Chapitre 59

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Alors que je regarde ces agents nous cerner, je sens soudain la main de Peter me lâcher. Je tourne la tête vers lui. Il part en courant. Où ? Comment ? Pourquoi ? Ces trois questions me traversent l'esprit mais je reste stoïque, choquée par son action. Il court, en direction des agents, essayant de passer à travers la foule, il essaye de les contourner, criant de toutes ses forces.

Le bruit d'un coup de feu résonne. Je cri. Qu'est ce qui se passe au juste ? Je n'en sais rien. Je vois juste Peter tomber à genoux. Là, presque devant moi. Mon cœur ne bat plus. Tout se passe si vite mais en même temps si doucement. Je me précipite à ses côtés tandis que des fédéraux l'encerclent déjà. Il est étendu au sol. Non. Je veux le prendre dans mes bras mais je suis soudainement soulevée en l'air. Thomas. Je crie. Je pleure. Non. Ce n'est pas possible. Il me met à l'écart, m'oblige à rester loin tandis que les secours arrivent. Je le frappe, de toute mes forces tandis qu'il tente de me prendre dans ses bras.

"- Je te hais, je te hais, c'est de ta faute." Mes paroles sont pleines de rage, de haine. Je ne vois plus clair, mes yeux sont brouillés par les larmes. Je tremble. Je respire vite, beaucoup trop vite. J'ai mal à la tête. Mais qu'est-ce que c'est, comparé à l'état de mon meilleur ami. Là, sous mes yeux, il s'est passé l'impensable. Non, je ne peux y croire. J'arrête de me débattre, soudain épuisée. Thomas me serre dans ses bras. Fort. Son odeur. Elle me fait du bien et me donne la nausée en même temps. Je pleure, toute les larmes de mon corps. La panique s'estompe pour laisser place à la tristesse, au désarroi. Un agent s'approche de mon frère.

"- On a rien pu faire", déclara-t-il, en lui donnant une tape désolée sur le bras. Je hurle, tombe au sol. Vidée, pleine de rage, de désespoir et de tellement d'autres émotions. Mon frère essaie de me calmer mais je ne peux soutenir sa présence. Je le repousse. Tout est de sa faute. Tout. Absolument tout. Je me relève. Cours. Cours aussi vite que je peux. Loin de cette réalité, de ce cauchemar. Rien n'est vrai, non, c'est impossible.

Je suis stoppée net dans ma course par un homme qui me prend dans ses bras. Je le reconnais immédiatement. Tyler. Je m'accroche si fort à lui que j'ai l'impression de le transpercer. Il passe sa main dans mes cheveux, me décolle de lui, plonge ses yeux émeraudes dans les miens.

"- Je suis là ma princesse, je ne te quitterais pas." me déclara-t-il, me faisant éclater en sanglot. Il me serre si fort dans ses bras que j'ai l'impression d'être à l'abri. Du monde mais aussi des derniers événements.

Je mets vingt minutes à me clamer. Là, dans les bras de Tyler, en état de choc, je suis incapable de bouger. Mes larmes cessent et je ne peux parler. Mon petit ami me conduit vers l'ambulance.

« - Je m'en occupe, ne vous inquiétez pas. » dit un infirmier à Tyler qui lui sourit gentiment. Mon cœur se brise face à sa force et son calme. Comment peut-il être si gentil avec des personnes pareilles ? J'avais envie de tuer tout le monde comme ils ont tués Peter. Oui, je le formule enfin. Ils l'ont tué. Comme une vulgaire proie. Comme s'il n'était rien. Comme si on pouvait abattre n'importe qui, comme ça. L'ambulancier revient avant que j'ai le temps de me lever pour aller détruire le fils de pute qui a abattu mon meilleur ami. Il m'examine sous toutes les coutures pour finalement déclarer un état de choc et donc la nécessité d'un suivi psychologique.

Quand il part, j'essaye de me lever, mais je tombe immédiatement à genoux. C'est comme si mon corps s'était détacher de mon esprit. Le premier ne répond plus tandis que le second galope.

« - Pas si vite Princesse, reste tranquille. » m'ordonne Tyler en m'aidant à me relever avant de me passant une couverture sur les épaules. Mes yeux se perdent dans le vide. Je fixe le sol, incapable de savoir ce que je ressens. Tyler m'a pris la main et y dessine des cercles, ce qui habituellement me rassure. Je suis stone, sous le choc. Vidée de mes forces, seul mes pensées restent vivantes. Elles m'envoient des images de Peter, de ce qui vient de se produire. Mon sang se glace, je suis incapable de dire ou faire quoi que ce soit. Mon corps m'abandonne et j'ai l'impression de flotter au-dessus de tout ça.

Soudain, un brancard à roulette portant un sac en plastique noir arrive. Je reprends directement possession de membres pour me lever brusquement et me jeter sur mon meilleur ami. Je veux le serrer une dernière fois dans mes bras, lui dire au revoir. Des agents tentent de m'en dissuader mais je les repousse. Ils n'insistent pas, témoins de ma détresse. J'arrive au sac noir. Je cri. Je pleure aussi. Je me couche sur le sac, pouvant sentir le corps inerte de Peter.

« - Je suis tellement désolée Peter, je suis désolée, désolée, désolée » lui dis-je en murmurant puis en criant. Tyler m'écarte et me reprend dans ses bras. Son contact, c'est tout ce dont j'ai besoin.

Je me décolle de ses bras, désireuse de retourner m'assoir. Le brancard continue sa course jusqu'à une ambulance. Le corps est chargé dans le coffre. Je ne peux y croire. Ne plus jamais entendre sa voix et son rire, ne plus jamais croiser son regard, ne plus jamais comploter avec lui. Je me sens soudain perdue et désemparée. Comment continuer à vivre alors que j'ai l'impression qu'on vient de m'ôter le cœur ?

J'aperçois alors Thomas qui vient vers nous. Sans réfléchir, je jette la couverture par terre. Je fonce vers lui. C'est sa faute. Je cours, je me jette sur lui. Il me rattrape et m'empêche de le frapper.

« - Lindsay, je m'en veux tellement, écoutes, je ...

- Tais-toi, tais-toi putain ! criais-je tout en donnant des coups dans le vide. Je pleure à nouveau. L'air me manque soudainement, je suffoque.

- Calme-toi Lind', respires, me dis mon frère. » J'arrête mes tentatives de le frapper. Je plante mon regard dans le sien et lui crache dessus, de la même façon que l'avais fait Peter quelques instants plus tôt. Un agent accourt, sûrement pour me passer les menottes mais je n'en ai rien à faire. Il a eu ce qu'il méritait. Thomas arrête net son collègue avant de s'essuyer le visage d'une main. Je tourne les talons pour retrouver Tyler.

« - On s'en vas, vite, s'il te plaît, l'implore-je. Il me prend la main et nous partons en direction de sa Corvette.

- Où veux-tu aller ? me questionne-t-il avec précaution

- Peu importe, juste loin d'ici. » Sur ce, il démarre la voiture.

Dans cette nuit noire, les étoiles dominent le ciel. Nous roulons, sans destination précise, juste deux âmes égarées à la recherche d'un lieu où se fixer. Une étoile filante illumine l'étendue noire au-dessus de nos têtes. Mon cœur se serre, pensant irrésistiblement que c'est l'âme de mon meilleur ami qui vient de rejoindre un monde meilleur, plus simple, plus beau, scintillant et bien au-dessus de notre réalité torturée. 

Lindsay, la vie et elleWhere stories live. Discover now