Chapitre 21

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Mon père se tenait là, dans le salon, avec sa traditionnelle chemise à rayure turquoise et vert pale. Cette couleur m'agressa les yeux. Debout dans l'encadrement de la porte, je ne pouvais bouger ou parler. Tout notre passé me revint en tête. Mon père était alcoolique et avant que ma mère ne décide de le quitter quatre ans auparavant, nous vivions un enfer. Il ne travailla pas et c'était ma mère qui était en charge de notre foyer. Cumulant trois travails, elle n'en voyait pas le bout. Quand elle rentrait, mon père la ruait du coup, sans raison particulière, la seule étant que l'alcool lui était monté à la tête. Je voyais et entendais tout cela, impuissante et désemparée, dégoûtée à tout jamais de l'alcool. Le jour où ma mère m'a annoncé le divorce, ce fût une libération et j'avais la conviction de ne plus jamais le revoir. C'était le cas. Jusqu'à aujourd'hui. Il me faisait face, un sourire aux lèvres. Il était de taille moyenne et à l'opposé de ma mère. Alors qu'elle était fine et élégante, il avait du ventre et son crâne était dégarni. Deux petits points noirs lui servaient d'yeux et son visage était bouffi. Un haut le cœur me secoua et je traversai le salon en courant.

«- Lindsay, pas si vite ! me dit-il me saisissant par le bras. Thomas n'était pas là ce qui m'énerva encore plus. Pourquoi était-il absent quand j'avais le plus besoin de lui ? Et où était ma mère ?

- Lâche. Moi. Immédiatement. répliquais-je le plus calmement possible. Il ne s'exécuta pas ce qui me mit hors de moi. J'avais envie de le tuer.

- Il faut que je te parle de quelque chose, Lindsay. S'il te plaît.

- Je ne veux pas t'écouter ! Soit tu dégages, soit j'appelle les flics. À toi de voir. La tension était à son comble. J'avais arrêté de respirer depuis trente bonnes secondes quand il relâcha enfin mon bras. Je mis ma main sur l'endroit qu'il avait saisi, désormais douloureux. Un bleu ferait son apparition dans quelques heures. Le temps que je constate les dégâts, il se mit à parler d'une voix qui m'horripilait.

- Écoutes ma puce ..., je faillis m'étouffer rien qu'à entendre ce surnom. Il ne pouvait être sérieux. 

- Je sais que ça fait longtemps et que je n'ai pas été un père model mais je voudrais me racheter... Sans lui laisser le temps de finir je répliquais :

- Dommage pour toi, c'est trop tard. Tu peux dégager maintenant.

- Lindsay, ne soit pas comme ça, j'ai changé ...

- Laisse moi rire ! Aller je vais essayer de deviner ... Tu es passé du Whisky à la Vodka c'est ça ? Wahou bravo, je te félicites vraiment,  le changement a dû être radical ! J'étais amère et toute ma colère allais se déverser sur lui.

- Non, Lindsay. J'ai entamé une guérison et je suis depuis deux ans membre d'un groupe d'alcooliques anonymes...

- Oh attend, attend je crois que je sais la suite ! Dans le cadre de ta « guérison », il faut que tu viennes demander pardon aux gens à qui tu as fait du mal ? Je suis trop forte pour les devinettes ! Saches que, non, tu n'auras pas mon pardon. Bonne chance pour ta guérison ! A jamais ! » lui lançais-je sans lui donner le temps de répliquer car je tournais déjà les talons pour m'enfermer dans ma chambre. Je lui claquais la porte au nez.

Malgré tout, il s'entêtait et vint me parler derrière la porte.

« - Lindsay, ce n'est pas pour ça que je suis là. Je ne pouvais juste plus vivre avec le souvenir de t'avoir fait souffrir et j'en ai longuement discuté avec ta mère ...

Depuis quand étaient-ils en contact ? J'avais envie de l'étrangler aussi !

- Elle m'a autorisé à venir te rendre visite aujourd'hui et me voilà. » Je n'avais aucune envie de lui répondre, il me dégoûtait et sa présence m'était insupportable. Je ne dis rien. Au bout d'un quart d'heure de silence, il relança :

« - J'ai compris, Lindsay. Saches juste que je suis terriblement désolé et j'aimerai me racheter. Je serais toujours là pour toi dorénavant ». Je failli éclater de rire à cette remarque. Il me salua brièvement et j'entendis la porte d'entrée claquer.

Soulagée, je déverrouillais ma porte. Des larmes coulaient sur mes joues. Cette altercation m'avait éprouvé et je me sentais vidée. Je réalisai soudain que je n'avais pas répondu au message de Tyler. Je m'empressais donc de le faire avant de partir sous la douche. L'eau chaude me détendis et m'aida à oublier tout ce qui venait de se passer. En moins de vingt-quatre heures, il s'était produit plus d'événements que dans ma vie entière. J'avais du mal à suivre. Après quarante-cinq minutes, je sortis enfin. J'enfilai un pyjama et laissa mes cheveux mouillés détachés. Thomas et ma mère étaient tous deux rentrés et se trouvaient dans le salon, comme s'ils m'attendaient.

« - Un problème ? leur lançais-je sur la défensive.

- Comment ça s'est passé ? me demanda Thomas.

- Tu étais au courant ?! je criais presque tellement j'étais choquée de savoir qu'il n'avait rien faire pour empêcher ça.

- Oui, je suis désolée de ne t'avoir rien dit.

- Je suis désolée pour toi Thomas. » lançais-je amère et vraiment énervée après lui. Je partis dans ma chambre sans un mot de plus. Les deux membres de ma famille m'insupportaient et je ne voulais plus les voir. Ils m'avaient trahis et je n'étais pas prête de l'oublier.


Lindsay, la vie et elleWhere stories live. Discover now