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Mathias est venu me chercher chez moi, ce soir-là mais a fait exprès de venir plus tôt afin de pouvoir profiter de l'énorme fauteuil confortable disposé dans ma chambre.
Ma maman lui a très vite proposé de dîner avec nous et bien qu'il se soit déjà nourri, il n'a nullement refusé.
Ce garçon aimait trop la nourriture et s'est toujours bien senti, chez moi.

Une fois tous installés autour de la grande table, j'ai remarqué Clara regarder mon meilleur ami de manière discrète.
Ma soeur avait un an en moins que nous, elle avait fêté ses seize ans quelques semaines plus tôt mais ça faisait plus de deux ans qu'elle était folle de Mathias. Je n'ai jamais su ce qu'elle lui trouvait mais les choses se sont faites ainsi.
Ce dernier était au courant des quelques sentiments de ma cadette à son égard. Il ne disait rien mais s'en sentait flatté, il ne pouvait le cacher.

À la fin du repas, mon ami m'a emmené de force jusqu'à ma chambre et m'a obligé, tant bien que mal, à porter un costume.
Il est allé trouver des bretelles dans un magasin de seconde main ainsi qu'un noeud papillon. J'étais retissant quant au fait que je ne voulais absolument pas porter ces atrocités mais il a quand même réussi à me convaincre, bien que difficilement.

-Tu es au courant que si tu ne portes pas cela, tout le monde va te regarder toute la soirée?, m'a questionné mon ami.

J'ai laissé entrevoir de l'indifférence, comme si je m'en foutais que l'on ne regarde que moi durant plus de six heures. C'était faux, bien sûr et malheureusement pour moi, Mathias l'a très vite deviné.

-Je sais que tu n'aimes pas ce genre de vêtements, Romuald et je suis peut-être un meilleur ami minable mais je suis quand même l'un des seuls qui peut comprendre ton dégoût envers tout ça, a-t-il dit.

En disant cela, il a touché un point sensible. Il savait que ça me ferait cet effet et c'était exactement pour cette raison qu'il l'avait fait. Il avait envie de me faire bouger, de me dire et me faire comprendre les choses telles qu'elles sont.
J'ai bêtement baissé les yeux et n'ai plus prononcé un seul mot.

-Allez, je ne te dis pas cela pour te mettre dans une humeur dégueulasse et pour que tu déprimes. Je veux simplement que tu comprennes que ce que tu portes, ce n'est rien de mal.

J'ai affirmé et ai fermé le dernier bouton de la chemise que mon ami m'avait enfilée. C'était la preuve que j'acceptais cet accoutrement et que nous pouvions donc partir.

Mon père a accepté d'y aller nous conduire car Maman était absolument contre l'idée de nous faire prendre le bus à cette heure, bien qu'il était encore tôt et encore moins avec de si beaux vêtements.
Par moment, je ne comprends pas sa logique mais je n'ai rien dit car pour une fois, ça m'arrangeait.

Une fois arrivés là-bas, mon meilleur ami m'a, en quelque sorte, laissé tomber. Rien de bien grave étant donné qu'il devait aller occuper son poste auprès de François et Héloïse tandis que je devais rester à l'entrée, accompagné de Morgane.
Cette dernière m'a envoyé un sourire radieux avant de me demander comment j'allais.
Nous avons longuement discuté à propos des futilités de la vie jusqu'à ce que les portes ne s'ouvrent.

Durant la première partie de la soirée, nous avons animé et donné des énigmes aux élèves des années inférieures sur le sujet d'Halloween.
Nous avons pris énormément de plaisir à leur faire peur dans le noir avec nos jeux stupides.

Au bout de deux heures, nous avons projeté un film d'horreur. Plus de deux cent élèves étaient présents pour le regarder et nous aider à financier notre voyage et notre bal de fin d'année.
Ne supportant absolument pas les films effrayants, je suis sorti dans la grande cour pour prendre un peu l'air.
Il faisait une chaleur épouvantable dans le réfectoire et de plus, j'avais besoin de me retrouver un peu seul.

Il faisait si froid dehors, comme si nous étions déjà en mi-décembre. J'ai donc fermé ma veste jusqu'au creux de mon cou avant de sortir les gants que j'avais correctement laissés dans la poche de mon manteau.
Je suis resté seul dans cette position durant cinq minutes avant que je n'entende la grande porte du self s'ouvrir.
J'ai jeté un regard rapide en direction de cela et ai très vite reconnu la longue chevelure rousse de Morgane. Cette dernière semblait m'avoir remarqué car elle s'est dirigée vers moi, avec beaucoup d'assurance.

Une fois à quelques centimètres de moi, elle a pris place à mes côtés sur le banc et a serré son flanc gauche au mien afin de sentir ma chaleur corporelle.
Elle n'a absolument rien dit mais m'a tendu une petite gourde en fer. J'ai tout de suite deviné qu'elle contenait de l'alcool et me suis demandé pour quelle raison elle me proposait cela.

-Mathias m'a demandé de venir te donner ça, a-t-elle expliqué.

-Pourquoi il a fait ça, lui?, étais-je perplexe.

-Nous étions en train de regarder le film d'horreur puis, il est venu près de moi et m'a expliqué que tu n'étais pas bien. Il a prétendu être pudique envers toi et m'a donc convaincue de venir te voir. J'ai accepté et Mathias m'a alors donné ça à te faire boire.

Les paroles de mon meilleur ami m'ont touché. Ce garçon pouvait se comporter comme quelqu'un de complètement minable mais aussi comme une personne totalement adorable.

J'ai accepté le présent de mon meilleur ami et me suis empressé de boire plusieurs gorgées.
L'alcool était fort et semblait m'arracher la gorge à chaque fois que j'avalais. Pourtant, cela me plaisait. Je me sentais vivant.

Vingt minutes plus tard, j'avais bu la trentaine de centilitre que contenait la petite bouteille sans même en proposer une seule fois à la jolie Morgane.
Je n'étais pas véritablement ivre, pas avec si peu d'alcool mais je parlais plus facilement qu'avant d'avoir bu cet élixir magique.

-Je veux ton corps, Morgane, ai-je dit de but en blanc.

Cette dernière s'est offusquée. Elle pensait certainement que je lui disais que je voulais avoir une relation sexuelle avec elle mais c'était faux donc j'ai très vite mis les choses au clair.

-Je veux avoir le même corps que toi, ai-je reformulé. Je veux tes hanches courbées et ta poitrine généreuse. Donne-moi ton corps, Morgane. J'en prendrai soin, je te le promets.

Surprise, elle m'a souri.
Personne n'était courant de ma volonté de changer de sexe à l'école, à part Mathias. Elle ne comprenait donc rien mais restait compréhensive.

-Rentre et dis merci à Mathias, ai-je fini par dire.

Je lui ai embrassé la joue et l'ai encouragée pour qu'elle retourne au chaud. Elle l'a fait en se retournant plusieurs fois, certainement effrayée de ne plus me voir quelques secondes plus tard.

Pourtant, je n'ai pas bougé de ce banc durant plus de deux heures. J'attendais Mathias pour quitter l'école en sa compagnie.
Pendant tout ce temps, je me suis posé énormément de questions à mon propos, à propos de l'image que je renvoyais et de la personne que je voulais être.

Donne-moi ton corpsWhere stories live. Discover now