Ch. 21 : La confrontation

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Je suis amenée avec virulence dans une autre pièce, les yeux bandés, je n'ai rien admiré du décor mais je crois avoir réussi à mémoriser le trajet jusqu'ici. L'une d'elle dénoue le ruban noir et je découvre une chambre à la décoration raffinée où trône une baignoire remplie d'une eau fumante et parfumée à la fleur d'oranger. Le parfum subtile s'immisce dans la pièce comme un baume apaisant. Je tente de visualiser chaque centimètre carré, chaque détail pouvant avoir son importance, je scrute le moindre recoin. La plus vieille des femmes me pousse en avant pour me forcer à m'approcher de la bassine en grès blanc. Puis à l'aide de ses comparses, elle me déshabille sans ménagement. Mes vêtements sont pratiquement arrachés, elles ne manquent pas de me griffer et de m'invectiver dans leur langue natale. Je garde le contrôle de mes émotions pour ne surtout pas leur donner la satisfaction de me blesser. Ces trois sorcières ne valent guère mieux que ce salop de Ramos. La doyenne, qui se prénomme Rosa, m'entraîne jusqu'au bac fumant, elle agrippe mes cheveux en poignée pour m'obliger à me glisser dans l'eau beaucoup trop chaude. Ma peau rougit instantanément au contacte du liquide brûlant, je serre les dents pour retenir les larmes qui menacent de m'échapper. Leurs trois paires de mains s'appliquent à me laver, elles frictionnent, frottent, décapent toutes les parties de mon anatomie. Mes seins sont malmenés, ma tignasse tirée, quant à mon entre-jambes ... je sens mon intimité violée par des mains peu scrupuleuses de mon bien-être. Elles m'ordonnent de sortir et s'emparent de serviettes pour me sécher tout en me menant devant un miroir sur pied dont le laiton s'est usé par les nombreuses manipulations. Le reflet de mon corps totalement nu, m'apparaît très différent de d'habitude. Ma peau d'ordinaire lisse est couverte de plaques rouges qui finiront probablement en hématomes demain. Les trois femmes m'appliquent une huile parfumée qui apaise immédiatement les douleurs causées par leur manque de délicatesse, là encore, aucune parcelle ne leur échappe. Les doigts s'immiscent dans mes plis et une nausée me soulève le cœur de voir leurs sourires entendus. Je suis ensuite installée devant une coiffeuse, l'une d'elle s'occupe de mes cheveux pendant que la seconde s'affaire au maquillage. La fameuse Rosa disparaît dans une pièce attenante pour réapparaître, avec dans les bras, une robe blanche. Un chignon bas niché dans le creux de ma nuque, quelques artifices sur mes yeux et mes lèvres, je dévisage ce reflet que je ne reconnais pas, mon cœur palpite d'appréhension. Comment envisager la suite de cette soirée ? Ramos a réclamé ma présence mais sait-il qui je suis ? Le major l'a-t-il informé de la photo ? La vieille dame me sort de ma réflexion en tirant sur mon bras pour m'obliger à me retourner, elle passe le col de la robe par dessus ma tête et laisse le tissu vaporeux descendre sur mes hanches jusqu'à mes chevilles. Le constat que je fais est saisissant, cette robe blanche est complètement transparente, je porte mon attention sur le miroir en pied qui confirme mes craintes. Cette robe à bretelles fines, à l'échancrure plongeante et au tissu nébuleux ne laisse aucune place à l'imagination. Je vais être donné en offrande dans mon plus simple appareil ... Le pouls à mes tempes s'accélère, un léger vertige me prend. Je m'assoie sur le matelas derrière moi pour reprendre mes esprits. Je relève la tête et pose sur Rosa un regard de défi. Je ne lui donnerai pas le plaisir de me voir pleurer, aucune larme ne dévalera mes joues. Ses yeux perçants sur moi, un sourire étire ses lèvres fines et ridées, elle m'annonce qu'il est l'heure de nous rendre au jardin pour un dîner au clair de lune. C'est les pieds nus et les yeux encore bandés que je sors de cette chambre. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et résonne dans mes oreilles, je n'arrive pas à garder mon calme et la panique qui me gagne m'empêche de me concentrer. Je me sens désorientée lorsque mes pieds atterrissent sur ce qui semble être de l'herbe. Je suis immobilisée, ma silhouette orientée dans un halo de lumière qui traverse le ruban. Je suis ainsi exposée sans savoir à qui. Rosa dénoue, pour la seconde fois, le bandeau, je suis désormais dans un jardin surplombé d'une terrasse baignée par la lumière de lampions multicolores. Deux paires d'yeux me dévisagent de cette hauteur, installés à une table en teck, je reconnais le major et son regard givré sur moi mais celui qui me toise avec un air répugnant n'est autre que Ramos. Je rive mes yeux aux siens, une joute silencieuse s'installe et c'est la main cinglante de Rosa sur ma joue qui me sort de ma torpeur. Je porte ma paume à mon visage et remarque l'air ennuyé du major qui se frotte la nuque.

Soldat JKWhere stories live. Discover now