6. Je veux mon livre

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Un A+ trône sur ma copie. Je suis tellement fière de ce résultat, j'ai travaillé dur pour cette longue dissertation sur Shakespeare. Et dire que si j'étais allée à la soirée avec Adam, je n'aurais pas eu un bon résultat ! Mais qu'est-ce que je raconte ?!

Judith me suit en sortant de la salle dans laquelle notre cours de littérature anglophone s'achève et je pince les lèvres en apercevant Dallen. Ça fait deux semaines que Judith vit vraiment dans notre appartement et également deux semaines qu'elle n'a aucune nouvelle de son ex. ce dernier discute avec une fille dans un couloir, mais en voyant Judith, son attention est complètement déviée et il laisse cette dernière toute seule pour attraper mon amie par le poignet.

— Judith.

Elle agrippe mon bras en le forçant à la lâcher, je souris de bienveillance, lui conseillant de la laisser faire et ses yeux vert clair vitreux se tournent vers ceux de son ex.

— Je prends la relève, impose-t-il. Je suppose que j'ai été assez con pour laisser continuer cette douleur me tuer.

Je le détaille et comprends que la morale que je lui ai faite il y a deux jours a suffisamment mijoté dans sa cervelle pour qu'il retienne la leçon. Heureusement, Judith n'est pas au courant que j'ai tenté d'arranger les choses, mais peut-être qu'elle s'en rendra compte d'ici quelques minutes si tout se passe bien.

Je fais volte-face pour leur laisser un minimum d'intimité et marche dans le couloir, à la recherche d'Adam. Il ne me parle quasiment plus, on sait tous les deux que notre couple tombe à l'eau, mais je ne sais pas encore si c'est à moi de partir ou bien à lui de me dire qu'il ne veut plus continuer.

— Pard...

— Putain !

Je n'ai pas besoin de lever les yeux pour savoir qui jure lorsque je lui fonce dedans. Je croise deux billes sombres me faisant frissonner et il entrouvre la bouche en haussant les sourcils. Tonnerre, il est plus beau que jamais avec sa chevelure en bataille. Il m'ignore en l'espace de quelques secondes, fait demi-tour et je fixe la petite poche de son sac. C'est la reliure d'un bouquin qui m'est très... très familière. Mon bouquin.

— Hé !

Il accélère son pas, je joue des coudes jusqu'à la sortie de la fac et je le retrouve sur le campus. Il court en me voyant, je fais de même et je hèle son prénom pour qu'il s'arrête. La course est interminable, il nous mène jusqu'à un recoin quasiment désert et j'essaye de tenir le rythme. Ça doit bien le faire rire d'être conscient qu'une cinglée lui court après pour récupérer un livre. Trop concentrée à le rattraper, il pile net sur la terre à une dizaine de mètres de moi et le temps que je ralentisse, je lui rentre dedans pour la deuxième fois en cinq minutes.

Je me rue sur son dos et rebondis instantanément vers le sol tant le choc est violent. Je cherche une prise pour retrouver l'équilibre, et une main serre mon coude. Sa main. Elijah a beau être désagréable, mais il agit rapidement pour ne pas que je me blesse. C'est la deuxième fois qu'il me sauve d'une rencontre avec le sol.

Il attire mon coude vers sa taille, j'ouvre grand les yeux, prise de court et le pouls accélérant soudainement, et il pose sa main sur ma tête. Ce n'est pas déplaisant, il émane une odeur particulière de son t-shirt, mais cette proximité me gêne. On ne fait que se disputer depuis qu'il a rejoint le théâtre il y a presque un mois, il agit souvent de façon surprenante et je ne sais pas à quoi m'attendre. Jamais. Un peu comme maintenant.

— Mon livre, dis-je contre sa veste en cuir.

Il me serre un peu plus contre lui, mais c'en est trop. Je le repousse violemment, il est aussi surpris que moi par ma réaction inopinée, et il fourre les mains dans ses poches avant d'en sortir une cigarette et un briquet.

Alchimie littéraireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant