Chapitre 24

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« Je fuyais les vivants, mais également les morts.  »

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Un triste sourire vint tordre mes lèvres alors que je me relevais pour couvrir d'un regard la tombe qui me faisait face, dédiée au petit ange qui avait rejoint les cieux si brutalement, bercée par le souffle froid du vent, et le chant des oiseaux.
Il était tôt, et j'avais profité de ce temps libre pour venir déposer des fleurs à Sofia, mais également à mon père et à ma mère.

Je culpabilisais de ne pas pouvoir venir prier en leur âme plus souvent. Si je prétendais que c'était parce que j'avais trop de missions, c'était également à cause de cette tristesse qui me dévorait.
Ici, je me sentais plus seule que jamais, et il fallait que je prenne sur moi pour me recueillir en gardant la tête haute.

Oui, je tentais de me dérober, finalement.
Quelle ironie. Je fuyais les vivants, mais également les morts.
Pourquoi m'étonnais-je d'être seule ?

Je lançai un dernier sourire à l'épitaphe en ignorant la boule de chagrin nouant ma gorge, et quittai enfin le cimetière paisible, où quelques personnes se recueillaient en silence, les yeux souvent perdus dans le vague, dans leur souvenir.
Je pris ma voiture et empruntai la route menant jusqu'au repaire du Tabu en passant par ses quartiers peu animés, en cette matinée ensoleillée, mais froide.

Une fois entrée dans le bâtiment, je remarquai qu'il y avait quelques femmes présentes, mais aucun membre de sexe masculin. Surprise, je balayai les alentours d'un regard sceptique avant de croiser le regard d'Aya, qui fit un petit sourire figé.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Filipp t'a également convoqué ? lui demandai-je.

— Melina, c'est délicat à annoncer..., marmonna-t-elle. En fait...

— Filipp veut que certaines d'entre nous se prostituent, tout simplement, siffla Tiphaine en posant son sac de sport à terre en interrompant Aya. Il nous a annoncé ça hier, lorsque tu étais en mission.

Je me figeai, sous le choc, et quand elle reprit plus froidement, je sentis mes jambes trembler :

— Il voudrait en discuter avec toi, d'ailleurs, puisque tu es celle qui t'es le plus battue pour qu'il arrête cette pratique.

— Mais pourquoi a-t-il changé d'avis si soudainement ? parvins-je à demander en étouffant l'angoisse qui me dévorait.

Aya se pinça les lèvres et, devant ses yeux humides, mon cœur se serra douloureusement. Tiphaine haussa les épaules et lança :

— Il y réfléchit depuis un petit moment. Certaines d'entre nous ont accepté parce qu'elles sont vraiment dans la merde et ont besoin de cet argent, d'autres sont contre, mais il ne veut rien entendre.

— Ouais, il n'est pas ouvert à la discussion, souffla une voix à mes côtés.

Je me tendis net en apercevant Ivy qui s'avançait, et en remarquant le bleu couvrant sa joue, et ses yeux cernés, je compris qu'elle avait tenté de débattre avec notre patron.
En vain.
Elle avait été sanctionnée pour s'être opposée à lui...

— Tu devrais aller discuter avec lui, Melina. Peut-être parviendras-tu à le faire changer d'avis, comme la dernière fois ? Bien que j'en doute..., me dit Aya.

Mais j'entendis à peine ses paroles, bien trop assourdie par mon sang martelant contre mes tempes.
Impossible... Filipp n'en avait pas le droit.
Il ne pouvait pas nous infliger ça...

— Melina, claqua soudainement la voix de Filipp.

Surprise, je tournai le nez vers lui pour croiser son regard dur. Dressé devant le chambranle de la porte du squat, il me fit signe de le suivre. Les quelques filles présentes murmurèrent en me lançant un coup d'œil inquisiteur, et Aya se détourna, les traits assombris.
Les jambes lourdes, je suivis mon patron, le souffle chaotique.

Échec et mat [TERMINÉ]Where stories live. Discover now