moquais de me retrouver seule dans la Faerie. J'étais une Demi-Sang, je pourrais m'en tirer plus facilement. Surtout que je savais me battre et que je n'avais rien  àperdre.

Ryker, lui, avait la vie de sa sœur entre les mains et le destin de tout un royaume.

Pouvais-je réellement partir et les laisser se débrouiller seuls ? S'il leur arrivait quelque chose une fois partie, ça pèserait à jamais sur ma conscience. Je ne pourrais pas vivre avec l'idée que c'était un peu de ma faute s'ils étaient morts ou capturés.

Je regardai autour de moi en buvant un peu au goulot de la gourde de la jeune princesse. La Faerie était étrangement calme et vide, une suite interminable de forêts et de prés. Les paysages étaient tous plus banals les uns que les autres. Je m'étais attendue à quelque chose de tellement différent que j'étais déçue.

Peut-être était-ce comme dans le Grand Royaume. Les jardins du château royal étaient absolument magnifiques mais, une fois que l'on sortait de son enceinte, tout était... banal. Si ce n'était pour la Plaine aux Papillons, un miracle de la nature.

Ici, ce n'était qu'alternance entre arbres et vallées. Il n'y avait rien d'autre. Pas même une rivière ou un désert. Rien d'autre que des bois et des champs. Durant les journées où nous voyageâmes, nous ne croisâmes même pas le moindre animal. Pas un daim, pas un écureuil, pas un oiseau. En y songeant, il n'y avait même pas le moindre moustique et ça, c'était anormal. Se pouvait-il que ces terres soient encore mortes bien qu'elles n'en aient aucunement l'apparence ? Peut-être que tout n'était qu'un leurre des Faes pour prétendre avoir regagné leur puissance et leur magie.

- Nous sommes bientôt à court de nourriture.

La voix d'Addy mefit relever la tête. Elle avait le nez dans le sac en toile de son frère. C'était une première. D'ordinaire, il ne s'en séparait jamais. D'ailleurs, où était-il ?

- Lâche ce sac, Addy.

Je tressaillis lorsqu'il apparut derrière moi. Il passa à côté de moi, comme si je n'existais pas, que j'étais invisible. Je sentis la laine rêche de sa cape caresser mon bras. Je voulus lever les yeux vers lui mais il me tournait déjà le dos, accroupi près de sa sœur pour récupérer son sac.

- Mais Ryker, protesta-t-elle, la voix trop geignarde, indigne d'une princesse. On ne va bientôt plus avoir quoi que ce soit à boire et à manger. Et il n'y a pas le moindre gibier ici. Et encore moins de rivière. Comment va-t-on faire ?

- Ne t'inquiète pas de ça. Je sais exactement où nous allons.

- Ah oui ? Tu es sûr ? Parce que j'ai l'impression que nous sommes perdus ! Je suis prête à parier que nous tournons en rond !

- Je peux t'assurer que non. Fais-moi confiance. Je vais te ramener au château.

« Te ». Pas « vous », « te ». Je n'étais pas incluse dans son plan. Qu'allait-il faire de moi ? Allait-il me faire pendre haut et court à peine arrivés sur ses terres ? Ou allait-il tout simplement m'abandonner au milieu de la Faerie ? L'un comme l'autre était à la fois le mieux que je puisse demander et le pire.

L'Arme du Roi (Le Grand Royaume #2)Where stories live. Discover now