CHAPITRE 32 • MILA

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    Tout se chamboule dans mon esprit. Je ne sais pas si je fais le bon choix, je peux encore faire marche arrière mais à quoi cela me servirait ? Je ne veux pas rester ici, mais partir en Corée ? C'est énorme, mais au moins je serais sûre de ne plus avoir Amelia sur mon dos, je pourrais enfin respirer.

   Je souffle et regarde silencieusement le plafond au-dessus de mon lit. Ça fait une semaine que cette idée passe en boucle dans ma tête, mais lorsque j'essaye de fermer les yeux pour dormir, les mots de mon voisin reviennent. Il veut continuer son rêve avec moi, il veut que je sois à ses côtés pour les années à venir, ces années dont on ne sait rien, ces années qui me donnent des frissons dans le dos, ces années qui m'effraient et m'intriguent en même temps.

   Mon avenir me fait peur, je ne sais pas ce qui va m'arriver à la rentrée qui s'approche plus vite que je ne veux l'admettre. Nous sommes le seize juin, c'est bientôt mon anniversaire. Même si j'aimerais que le temps passe moins vite, je me vois encore au mois d'octobre dernier à embêter le nouveau voisin qui venait d'arriver avec sa mère dans mon salon. Même si c'est dur à assimiler, je dois comprendre que le temps ne se contrôle pas, que je pourrais essayer de chercher toutes les inventions possibles, les secondes passent entre mes doigts comme du sable fin que je ne peux retenir.

   Et plus le temps s'écoule, plus ma vie s'allonge et plus je dois faire des choix. Mais faire des choix me fout la trouille, c'est angoissant de devoir suivre une route en abandonnant l'autre sans savoir ce qui aurait pu se passer si on avait changé d'avis. Je pourrais fuir mes problèmes et partir en courant dès qu'un choix s'offre à moi, mais même s'enfuir est une possibilité à faire, la plus facile de toutes certes, mais cela reste une décision que j'ai prise. L'Homme naît, et pendant toute la durée de sa vie, il est forcé à faire des choix. Alors certains sont faciles, je ne vais pas pleurer parce que je ne sais pas si je veux du gâteau au chocolat ou à la fraise, bien sûr que non. Mais lorsque ce choix touche mon avenir, là ça devient beaucoup plus dur.

   Imaginons que je décide de suivre l'idée de Amelia de finir dans le tourisme, pas vraiment la joie mais disons que j'ai voulu lui faire plaisir. Je ne saurai jamais ce que cela fait de partir à l'étranger et de découvrir le paysage de la Corée avec mon copain. Je ne saurai jamais que j'aurai pu vendre des milliers d'albums dans le monde, que j'aurai pu devenir une grande pianiste. Mais bien sûr, cette vie, ce serait celle que je me serais imaginée, en contrôlant les événements de celle-ci. Sauf que dans la vraie vie, personne ne contrôle les événements de son propre destin, tout est flou et personne ne sait vraiment les conséquences de ces gestes dans des situations précises qui affecteront son avenir. Vous avez vu ? C'est beaucoup plus compliqué que ça en a l'air lorsqu'on s'attarde vraiment sur la complexité de la vie humaine.

   Je prend un chemin qui m'intéresse mais que se passerait-il si je changeais d'avis plus tard et que je regrettais ? Pourquoi je ne pourrais pas tout essayer, ce serait beaucoup plus simple pour choisir ensuite. Je ne sais pas si la voie que j'emprunte est la bonne. Est-ce qu'il y a une bonne voie à suivre même ? Laquelle m'amènera là où je veux, et surtout, qu'est-ce que je veux vraiment ?

   J'ai déjà fait une erreur en pensant que mon avenir serait tout tracé une fois que j'entrerais dans une filière universitaire qui me plaisait au premier abord. Je ne veux pas réitérer cette expérience. Je ne veux pas revivre un échec dans ma vie.

   Oui, je veux fuir Amelia, je veux vivre par mes propres moyens, je veux ma propre maison, je veux mes propres enfants que j'élèverai à ma façon, mais où est-ce que je me vois réellement ? C'est compliqué de demander ça, on me propulse dans le monde des adultes sans aucune préparation.

   — Mila, t'es occupée là ?

   J'ouvre les yeux et tourne ma tête vers ma porte, où se trouve mon frère qui me sourit. Il porte un simple t-shirt large avec un pantalon tout aussi grand. Il a vraiment changé depuis la dernière fois où j'ai vraiment prêté attention à son apparence. Ça ne m'avait jamais vraiment frappé car il a toujours son sourire adorable, ses beaux yeux marrons qui prennent une couleur verte sous le soleil, il a toujours son comportement d'enfant crédule et stupide, pourtant mon frère devient un homme et je ne le vois pas grandir, du moins je ne m'attendais pas à ce qu'il devienne aussi grand  et costaud.

VIVRE C'EST POUR LES IDIOTS - 𝘢 𝘩𝘢𝘯 𝘫𝘪𝘴𝘶𝘯𝘨 𝘧𝘢𝘯𝘧𝘪𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯Where stories live. Discover now