Chapitre 15

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Dokan tremblait intérieurement sous l'effet d'un cocktail de dégoût, de peur et de colère. Il avait quitté la salle du conseil peu après le départ de Cécil. Ses implants avaient redémarré mais peinaient à la tâche : ils auraient eu besoin, pour restaurer toutes leurs fonctions, des données et des paramètres qui étaient sauvegardés sur ses serveurs privés. Mais l'Opus avait suspendu bionet sur tout Sky City, à titre conservatoire, et ses données étaient inaccessibles.

Les abords du Conseil avaient été évacués, les flasheurs avaient disparu, ne restaient que des forces de secours et de sécurité. Les frères et les gardes de l'Opus avaient remplacé les huissiers et les soldats du Conseil, matérialisant on ne peut plus clairement la prise de pouvoir de Cécil.

Dokan n'avait pas fait dix pas que deux encapuchonnés l'interceptèrent et lui signifièrent qu'ils avaient ordre de l'escorter jusqu'aux quartiers du Pii. Il ne put que se soumettre et les suivre.

Des images de conseillers morts tournaient en boucle dans son esprit. Les trois quarts des victimes étaient ses proches, alliés ou vassaux. On aurait presque pu les qualifier d'amis, bien qu'à Sky City l'amitié soit un concept désuet, éclaté par les prismes combinés du pouvoir et de l'argent. Mais tous gravitaient depuis longtemps dans sa sphère d'influence et attendaient qu'il accède au pouvoir pour enfin profiter des largesses qu'il leur avait maintes fois promises.

Et Cécil les avait décimés ! En direct, en un clin d'œil, sans sourciller... Et sans laisser de trace : la boot-bomb avait tout effacé !... Maudit soit-il ! Des années d'ingénierie sociale et d'intrigues politique réduites à néant par la colère aveugle d'un vieil enragé !... Putain !

Et maintenant, qu'est-ce qui l'attendait ?

Il se retrouva devant l'entrée de l'ascenseur qui reliait le Conseil à l'Opus, toujours flanqué de ses deux cerbères, et n'eut d'autre choix que de s'installer dans la cabine. À peine avait-elle démarré qu'une douleur se mit à pulser à l'arrière de son crâne, côté gauche. Puis une autre irradia les profondeurs de son œil droit, et s'étendit jusqu'à son oreille, d'où monta un larsen entêtant. Elles grossirent jusqu'à fusionner en une seule effrayante pulsation, qui semblait vouloir lui exploser en plein cerveau.

Il réactiva précipitamment ses modules médicaux et pria pour qu'ils fonctionnent. Le diagnostic fut heureusement rapide. Une pompe viscérale lui délivra une dose d'attaque de béta-endorphine ultra-codéinée et toute douleur disparut dans l'instant. Son rythme cardiaque revint à la normale. Il se détendit, ses traits se relâchèrent, un sourire releva le coin de ses lèvres. Deux icône clignotèrent soudain dans son champ de vision : deux implants défaillants.

Deux sur sept ! Quelle chienlit !

Il fut soudain pris d'un doute violent, presque une panique. Il tenta de réactiver l'implant non référencé sur lequel il gardait au secret ses deux plus précieuses possessions numériques : le code de saturation et l'IA qui l'avait engendré !

Mais rien, rien, désespérément rien ! Il essaya encore, lança un diagnostic sur l'adresse système de son implant pirate, mais n'obtint aucune réponse ! Putain ! Cécil avait grillé son implant ! Le code était perdu, tout était à recommencer ! Putain ! Putain ! Putain !

L'ascenseur ralentit à l'approche de sa destination. Dokan prit sur lui et fit l'effort de se calmer... De toute façon, ce qui était fait était fait. Son arme avait servi et rempli sa mission, il pourrait la récupérer de la même façon qu'il l'avait obtenue la première fois, ce n'était qu'une question de ressources et de temps...

Et à tout prendre, même s'il ne s'en sortait pas tout à fait indemne, sa situation restait enviable au regard de celle de ses compagnons, qui à cet instant gisaient aux pieds des Frères de l'Opus, déjà occupés à leur trifouiller les entrailles... Après tout, Cécil aurait pu le tuer, et s'il ne l'avait pas fait, tous les espoirs restaient permis. Il faudrait sans doute la jouer fine, se faire bien docile, pas trop la ramener, mais il gardait encore toutes ses chances, même si elles étaient quelque peu diminuées...

Néo ParisWhere stories live. Discover now