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L'extraordinaire se cache sous une ennuyante routine.

Vous connaissez ce sentiment d'être de trop ? Que n'importe où vous irez vous ne serez plus jamais la bienvenue, que plus personne ne veut de vous

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Vous connaissez ce sentiment d'être de trop ? Que n'importe où vous irez vous ne serez plus jamais la bienvenue, que plus personne ne veut de vous. Que vous êtes un déchet, un indésirable qui mérite juste d'aller à la poubelle, même au recyclage. Que vous ne pouvez pas être meilleur, qu'on vous empêche d'avancer, de vous développer. Que montrer que vous n'êtes pas que "ça", que vous êtes mieux, que vous pouvez faire mieux, n'est pas attendu. Les gens ne vous regarde plus, vous êtes un inconnu, un inconnu détesté sans avoir montré qui vous êtes réellement. Ce que vous montrez, ce que votre corps est, c'est juste une vaste image. Une couverture de livre à peine appréciée dont les gens n'osent que toucher pour sa mocheté, pour l'abîmer encore un peu, le corner, puis le reposer là où ils l'ont trouvé ce putain de livre sans intérêt, pour qu'une prochaine personne face pareil jusqu'à le jeter parce qu'il n'est même plus lisible. Les mots sont là, mais invisible, cachés par des pliures, peut-être même quelques brûlures, le mal que les gens et le temps ont apprécié faire. Les mots se sont effacés, petits à petits, jusqu'à ne plus exister. Ce n'est plus rien, juste un peu de papier qui n'a servit à rien à part participer à la déforestation un peu, mais pas trop, juste assez pour se sentir coupable d'exister. Bientôt ça ne serra qu'un tas de poussière qui repose sur une vielle étagère dans une vielle pièce pleine de toiles d'araignée ou plus personne ne veut mettre les pieds. Ou alors, les gens l'auront déjà jeté, car, à quoi bon garder un objet inutile ?  Vous en voudriez vous, de ce livre en lambeau ? Sincèrement, est-ce que vous le prendriez, mais pour faire autre chose que l'abîmer, comme essayer de le déchiffrer ? Non, vous n'en voudriez pas. Dans ce monde on ne veut que des choses neuves, des belles choses, parfaitement emballées, appréciées par d'autres pour ne pas passer pour un ringards, un enfant un peu en retard. Ce livre là, et bien c'est moi. Un gars non voulu, mit à part, qu'on intègre seulement dans les bagarres.

Je n'ai jamais voulu quitter mon pays, je n'ai jamais demandé à déménager. Je n'ai jamais voulu de cette vie, de ce changement imposé. Dans ma vie, on m'a tout imposé, tout. On m'a imposé la vie, les pleurs et les cris. On m'a imposé les séparations, les dérapages et les déceptions. On m'a imposé les disputes, les coups et la solitude. Il y a tellement de moments où j'aurais aimé être autre part, ne pas être celui que j'étais. Et pourtant c'est ce qui a forgé mon identité, vous parlez d'une identité. Je ne suis qu'un adolescent d'une quinzaine d'année complètement perdu. Je ne sais pas où je suis. Je n'ai aucune idée d'où je vais. La seule chose dont je suis sur, c'est qu'un jour je vais mourir. Avez-vous déjà entendu ce vieux proverbe latin "Tous les chemins mènent à Rome" ça me fait rire combien c'est faut. Tous les chemins mènent à la mort. Et je déteste cette idée de mourir dans ce lieu que je déteste. On m'a imposé ma vie, c'est pas celle que j'ai choisie.

Depuis que j'ai quitté l'Irlande avec mon frère, ma mère et mon beau-père, je me sens comme ce livre non apprécié. Et ce n'est pas qu'un sentiment, c'est juste la triste réalité. Nous avons déménagé il y a deux ans déjà, et pourtant j'ai l'impression que cela fait beaucoup plus longtemps. Le temps passe au ralentit ici. J'ai l'impression d'être dans un film dramatique qui est plus long que la moyenne. Ma mère me répète depuis tout ce temps et encore aujourd'hui que c'est pour notre bien, que c'était le bon choix. Qu'on a fait ce qu'on avait à faire. Elle me le répète, tous les jours presque, comme pour m'en convaincre. Mais la seule chose dont je suis convaincu, c'est qu'elle s'en fou que je me sente bien ou non. Tout ce qui l'importe c'est son bonheur avec son nouveau mari. Ce mari que je déteste plus que tout. C'est lui qui nous a traîné dans la capitale Anglaise, promettant à ma mère du bonheur, de l'argent et un futur plus beau, loin de son ex-mari. Et, comme une enfant naïve à qui on propose un bonbon, elle l'a cru, elle l'a suivit, elle nous a entraînée avec eux, contre mon gré, balayant au passage mon père comme s'il n'avait jamais existé. Nous arrachant à notre pays, notre bonheur à nous. Nous imposant cette vie qu'on déteste avant tout. Bien que ça fasse deux années que nous vivons dans ce pays, c'est la première où je suis scolarisé. Ils avaient choisis de me faire prendre des cours à domiciles suite au déménagement. Et grâce à ça, ils passaient encore plus pour des parents parfaits, souciant de l'intégration de leur dernier fils, leur bébé, leur bijou. Mais ce n'est rien de tout ça. C'était seulement pour leur propre intérêt. Leur propre couverture.

Dans cette école, au milieu de tous ces inconnus, j'étais ce livre, arrivé après les autres, hors sujet, rangé au mauvais endroit. Un auteur inconnu. Un protagoniste détesté. J'étais cet agneau perdu, près à se faire dévorer. Et quelques mois après la rentrée, c'est toujours pareil, je suis toujours ce livre, toujours cet agneau, redoutant ce groupe de "populaire" comme tout le monde les appelle. Pantalons larges qui laissent voir leur caleçon, skate à la main, footballeur, beau gosse. Ils se prennent pour les rois du monde avec leur allure assurée. J'aurais aimé avoir, ne serais-ce que le quart de leur assurance. Mais moi, je ne fais que baisser les yeux lorsque je passe devant eux. J'ai trop honte de mon corps. Et je les redoute, plus que tout, je les redoute comme un agneau redoute une meute de loup, et c'est ce que je suis face à eux. Un agneau dont ils font qu'une seule bouchée.

Aujourd'hui, une journée de cours comme toutes les autres depuis la rentrée. Je suis arrivé au lycée seul. J'étais assis en classe seul. J'avais mangé seul. J'avais passé les pauses seul. Et me voilà à sortir du lycée seul. Mais plus pour longtemps, car je sais que je vais me faire attraper, même si je cours ou je traîne, il y en aura toujours un pour me faire regretter d'avoir voulu aller trop vite ou trop doucement. Je savais qu'il allait m'attraper par mon pull trop large pour moi, qu'il allait me pousser sans délicatesse contre un mur en me tenant par le col et faisant durement claquer mon dos, qu'il allait ensuite me jeter par terre et me frapper pendant que sa bande admire ce désastre d'un œil amusé comme s'il assistaient à un spectacle de cirque. Puis, il allait me laisser saigner seul par terre, qu'il allait partir en riant avec ses amis, pendant que j'aurais mal à vouloir mourir. Ca se passe toujours comme ça. Parce que quoi qu'il arrive je serais seul toute ma vie. Et ça n'a pas loupé. J'y ai droit depuis le début de l'année et je savais que ce jour n'allait pas être une exception dans ce tableau calamiteux. C'est devenu une routine. Une routine un peu malsaine, je l'avoue, mais on fait avec. On s'adapte, comme dirait mon beau-père. Mais je déteste ce mot. Non, on ne s'adapte pas. On fait avec, on subit. Et on s'abîme.

Je dois attirer les coups, comme un réfrigérateur attire les aimants. Mais comme je n'ai ni la force de rendre les coups, ni la force de me battre, je les laisse faire. Et ça les amuse de me voir ainsi. Aussi démunis. Ça les fait rire, mais je ne comprends pas et ne comprendrais certainement jamais comment on peut rire de ça. A quel moment c'est drôle la violence ? Quel est le plaisir lorsqu'on voit quelqu'un souffrir ?

Pourtant, aujourd'hui, alors que j'allais recevoir un énième coup, alors que je l'attendais, il n'était pas arrivé. Il n'était pas arrivé parce qu'une main l'en empêchait. J'ai ouverts les yeux, et j'ai vu Harry tenir le bras de mon agresseur. Harry c'est un de ces gars qui fou un peu la frousse avec son look un peu punk ou gothique, je ne sais pas trop. Bien que lui et sa bande ne fassent pas le poids, mes agresseurs avaient eu peur. Je l'ai vu dans leurs yeux. Puis, un peu comme si la mort les pourchassait, ils sont partis en courant. Et Harry m'a tendu la main pour que je me relève. J'ai hésité à la prendre. Et lorsque j'ai relevé les yeux vers lui, je fus surpris de voir les siens, maquillés de noir comme d'habitude, mais je voyais ses yeux. Parce qu'on ne les voyait jamais. Et je me suis perdu dedans. Ils étaient verts. Un beau vert qui contrastait avec le noir de son maquillage. J'ai inspiré fortement, et j'ai pris sa main. Je l'ai serrée très fort, un peu comme si je tombais d'une falaise et qu'il me retenait. Il m'a aidé à me relever, et une fois sur mes pieds, j'ai rapidement essuyé mes larmes de gamin avec ma manche. Et il a sourit tendrement. Il a essuyé le sang qui coulait de ma lèvre avec deux de ses doigts.

Et c'était bien la première fois que quelqu'un me touchait avec autant de tendresse, autant de douceur.

Autodestruction | NARRY |Where stories live. Discover now