Sur ce, il l'avait sèchement saluée d'un signe de tête puis s'en était allé, la laissant muette d'étonnement et tremblante de rage. Cette menace semblait avoir porté ses fruits puisqu'au moment il revenait vers le château, il l'aperçut marchant vers lui, vêtue de ses plus beaux atours.

- Cette tenue correspond-elle à vos attentes, mon ami ? – fit-elle ironique en le toisant avec insolence.

- Peu m'importe à vrai dire... - rétorqua-t-il avec un regard empreint d'une profonde indifférence – Du moment où vous vous en tenez au rôle qui vous est attribué, celui de la parfaite hôtesse. D'ailleurs, il serait judicieux de votre part de commencer à guetter l'arrivée de nos invités qui ne saurait tarder. Terrence est déjà dans la cour, prêt à les accueillir...

- Mais... Pourquoi devrais-je attendre avec lui ???

- Vous préférez peut-être que ce soit Candy qui se joigne à lui ? Ce serait dommage que la fortune en bijoux que vous exhibez soit éclipsée par la simplicité d'une jeune et jolie américaine...

Vexée, elle voulut riposter, mais il avait déjà tourné les talons, les épaules secouées d'un petit rire moqueur. Furibonde, elle resta quelques secondes immobile, le temps de retrouver son calme, puis elle se résigna à aller vers l'entrée où se tenait, comme convenu, l'héritier des Grandchester. Il avait fière allure dans son beau costume, les mains croisées dans le dos, pensif. Si ce n'était pas ces yeux qu'il tenait de cette autre femme, elle lui aurait aisément trouvé une franche ressemblance avec le Richard de sa jeunesse. Dieu qu'elle avait aimé cet homme et comme il le lui avait si mal rendu ! Encore aujourd'hui, il venait de l'humilier avec ces mots blessants qu'il savait lui assener sans aucune délicatesse, tandis qu'il lui imposait la présence de son bâtard de fils et cette fête somptueuse pour célébrer sa future union avec une parvenue sans éducation qui ne devait pas valoir mieux que l'autre, l'actrice ! Que pouvaient donc avoir ces américaines de mieux que les anglaises pour parvenir à les retenir ? Ce ne pouvait pas être cet accent campagnard et leurs mauvaises manières !... Peut-être ressentaient-ils le besoin de s'encanailler avec quelqu'un d'une classe inférieure, mais cela n'expliquait toujours pas cette attirance qu'ils avaient envers ce genre de femmes, ni ce besoin de s'afficher avec ! En ce qui concernait Terrence, ma foi, il était à moitié américain par sa mère et par conséquent, contaminé dans ses gènes. Heureusement que ses enfants à elle ne souffraient pas de cette tare. Elle pouvait être fière de sa lignée ! – se dit-elle tout en observant d'un air dédaigneux cet écart de jeunesse qui lui tournait en cet instant le dos. Ce dernier remarqua alors sa présence et elle ne put retenir une moue de contrariété. Son regard pénétrant croisa le sien et à la façon curieuse qu'il la regarda, elle eut la désagréable sensation qu'il pouvait lire dans ses pensées. Frissonnant de dégoût, elle lui dit, peinant à dissimuler sa gêne :

- N'y voyez aucune amabilité de ma part, mon jeune ami, je ne fais qu'obéir à la volonté de votre père...

- Vous m'en voyez navré...

- Certainement moins que moi, mais parfois, il faut faire bonne figure même dans les situations les plus éprouvantes...

- Sur ce point, je ne peux qu'être d'accord avec vous, Béatrix. Mais rassurez-vous, il n'est de supplice qu'à l'importance qu'on lui porte, et pour ma part, elle est inexistante.

- J'ai peur de ne pas comprendre, Terrence... - fit-elle en fronçant les sourcils.

Il se tourna franchement vers elle, un sourire amusé au coin des lèvres.

- Voyons Beatrix, cessons de jouer les hypocrites. Nous savons tous deux combien nous nous détestons. Je me suis habitué à votre mépris envers ma propre personne et cela fait bien longtemps qu'elle a cessé de m'émouvoir. Vous êtes peut-être l'épouse de mon père, mais cela ne représente qu'un titre à mes yeux, qu'une signature sur un contrat, et en aucun cas une quelconque obligation morale. Si cela ne tenait qu'à moi, je ne vous porterais aucune attention, aucun intérêt tant vous m'importez peu. Vous m'êtes indifférente. Néanmoins...

Lettres à JulietteWhere stories live. Discover now