34. Dépendants

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— Elijah ?

La porte d'entrée de son appartement vient de claquer et je referme les battants de son armoire.

— Elijah ? répété-je au bout de quelques secondes.

— Quoi ?

Ça a le mérite d'être clair, il n'est pas de bonne humeur aujourd'hui non plus. Voilà trois jours que j'y ai droit et je suis incapable de mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Ton sec, brutal, froid et attitude distante. On n'a même pas fait l'amour depuis qu'il se comporte de cette manière, si c'est pour dire. Je sors de sa chambre, il lance son sac à dos sur le canapé et je sursaute en écarquillant les yeux.

— Alors, ta journée ? tenté-je.

— Je me suis fait chier.

Et sur ce, il disparaît dans la cuisine. Je reste plantée près de sa chambre et en l'entendant allumer son briquet, je devine qu'il envisage de fumer pour se détendre. Je mords ma lèvre et le rejoins. Cette situation ne peut pas durer, je veux savoir ce qui le tracasse.

— Qu'est-ce qu'il y a, hein ?

Penché sur le bord de la fenêtre, il serre la mâchoire et porte sa cigarette à la bouche. Je croise les bras, mes yeux vogue quelques secondes sur sa silhouette couverte d'un jean et d'un t-shirt caché par une chemise à carreaux noirs et blancs et je capte enfin son attention.

— Rien d'inquiétant.

Je lui jette un regard noir et il fronce les sourcils, conscient que je sais parfaitement bien qu'il y a un problème de son côté, mais je n'ai pas l'impression qu'il va céder. Ça tombe bien, moi non plus.

— Dis-moi.

— Y'a rien, putain.

— D'accord.

Il soupire, je sors de la cuisine et quitte son appartement en attrapant une de ses vestes au passage. Je suis consciente qu'il va me suivre, c'est certes de la manipulation, mais ai-je vraiment le choix de ne pas agir ainsi ?

— Emy ! hurle-t-il lorsque j'atteins le bas des escaliers.

Je ne fais que m'arrêter, il descend à son tour et j'humecte mes lèvres en haussant un sourcil dès qu'il est devant moi.

— Tu es décidé à m'expliquer ce qu'il se passe ? Tu ne m'ôteras pas de l'esprit qu'il n'y a pas quelque chose qui te tracasses.

Il secoue sa cigarette, regarde le ciel gris et me fait signe de rentrer.

— Je suis sérieuse.

— Je sais. Rentre, tu trembles de froid.

— Je préfère rentrer chez moi. C'est infernal, là.

— Je vais t'en parler.

Sa main se serre autour de mon poignet et je baisse ma garde en croisant son regard. Ce que j'y lis me fait frissonner, on aurait dit qu'il est craintif et j'avoue que le voir ainsi, presque en détresse, m'incite à aller dans son sens. De nouveau dans son appartement, il retourne dans la cuisine et je n'ajoute rien. Si nous pouvons éviter une dispute, c'est mieux.

— Pourquoi es-tu aussi froid et distant depuis que tu es rentré samedi soir ?

— Tu me saoules avec tes questions.

— Tu préfères que je fasse semblant de ne rien voir ?

— En ce moment ? Oui. J'aimerai sincèrement que tu fasses semblant.

Le ton qu'il emploie me montre qu'il a dû mal à contrôler ce qu'il éprouve sur l'instant, il est légèrement chancelant alors je fais comme si je n'avais pas entendu. Il se replie et prend une inspiration avant d'articuler, une main dans les cheveux :

Alchimie littéraireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant