10.1 : le Président

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La foule autour d'eux ne leur prêtait pas d'attention particulière. Clara sentait que, parfois, Nicolas éveillait une certaine crainte ; vêtu de noir de la tête au pied, il ressemblait à la garde armée qui avait détruit et massacré depuis la veille. La présence de Clara à son côté les rassurait et éloignait leur intérêt. Encore assaillie par leur souffrance, elle sentait leur désespoir s'attaquer de front à son courage. Certains dormaient ou attendaient, accroupis par terre, leurs affaires entassées autour d'eux comme reliques d'une vie antérieure. Beaucoup s'étaient retrouvés sans toit et Clara constatait avec regret que la plupart de ceux qui en avaient encore un sur la tête répugnaient à leur offrir l'hospitalité sans contribution financière.

Ce monde devenait plus égoïste de jour en jour.

— Comment va-t-on entrer ? demanda Nicolas.

— Je pensais me rendre invisible. Mais je ne pourrai pas faire la même chose pour toi.

— Inutile pour moi. Je suis un Fossoyeur. Je sais... ce que je dois savoir pour avoir l'air de n'importe quel autre garde. Ma première mission, quand on s'est rencontrés hier, était de patrouiller dans la ville pour déterminer les immeubles à détruire.

— Pourquoi toujours détruire ? soupira-t-elle.

— Je ne sais pas.

Son murmure avait pris des allures d'excuses. Clara secoua la tête et rassembla son courage.

— Je sais que tu peux t'en sortir. Je te fais confiance. On se retrouve à l'intérieur.

— Mais comment ?

— Je peux t'appeler. Avec ton ouïe surdéveloppée...

— ... tu alerteras par la même occasion tous les gardes qui se trouvent à proximité. Par télépathie ?

— Je risque de te déconcentrer. Et si... si ce... maître peut lire en toi... je préfère éviter que tu joues les intermédiaires entre nous.

Il grimaça à cette idée.

— Ça ne nous laisse pas beaucoup d'alternatives.

— Je ne peux pas te localiser... mais je peux localiser un objet qui t'appartient !

Le petit pendentif bleu apparut dans sa main. Elle le tendit à Nicolas qui esquissa l'ébauche d'un sourire.

— Ce n'est pas vrai, tu l'as encore ?...

— Oui. Garde-le sur toi. Je te retrouverai en cherchant le pendentif. Je saurai exactement quoi chercher.

— Fais attention à toi.

— Toi aussi.

Dans un réflexe qu'elle ne se rappelait pas avoir retrouvé, elle pressa rapidement ses lèvres contre les siennes. Encore un peu gênée, elle dévisagea Nicolas, qui s'interrogeait lui aussi. Les années s'étaient écoulées, mais les habitudes restaient. Alors Clara comprit qu'elle ne pourrait jamais envisager Nicolas comme un simple ami. Plus encore depuis que Tatiana s'était présentée comme leur fille.

— La force de l'habitude, dit-elle à voix basse.

L'expression de Nicolas se radoucit. Il inclina brièvement la tête et poursuivit sa route. De son côté, elle s'engagea dans une rue annexe, déserte, où elle se rendit invisible à l'abri des regards.

Évidemment, il ne s'agissait pas de la solution la plus simple ; maintenir son invisibilité requérait pouvoir et concentration, en plus du sort permanent qui empêchait les Fossoyeurs d'entrer dans le bar. Pourtant, se téléporter directement au Palais aurait été suicidaire. Non seulement elle se précipiterait dans un nid de guêpes, mais en plus ce genre de sort requérait une connaissance exacte de l'endroit où elle se projetait. Or, elle ignorait tout du Palais. Apparaître au beau milieu d'un mur pourrait avoir de fâcheuses répercussions, qu'elle préférait éviter. Bien sûr elle n'en mourrait pas, mais les Fossoyeurs seraient prompts à réagir... Elle se borna donc à n'utiliser ce pouvoir que pour franchir les barrières de Fossoyeurs qui veillaient sur l'entrée – une bonne centaine, au bas mot. L'endroit s'était transformé en véritable place forte.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Onde as histórias ganham vida. Descobre agora