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Je suis sorti du bus en quatrième vitesse et une fois les pieds sur la Terre ferme, je me suis rué vers la salle de rendez-vous telle une furie.
J'étais encore en retard mais on ne change pas les bonnes vieilles habitudes si facilement.

Je me suis fait discret pour rentrer dans la salle de math. Bien que nous n'étions pas là pour faire des mathématiques et que seuls des amis étaient présents, je préférais éviter les ennuis.

Malheureusement pour moi, Mathias m'a directement remarqué. À peine posais-je mes affaires au sol qu'il me demandait déjà durement de lui expliquer la raison pour laquelle j'arrivais seulement maintenant.

-Ça fait bientôt dix-huit ans que je me laisse désirer, je ne vais pas changer les choses maintenant, ai-je souri.

Ces quelques paroles ont décroché un sourire à une petite rousse nommée Morgane.

-Cesse un peu de jouer au débile et viens t'asseoir.

J'ai pris la position d'un soldat acceptant un ordre donné par l'un de ses supérieurs et ensuite, je me suis empressé de prendre place là où mon ami me l'avait demandé.

J'ai remarqué qu'une dizaine de personnes étaient déjà installés en rond avec leur chaise. Je connaissais la plupart de ces élèves qui, comme moi, étaient maintenant en dernière année.

-Bon, Romuald, nous disions, pendant ton absence qu'il fallait absolument nous y mettre pour préparer le bal de fin d'année, m'a extirpé Mathias de mes pensées. Et ce, dès maintenant.

-Je le sais, étant donné que c'était pour parler de cela que nous nous sommes donnés rendez-vous, ai-je répliqué en sortant un bloc de feuilles.

Un grand brun à lunettes, du nom de Luis a haussé les épaules à l'écoute de ma réplique. Il semblait exaspéré à cause de moi.
Enfin, j'avais des doutes vu qu'il semble toujours excédé de tout.
Je n'ai pas répliqué à son comportement et me suis définitivement tu.

-Alors, nous pensions organiser plusieurs soirées afin de récolter de l'argent et durant ces petites "fêtes", a-t-il fait le signe des guillemets avec les doigts, chacun de nous aurait un rôle bien particulier. Et comme tu es arrivé en retard et que personne d'autre ne souhaite le faire, tu es rapatrié à l'entrée.

Je ne comprenais absolument où François voulait en venir. Il s'emballait déjà et déblatérait à propos de quelque chose qui me semblait presqu'inconnu.
Je l'ai alors calmé d'un mouvement de la main et lui ai demandé de recommencer depuis le début afin de me remettre les idées en ordre.

-Tu te souviens que nous organisons une soirée dans deux semaines?

-Oui, je m'en souviens, merci. Je ne suis peut-être pas hyper ponctuel, mais j'écoute quand on me parle, ai-je confirmé.

François a levé les yeux au ciel. Ce garçon n'était pas vraiment mon ami mais nous nous entendions malgré tout et ça faisait presque deux ans qu'il qualifiait mon humour de lourd.

-Durant ton absence, nous discutions des différentes tâches à accomplir. Seule Morgane a accepté d'aller à l'entrée pour accueillir les gens et vu qu'il nous faut deux personnes, tu le feras avec elle.

J'ai accepté la chose que je devais faire. Disons qu'il était facile pour moi de parler aux inconnus et dans tous les cas, je n'avais quand même pas le choix.
Le reste de la réunion a duré encore une petite heure durant laquelle nous avons débattu à propos des dix soirées que nous comptions accomplir dans le courant de l'année pour financer le bal.

Au moment de quitter le local référant de mon professeur de math, j'ai entendu une voix féminine m'interpeller. Je me suis retourné et ai remarqué la chevelure rousse de la jolie Morgane.
J'appréciais beaucoup cette fille. Elle était simple et si gentille.
Je me suis approché d'elle et lui ai demandé ce qu'elle avait à me dire.

-Merci d'avoir accepté de faire l'accueil avec moi, a-t-elle souri de toutes ses dents parfaitement alignées.

-Tu sais, ce n'était pas un choix mais plutôt une obligation.

Je disais cela avec humour mais pourtant, elle ne semblait pas comprendre le second degré que j'utilisais. Sa tête a changé et paraissait déçue. Cela m'a fait rire.

-Je rigole, hein, Morgane. Je le fais avec plaisir.

-Ça va, ça me rassure. Je suis très contente de partager ça avec toi.

Je lui ai rapidement embrassé la joue avant de me diriger vers la sortie. Je n'étais pas spécialement pressé mais j'avais vraiment envie de rentrer chez moi et de tranquillement végéter dans le divan.

-Romuald!, ai-je de nouveau reconnu la voix de Morgane. N'oublie pas de porter ton plus beau costume, ce soir-là.

J'ai envoyé un sourire faux avant de passer la porte et d'aller vers l'arrêt de bus.
Ce que la jeune fille venait de me dire aurait certainement été des paroles anodines pour le trois-quart de la population alors qu'elles m'ont véritablement affecté. En toute sincérité, c'était bien l'une des choses que je ne supportais pas aborder.
Le genre.
Le sexe.

Je n'ai jamais aimé que l'on se permette de me demander de porter tel ou tel habit. Je n'appartiens à personne et de plus, personne n'a le droit de m'imposer ce que je dois porter.
Pourtant, je suivais quotidiennement les souhaits de la société en entrant dans la normalité qui ne m'allait pas.

Quand ma mère me demande de porter un pull, je le porte.
Je n'accepte que rarement, voire jamais avec plaisir mais disons qu'un adolescent en robe, il y a matière à se moquer.

De plus, je ne suis pas du genre à faire polémique.

Donne-moi ton corpsWhere stories live. Discover now