CHAPITRE 21 • MILA

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    Le temps se fait de plus en plus long et la douleur dans mon corps de plus en plus forte. On dit souvent qu'il y a des jours avec et des jours sans, et aujourd'hui est un jour sans pour moi. Je n'ai pas revu Jisung depuis que nous avons joué ensemble pour la Saint Valentin il y a une semaine. Cette soirée tourne en boucle dans ma tête sans que je ne puisse l'arrêter. C'était tellement étrange de me retrouver de nouveau sur scène, de jouer pour un public. La sensation dans mon corps à ce moment-là m'avait surprise. C'était comme si je profitais vraiment, que je me laissais aller et que je vivais un peu plus sur la scène.

   Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie comme ça, aussi libre et légère. Alors que ce soit avec Jisung que j'ai pu ressentir cette expérience, c'est encore plus surprenant. Je me rappelle encore me dire que je ne voudrais jamais avoir à faire avec lui, que rien ne se passerait et que nous ne serions que des voisins qui s'observent de loin. Pourtant, la semaine dernière, c'est moi qui ai fait le premier pas. C'est moi qui l'ai forcé à monter sur scène.

   D'un côté, je voulais vraiment qu'il se libère un peu, qu'il oublie ses peurs et qu'il affronte le public. Je voulais le pousser à s'améliorer et ça a plutôt bien fonctionner, je trouve.

   Cependant, maintenant, j'ai l'impression d'être associée à lui. J'ai l'impression que si jamais je veux me défaire de lui, ce sera plus compliqué que ce que je pensais. Tout ça commence un peu à m'effrayer. Je ne pensais pas que notre relation irait aussi loin. Ça me donne la chair de poule quand je repense à tout ce qu'on a vécu ensemble. Je me suis foutue dans un sacré merdier en sympathisant avec lui. Je pensais que le petit voisin timide serait inoffensif, que ce serait simple de ne pas m'attacher, mais plus le temps passe, plus je commence à avoir des doutes là-dessus.

   J'imagine toutes les mauvaises façons dont cela pourrait se terminer et cela me retourne l'estomac. Je ne veux pas que cela se finisse mal et pourtant il y a tellement de chance pour que cela arrive.

   Je n'ai que faire de me retrouver en miette, je suis déjà en mauvais état. Mais je suis une bombe à retardement. Je peux exploser à n'importe quel moment sans le savoir. Je ne suis pas assez stable pour Jisung et j'ai peur de l'entraîner avec moi si jamais je ne parviens pas à sortir la tête de l'eau. Si je plonge, ce sera seule. Il doit vivre son rêve. Je veux que son visage ne s'arrête jamais de briller.

   Tout ça me travaille et je le ressens bien puisque c'est la troisième fois que je vomis depuis hier. Déjà que j'avais des problèmes à dormir, c'est devenu impossible maintenant.

   On frappe à ma porte et celle-ci s'ouvre quelques secondes plus tard. Je n'arrive pas à voir de qui il s'agit, il fait trop sombre dans ma chambre et je n'ai pas la force de bouger ma tête.

   — Alors tu veux vraiment pas venir, ce soir ?

   Je secoue négativement la tête pendant que ma sœur, que j'ai reconnu par la voix, s'assoit au bout de mon lit pour m'observer. Elle fronce les sourcils et pose sa main sur une de mes jambes couvertes par mon drap.

   — Est-ce que ça va ? En ce moment, c'est vrai que je suis pas souvent présente mais je m'inquiète pour toi, tu sais.

   Je pouffe faussement de rire, offusquée qu'elle puisse dire qu'elle s'inquiète pour moi alors qu'elle ne pense qu'à son départ avec Ombeline depuis qu'elle est revenue. Je sais que tout ce qu'elle a en tête c'est sa future maison en Australie, le nouveau travail qui l'attend à la sortie de l'aéroport et ses amies de l'autre côté de l'océan. Elle ne pense pas à moi ni à comment je peux me sentir, elle veut juste avoir bonne conscience, exactement comme lorsque la famille a explosé. Elle s'est aussitôt rangé du côté de Amelia après que Papa soit parti alors qu'elle ne disait rien au début. Mais bien évidemment, on ne peut pas en parler dans cette maison, comme si c'était un sujet qui déclencherait une bombe, détruisant tout sur son passage. Sauf que je veux en parler moi, je veux savoir pourquoi tout le monde semble avoir effacé Papa de leur vie, pourquoi ils font comme si tout allait bien alors que l'on continue de vivre avec l'ennemi.

VIVRE C'EST POUR LES IDIOTS - 𝘢 𝘩𝘢𝘯 𝘫𝘪𝘴𝘶𝘯𝘨 𝘧𝘢𝘯𝘧𝘪𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯Where stories live. Discover now