Les Petits Chaussons

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Ce texte a été écrit dans le cadre du concours de @Bambou.
N'hésitez pas à aller jeter un coup d'œil à son coucours certains textes sont vraiment magnifiques !

*****

Les ténèbres étaient maîtresses dans cette pièce, envahissant chaque coin et recoin, se glissant dans chaque trou et ouverture n'accordant de répit à aucun morceau de l'endroit.
À l'extérieur, l'alouette entonnait son chant d'un soir tandis que les doux murmures du vent sifflaient leur berceuse.
Brusquement, les pénombres furent écartés par un vif halo lumineux que dégageait une lampe de poche. Guidé par une main fine et lisse le rayon blanc semblait chercher quelque chose. Après avoir parcouru plusieurs fois le tour du lieu, il s'arrêta finalement sur un objet de
forme cubique, la lueur se stabilisa enfin laissant entrevoir plus nettement la chose désirée: en apparence simple mais usé par l'âge, le carton ne portait que l'unique étiquette sur laquelle était indiquée au feutre " Lucyan, affaires".
La même main fouilla à l'intérieur faisant se soulever des milliers de grains de poussière qui venaient ensuite à s'entrechoquer tel des planètes. Elle en ressortit une petite boîte en bois
verni qu'elle ouvrit avec une délicatesse non feinte, faisant se déplacer des rangs de moutons. À l'intérieur, enveloppés dans du papier de soie se trouvaient deux petits chaussons de laine immaculée agrémentés d'un minuscule bouton blanc. Un doigt mince vint effleurer l'un d'eux
d'un geste prudent comme s'il avait peur qu'il ne disparaisse...
En apparence simple, banale et pourtant...

" La douleur,
Rien que la douleur,
Puis pour finir un cri.
Le cri de la vie...
On lui déposa délicatement l'enfant sur son ventre afin qu'elle puisse le voir.
Lucyan était né.

Debout devant la vitre, elle contemplait le visage profondément endormi du nourrisson, cette innocence empreinte sur son visage. Vu ainsi, il semblait si paisible...
Une main vint doucement se poser sur son épaule.

- Tu devrais te reposer.

Elle releva la tête pour contempler les traits épuisés de l'homme en se doutant qu'elle-même ne devait pas être mieux.

-Je ne peux pas...

Elle avait murmuré ces quelques mots si bas que lui seul pouvait l'entendre.

-Ta présence ne changera rien, je te tiendrais au courant si la situ.. S'il y a du changement...

Elle avait très bien compris ce qu'il voulait dire malgré qu'il se soit repris.

-Je reste.

L'homme n'eut même pas la force de protester, en soupirant, il s'assit sur la chaise se tenant non loin de lui.
La jeune femme passa une main à travers l'ouverture de la paroi de plexiglas, précautionneusement, elle caressa la joue du bébé.

- Bonjour toi... Tu as bien dormi ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de son mari tandis qu'il observait la scène.

- Solène.
En entendant son nom, la jeune femme se tourna vers l'origine du son, son homme la fixait de ses yeux bleus affligés tout en lui tendant une boîte de bois travaillée.

- J'avais acheté ça dans le but de te faire une surprise... C'est pour Lucyan...

Intriguée, elle la prit et en déplaça le couvercle pour découvrir à l'intérieur une paire de chaussons de laine blanche.

- Il ne pourra pas les mettre tout de suite, la taille est un peu trop grande...

Continua l'homme gêné par le brusque silence de sa compagne.

- C'est parfait...

En faufilant ses deux bras dans les trous, elle réussit tant bien que mal à les lui faire enfiler.

- Tu vois ? Ils lui vont comme un gant.

Ce qui n'était pas totalement vrai étant donné que les petites pantoufles glissaient de son pied. L'homme laissa échapper un rire et s'approcha à son tour de la couveuse afin de profiter de son fils.
Mari et femme restèrent ainsi plusieurs heures à combler d'attention l'être qui était si cher à leurs yeux.
Vêtu de ses petits chaussons blancs, l'enfant lui continuait de dormir profondément, très profondément..."

La jeune femme ouvrit vivement les paupières qu'elle avait fermé un subtil instant, son souffle accéléré trahissait son désarroi et ses joues étaient à présent inondées de larmes tandis qu'elle considérait les minuscules chaussons tenant tout justes dans sa main.
À l'extérieur, l'alouette s'était tue et les doux chuchotis du vent stoppé, sa lampe avait glissé sous un meuble et la pièce était à nouveau plongée dans l'ombre.
Le grenier était à présent d'un calme religieux.

Pourquoi avait-il fallu que la mort
le lui arrache son enfant si tôt ?
Pourquoi avait-il fallu que ce soit lui ?
Pourquoi tant d'injustice ?

Tant de questions dont elle n'aurait jamais les réponses...
Il aurait dû fêter ses cinq ans aujourd'hui...
Cinq ans et cette cicatrice restait toujours gravée en elle.

Rien ne pouvait remplacer la caresse d'un nouveau-né,
Rien ne pouvait remplacer la sensation d'un enfant contre sois,
Rien ne pouvait remplacer cet amour qu'une mère lui portait...

Sous les nuages du ciel bleu...Where stories live. Discover now