Chapitre n°40 : Souvenirs (6)/(Nathan part 3)

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J'ouvre doucement les yeux, à moitié consciente. Mes membres me font souffrir. Je tremble. Je ne me sens pas bien. Au-dessus de moi, un visage. Les spasmes redoublent.

- Eh... Doucement. Murmure une voix, qui n'est pas celle de Diego.

Une main se pose sur mon front. Tendrement. Je me base sur son contact chaud pour me détendre et réguler ma respiration. Une larme roule le long de ma joue. Je me force à me redresse et à m'assoir, et enfouis ma tête dans mes genoux pour sangloter en paix.

Doucement, je sens une main passer dans mes cheveux, me forçant à relever la tête. Le dénommé Nathan me regarde avec inquiétude et affection. Je le dévisage avec douleur, laissant sa paume glisser le long de ma joue pour effacer mes larmes. Il s'approche encore plus, si bien que nos souffles se mélangent, et sans crier gare, me prends dans ses bras. Je ne le repousse pas. Je n'en ai pas l'envie, et surtout, je n'en ai pas la force. Je le laisse m'entourer et me love contre son torse, tandis qu'il me berce tendrement. Je me laisse porter, mouillant très certainement son t-shirt de larmes silencieuses que je ne peux faire arrêter de couler.

Il est patient. Il me tient dans ses bras pendant longtemps, jusqu'à temps que je me calme, et plus encore. Je n'arrive pas à me défaire de son étreinte chaude et rassurante.

-Shadow... Murmure-t-il doucement.

Je reprends une inspiration.

-S'il te plaît... Ne m'appelle pas comme ça. Articulais-je à mi-voix.  

-Comment voudrais-tu que je t'appelle alors ?

-Cathleen. Parce que quand je sortirais, c'est comme ça que je voudrais m'appeler. Soufflais-je doucement.

-Diego m'a dit que tu n'étais pas comme les autres. Chuchote-t-il.

Je me tends.

-Il m'a dit qu'aucune femme n'avait encore résisté plus de trois mois à ce traitement. Il m'a dit que tu avais une force qui te poussais à avancer alors que tu es détruite. Il m'a dit que tu étais exceptionnelle. Mais je le savais déjà.

-Non... Tu dis ça juste pour me consoler. Tu ne penses pas ce que tu dis. Niais-je.

-Je le pense vraiment. Assure-t-il.

-Mais comment pourrais-tu prétendre une telle chose alors qu'on a échangé trois mots ? M'insurgeais-je d'une voix étranglée, incapable de le croire.

« Tu n'es rien Shadow, tu n'es rien ». La phrase que Diego me répète inlassablement résonne dans ma tête. Je suis perdue. Encore plus perdue.

-J'ai eu deux autres compagnons de cellules, les heures précédentes. L'une criait tout le temps, pleurait comme un bébé et répétais des phrases sans queues ni têtes. L'autre rigolait, les yeux exorbités ; et passait des larmes aux sourires sans aucune raison. Ils étaient restés seulement deux semaines pour l'une, et trois pour l'autre. Mais toi, tu m'as parlé normalement. Tu ne criais pas, tu ne pleurais pas. Tu essayais juste de cacher tes blessures. Tu m'as proposé ta couverture et ton matelas. Après trois mois passés ici. Il ne devrait plus te rester une once d'humanité. Tu es tombée sur le pire, Cathleen. Et j'en suis désolé.

Ses paroles me réchauffent le cœur. M'animent d'une force nouvelle.

-Tu connais Diego ? Murmurais-je, abasourdie, en laissant retomber ma tête sur son épaule. Pourquoi est-ce que tu es là, en fait ?

Il prend une longue inspiration.

-Je suis né dans une ville très proche de la frontière. Explique-t-il. Mes parents sont morts durant les premiers bombardements et attaques, il y a quelques mois. J'ai réussi à me débrouiller. J'ai trouvé des armes, j'ai appris les règles de la rue. Je me suis demandé plusieurs fois pourquoi est-ce que je voudrais continuer. Qu'est-ce qui pourrait me pousser à vivre. J'ai essayé de trouver un sens à mon existence, à ce que je faisais. J'ai compris de nombreuses choses. Petit à petit, je me suis fait des alliés. On s'est construit une base, on a amassé des armes. On a formé un groupe. J'étais le chef. On survivait comme ça, parce qu'on n'avait pas vraiment les moyens de partir ailleurs. En réalité, on essayait de se trouver des voitures pour sortir tous ensemble de la ville, mais il y avait vraiment plus rien. Les Sytariens, eux, ils avaient des véhicules. Alors on a décidé de former une résistance, comme les militaires ne faisaient rien. On a formé un groupe de soldat clandestin et on défendait notre quartier. Les Sytariens ne s'y attendaient pas. Ils ont mené une attaque armée, et on les a dégommés. -Il sourit en évoquant le souvenir, ce qui lui creuse d'adorables fossettes aux coins des lèvres- Ils n'ont pas vraiment apprécié la perte d'un régiment entier. Ils ont répliqué avec plus de troupe et d'armement, et je me suis fait chopper en aidant mon groupe à s'échapper. Et Diego me torture pour avoir la localisation de notre base. Mais il ne l'aura pas.

Expérience 21Où les histoires vivent. Découvrez maintenant