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Lorsque nous sommes rentrés à la maison, mon frère, ma soeur et moi, nos parents ne semblaient pas réellement tracassés par notre longue absence.
Puis, Maman a remarqué que mes yeux étaient injectés de sang. Elle en a très vite déduit que j'avais pleuré et m'a oppressé pour que je lui explique la cause de mon chagrin.
Évidemment, je n'en avais aucune envie donc j'ai nié sa demande et lui ai menti en disant que ce n'était rien de bien grave, qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète.

Bizarrement, elle ne m'a pas cru et semblait encore plus anxieuse qu'avant que je ne dise quoi que ce soit. Je me félicitais silencieusement et me répétais que je n'étais qu'un pauvre idiot qui ratait tout ce qu'il souhaitait et tentait d'entreprendre.

J'ai essayé de quitter Maman et d'aller dans ma chambre mais celle-ci a été plus rapide que moi et m'a attrapé par le bras avant même que je n'essaie de faire un pas vers les escaliers.
Je n'avais rien à lui dire et n'avais plus aucune envie de rester en face d'elle à la regarder dans les yeux donc je lui ai violemment demandé quel était le problème, ce qu'elle me voulait exactement.

-Il faut que l'on discute, toi et moi, a-t-elle simplement expliqué.

Hésitant, je me suis approché d'elle. J'imaginais réellement le pire mais faisais mon possible pour rester impassible afin d'éviter qu'elle ne croit que je lui cache quelque chose.
Maman m'a attrapé par le poignet et m'a emmené à la cuisine. Elle m'a demandé de m'asseoir et que l'on discute pendant qu'elle préparait le dîner.

-Romuald, j'ai remarqué quelque chose, a commencé la quadragénaire.

Ma respiration s'est accélérée. Je mourrais de peur quant à ce qu'elle comptait me faire part. La dernière fois que nous avions eu une discussion de ce genre, ça a fini en dispute. Une dispute si énorme que chacun de nous était parti de son côté, en pleurs.
Et pour être tout à fait honnête, je n'avais aucune envie de pleurer et de repenser aux insultes dont j'ai été victime dans le bus.
Je n'ai donc rien répondu et l'ai lancée répondre.

-J'ai remarqué que tu étais très triste...

-Pourquoi dis-tu ça?, l'ai-je coupée.

-Parce que je suis ta mère et je suis encore capable de voir la tristesse dans les yeux de mes enfants, s'est-elle justifiée en attrapant le poivre. Je t'ai observé, mercredi dernier et ton regard sombre et fermé m'a retourné l'estomac. Je n'ai aucun doute quant à ton mal-être et j'aimerais que tu m'en parles.

Les yeux baissés, je suis resté silencieux. Elle était forte, très forte. J'ai toujours su qu'elle était observatrice mais de là à remarquer quelque chose que je cachais depuis si longtemps, c'était respectable.
Face à mon mutisme, Maman a décidé de déposer la spatule qu'elle tenait fermement et de s'approcher de moi. Elle a tendrement posé sa main sur mon épaule et m'a demandé ce qu'il se passait.

-Rien, j'en ai marre des cours, ai-je avancé, en mentant à moitié.

Ce n'était pas totalement faux: je commençais réellement à ne plus supporter le fait d'être obligé de suivre des cours sans valeur, dans des vêtements qui ne me correspondent nullement.
Malheureusement, elle n'avait absolument pas l'air convaincue par ce que je décretais et ses impressions étaient vraies, vu que je lui cachais la plus grosse partie de mes problèmes.

-Que se passe-t-il, mon Romuald?, a-t-elle gentiment demandé en prenant place à ma droite.

J'ai laissé planer un silence avant de prendre mon courage à deux mains et d'être honnête avec elle afin de lui révéler le fond de mes pensées.

-Pour la soirée de l'école, j'ai décidé de porter une tenue de pompom girl avec Mathias et une amie..., ai-je commencé.

-Je pensais que c'était avec un de tes amis d'espagnol qui s'appelait Morgane, m'a-t-elle coupée, impassible.

-Oui, je t'avais dit que c'était un garçon pour que tu me laisses tranquille et ne poses pas trente-cinq questions, me suis-je défendu. Bref, Morgane, la fille n'avait pas de problème, elle était même plutôt attirante dans cette tenue et Mathias non plus car il est du genre à déconner. Moi, par contre, je faisais cloche. Je me sentais merveilleusement bien dans cet habit, en harmonie folle avec mon corps mais très vite, on a commencé à m'insulter, à dire que je n'étais qu'un pédé, une fillette, une tarlouze.

J'ai remarqué le regard de ma Maman s'agrandir. Elle devait être très étonnée que je lui raconte une chose pareille et également que je reçoive des mots aussi méchants par mes "camarades", comme elle a l'habitude de nommer tous ces imbéciles à la grande gueule.

-Mais Romuald, tu aurais pu m'en parler plus tôt, je suis ta mère, a-t-elle simplement dit pour réagir.

Bizarrement, j'étais persuadé qu'elle dirait exactement ces mots-là après lui avoir révélé cette histoire. Elle est beaucoup trop prévisible mais je pense que n'importe quelle mère aurait dit une chose pareille.

À vrai dire, j'étais un peu déçu, que personne n'avait une réaction différente que la "norme". J'aurais aimé faire face à une réaction farfelue mais qui aurait montré que je comptais pour la personne.
Enfin, je présume que je compte pour ma mère mais elle avait réagi avec tant de retenue que ça en était ridicule.

-Maman, j'ai bien réfléchi..., ai-je clamé, hésitant d'exposer mon idée.

-Oui, dis-moi, a-t-elle prononcé en retournant aux fourneaux.

-En fait, j'en ai marre d'être sensible aux avis des autres. Je vais donc commencer à vivre pour moi-même et vais me vernir les ongles.

Évidemment, Maman a dû trouver mon idée stupide, vue la grimace qu'elle a faite dès que je lui ai annoncé ma décision. Je n'étais pas réellement étonné mais n'avais aucune envie de rire car j'étais excessivement sérieux.

-Tu crois que c'est une bonne idée de faire ça alors que tu es parti pleurer pendant deux heures car on t'avait appelé tarlouze?, a ironisé Maman, en se moquant.

Elle n'était pas d'accord avec ma proposition, certes mais ce n'était pas une raison pour planter davantage le couteau dans la plaie encore saignante. Je l'ai trouvée pathétique et excessivement débile de dire ça donc je ne suis pas resté plus longtemps dans la cuisine.
J'ai bousculé la chaise sur laquelle j'étais installé et lui ai craché que ce n'était qu'une conne avant de rejoindre ma chambre avec rage.

Elle m'a suivie, énervée et est rentrée dans la pièce tout aussi vite.

-Romuald, je suis ta mère!, a-t-elle crié.

-Et moi, je suis ton fils, ai-je rétorqué, sur le même temps. Tu n'as pas à avoir le même comportement que tous ces connards qui me rabaissent.

-Je n'ai rien dit!, s'est-elle défendue, en bonne victime.

Je suis sorti de mon lit avec impulsion et me suis dirigé vers la porte où Maman se tenait debout. Je l'ai regardée droit dans les yeux et lui ai poliment demandé de sortir.

-Tu es fâché?, a-t-elle alors commencé à s'inquiéter.

-Sors, s'il te plaît, tu ne comprends quand même rien à ce que je vis. Je suis une tarlouze, hein!, ai-je provoqué, en lui rappelant ce qu'elle m'avait dit quelques minutes plus tôt.

Elle a alors baissé les yeux et est partie rejoindre la cuisine.
Une fois seul, j'ai bêtement fondu en larmes encore une fois.
Si même ma propre mère n'était plus de mon côté, les choses risqueraient de devenir plus compliquées.

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Désolée pour ce retard énorme.
J'espère que vous me pardonnerez.
Et désolée aussi pour la qualité minable de ce chapitre.
[14/12/2016]

Donne-moi ton corpsWhere stories live. Discover now