Alchimie littéraire

18. Machination

— Alors pourquoi tu ne l'as pas fait ? l'accusé-je en essuyant la table.

Il n'est pas surpris que je sois aussi frustrée. Il ne répond pas tout de suite, au lieu de ça, il me regarde muettement, je rince le chiffon et il attrape ma main libre avant que je ne m'en aille à nouveau boire mon café.

— Parce que je n'ai plus envie d'être ton secret, susurre-t-il en touchant le bas de mon dos.

— Mais ce n'est pas toi qui décides de ça ! J'avais mes raisons ! Tu crois qu'elle en pense quoi, ma coloc ?! Je passe pour une salope et... Il n'y aura jamais rien de sérieux, Elijah, c'était pour t'amuser. Tout ça, c'était pour divertir monsieur et j'ai bêtement suivi. Mais je me fais avoir une fois, pas d...

Il presse tant bien que mal ses lèvres sur les miennes et je le repousse en mettant mes mains sur son torse.

— Non. Arrête.

— J'étais plus que sérieux, cette nuit.

— Seulement cette nuit ? le provoqué-je. Tu te moques de moi depuis le début. Lâche-moi.

Il obtempère en baissant la tête, ouvre la bouche et Judith revient à la charge en s'éclaircissant la gorge :

— Emy ?

Je me retourne, les yeux mouillés de larmes, et il en profite pour glisser son bras sur ma taille.

— C'est vraiment compliqué, Judith.

— Explique-moi alors, m'incite-t-elle calmement. Comment est-ce que tu en es arrivé là ?

— Laisse-nous deux minutes, chuchoté-je à l'adresse d'Elijah.

Il refuse en resserrant son emprise et je sens son érection contre mes fesses. Je m'empourpre immédiatement. Son nez chatouille ma nuque, j'essaye de me libérer, en vain. Je ne veux plus ressentir ce besoin de l'avoir près de moi s'il ne fait que s'amuser avec mon cœur fragile.

— Dis-lui.

Je ferme les yeux en le maudissant intérieurement et le regard de ma coloc manque de me faire pleurer. Elle a compris que je suis tombée en plein dedans et qu'il a abusé de ma confiance. Comme Nathan.

— Nous nous voyons depuis quelques temps... débuté-je en rougissant. Il est dans l'option théâtre que je dirige avec Lukas pour éviter une expulsion définitive et nous avons commencé à nous... parler... si on peut dire... C'est... d'une certaine façon, la raison pour laquelle... Adam et moi ne sommes plus ensemble...

Je ne peux pas aller plus loin. Dire que j'éprouve ces foutus sentiments alors qu'il est juste derrière moi, c'est me jeter dans la gueule du loup. Je ne peux pas le dire. Pas devant lui. Il va se moquer de ma cupidité.

— Lâche-moi... S'il te plaît.

Il lie nos doigts et tourne ma tête, de façon à ce que Judith voit la totalité du suçon à la naissance de mon cou. Je n'y ai pas pensé en nouant mes cheveux au lever, une chance qu'elle ne l'ait pas vu plus tôt...

— Nom d'un chien bâtard... jure-t-elle.

Dallen apparaît dans le salon, il fronce les sourcils en me voyant dans les bras d'Elijah et son sourire en coin me met encore plus mal à l'aise.

— T'as encore frappé, hein ?

C'est la deuxième fois que j'entends ce genre de remarque vis-à-vis d'Elijah, mais aujourd'hui, je ne laisserais certainement pas passer ça. Adam disait qu'il avait décidé de me prendre, moi aussi, et là, Dallen sous-entends qu'il recommence ce qu'il faisait. L'intéressé sort une cigarette et son Zippo avant de filer dans ma chambre, je le suis en silence et il prend une bouffée de nicotine, accoudé à ma fenêtre, les épaules avachies. Je l'observe de dos, je sais qu'il a conscience de ma présence. Je referme la porte de ma chambre et il tourne la tête dès que je fais un pas. Je recule aussitôt, au cas où il me toucherait.