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Le soir du bal, je n'ai pas pris énormément de temps à me préparer, bien que j'ai hésité assez longtemps avant de ranger la robe que les jumeaux m'avaient offert. J'aurais aimé pouvoir la mettre et me pavaner avec des talons d'une douzaine de centimètres, sans que personne ne trouve cela bizarre.

Je ne m'intéressais pas aux vêtements masculins et m'en suis jamais intéressé. J'étais même incapable d'attacher convenablement un noeud papillon, alors ma soeur, seulement âgée de seize ans, a dû le faire pour moi.
Ses petites mains manucurées se baladaient délicatement près de mon cou afin de faire du bon travail.

Un long silence de plomb nous a entourés avant que la jeune fille n'ose ouvrir la bouche:

-Je suis déçue que tu ne portes pas ma robe mais je dois admettre que tu es canon, dans cette tenue.

-Je suis tout aussi déçu que toi mais j'ai fait le choix d'être comme tout le monde pour cette dernière soirée, ai-je répliqué, très peu convaincu par ce que je disais.

Clara s'est probablement rendue compte que mes paroles étaient loin d'être sincères et que je mourais d'envie d'enfiler la longue robe dans laquelle je me sentirais enfin moi-même, en harmonie dans mon propre corps qui n'a jamais réussi à me plaire.

-Et puis, tu sais, je vais là-bas en compagnie de Morgane et je n'ai aucune envie de lui foutre la honte en m'habillant comme un travelo à deux balles, ai-je ajouté, comme pour me conforter dans mon choix.

Les mains de ma cadette sont devenues statiques durant plusieurs secondes consécutives sans que je n'en sache la raison avant qu'elles ne commencent à violemment se taper contre ma poitrine. Les coups que je recevais étaient d'une puissance inattendue, voire surprenante.
J'étais incapable de dire quoi que ce soit pour lui demander ce qu'il se passait.

-Tu n'as pas le droit, Romuald, a-t-elle machinalement prononcé en m'assénant de coups de plus en plus forts.

Je ne comprenais pas et aucun mot ne parvenait à dépasser ma cavité buccale pour lui crier de s'arrêter. Ça me faisait mal, que ça soit physiquement comme mentalement.
Puis, très vite, je me suis souvenu que j'étais doté de plus de force qu'elle donc je lui ai attrapé les mains et les ai maintenues dans les miennes.
Clara s'était mise à pleurer et à taper du pied, exactement de la même façon que lorsqu'elle n'avait que six ans et que quelque chose qu'elle adorait faire lui était interdit.
Ça aurait pu être pathétique mais sans mentir, ça m'effrayait.

-Pourquoi te mets-tu dans des états pareils, Clara?, ai-je calmement demandé, alors qu'elle me regardait dans les yeux avec beaucoup de difficultés.

Je n'ai reçu aucune réponse avant qu'elle ne se détache de mes mains qui la tenaient. Elle s'est ensuite assise sur ma chaise de bureau et est restée silencieuse, tel un paradoxe.

J'ai hésité mais ai fini par me rapprocher davantage d'elle. Une fois mon visage au même niveau que le sien, je l'ai franchement regardée dans les yeux et ai attendu que quelque chose se passe: ça me laissait du temps à trouver de quoi répliquer.

-Tu as l'air atrocement déprimée pour le moment, ai-je repris la parole avec douceur. Qu'est-ce qui ne va pas dans ta vie?

-Toi, a-t-elle répondu avec tant de sincérité.

Ce simple mot m'a coupé le souffle; j'ai cru que j'allais suffoquer à cause d'un manque air. Je ne parvenais pas à interpréter sa réponse et ça me tuait. Ça me rendait malade d'être la cause des problèmes de ma petite soeur.
Avant même que je n'aie le temps de poser une pauvre question, elle a décidé de s'expliquer:

-Tu vas mal, Romuald. Tu peux le cacher à qui tu veux mais pas à moi, ta petite soeur adorée. Ça fait plusieurs jours que ton aura a une couleur atrocement laide, je la vois. Elle est si laide que ça me donne des nausées, a-t-elle été le plus sincère possible.

J'ai eu du mal à intercepter ses paroles, qui ne se voulaient probablement pas malveillantes mais malgré tout, elles n'étaient pas agréables à entendre. J'avais l'impression de la dégoûter, selon ce qu'elle disait.

-Pourquoi tu me dis ça?, ai-je fini par la questionner, empli d'interrogations sans réponse.

Elle a hésité avant de m'attraper la main et de l'entourer de la sienne, faisant la moitié de la taille de ma grande paluche masculine. C'était adorable et mignon à la fois.

-Lorsque nous t'avons présenté la robe, une étincelle a traversé ton regard et ça faisait une éternité que je ne l'avais plus vue. Avant, elle était en permanence dans tes iris rieuses mais depuis un petit moment, tes yeux ne pétillent plus. Ils ont l'air éteints et ça m'effraie.

Je suis resté bouche bée face à son explication, comme si seulement une lueur dans les yeux lui avait mis la puce à l'oreille quant à mon bien-être intérieur. Je trouvais cela fou et effrayant par la même occasion.

Pourtant, étant trop déstabilisé, je n'aurais pu dire quoi que ce soit. J'avais peur que mes mots soient trop faibles ou trop faux, ou pas assez francs ou vrais alors j'ai préféré éviter le sujet.

-Merci pour le noeud papillon, je t'aime.

Ensuite, j'ai attrapé ma soeur et l'ai longuement serrée de mes bras pas énormément musclé, mais assez pour ne pas les aimer.
Elle m'a rendu mon étreinte, heureuse d'avoir eu l'accession de s'exterioriser quant à ce qu'elle ressentait au fond de son être, de son pauvre organisme de simple être humain.

Lorsque nous nous sommes éloignés l'un de l'autre, je l'ai regardée une dernière fois, ou plutôt observée, au cas où cette soirée me changerait à jamais.

-J'ai bien réfléchi, ai-je osé dire, je vais prendre la robe avec moi, si une envie folle de la porter me venait.

Un sourire sincère s'est collé sur le coin des lèvres de ma soeur, fière de mon changement d'avis de dernière minute. Elle comptait bien m'encourager, même si ça devait se faire par message, pour j'ose la porter en public.

Ça a été la fin de notre discussion mais avant que je ne la laisse quitter ma chambre, je l'ai longuement regardée dans les yeux. Elle semblait un peu rassurée lorsque je comparais avec le début de la conversation, mais elle imaginait certainement un complot derrière tout cela.

Sans faire attention à cette pensée, j'ai quitté ma chambre et suis descendu, pour dire à Papa que j'étais prêt pour quitter la maison et me diriger vers la maison de Morgane et ensuite l'école, où la fête avait lieu.

Papa est allé chercher sa veste sur le porte-manteau et pendant ce temps, j'arrachais discrètement des coups d'yeux à Léonard. Ce dernier était affalé sur le divan et regardait un programme américain sans faire attention à ce qui se passait autour de lui à ce moment.

Alors que David, le père, traînait dans le hall d'entrée, aucun de nous ne se disait rien, probablement chacun déstabilisé par la présence de l'autre.

-Joli noeud papillon, a laissé entendre Léonard en levant à peine les yeux de la télévision.

Ces trois petits mots m'ont satisfait et m'ont encouragé à y aller dans cette tenue. Léo n'est pas du genre à faire des compliments alors, lorsque ça arrive, il est préférable de les accepter sur un plateau d'argent et de se sentir flatté durant plusieurs jours d'affiliés.

Une fois Papa prêt à démarrer, j'ai calmement regardé mon petit frère une dernière fois de la tête aux pieds, afin de partir à cette soirée avec une image nette de ce dernier.

Après cela, je suis allé embrasser Maman qui m'a souhaité bonne chance avec Morgane et m'a fièrement photographié, heureuse de me voir porter enfin quelque chose de normal pur un garçon typique de définition.

Une fois imbibé de chaque membre de ma famille, je suis rentré dans la grande voiture de mon père. Je lui ai demandé de se dépêcher afin d'arriver le plus vite possible à cette dernière soirée de ma vie en tant que lycéen.




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Je prends énormément de retard. Il reste probablementchapitres ou peut-être un seul.
Je voulais tout écrire aujourd'hui mais j'ai pris du retard et suis en train de m'endormir...
Bonne nuit et bonne lecture😂

Donne-moi ton corpsDove le storie prendono vita. Scoprilo ora