Chapitre 20.2

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Naïa jouissait dans le secteur de la neutralité de la Novoskaya : ils ne l'attaqueraient pas. Mais ne la protègeraient pas non plus. Et ici, personne n'était tout à fait en sécurité : rodeurs, voleurs, fuyards, camés, mutés et détraqués allaient en liberté, prêts à sauter sur le moindre gibier... Elle s'engagea dans une avenue, au raz des murs, le pas rapide. Les trottoirs encombrés étaient déserts de toute présence visible mais ses capteurs thermiques révélèrent de nombreuses tâches de chaleur derrière les façades, murées pour la plupart, défendues comme autant de places fortes. Le hotspot qu'elle cherchait était à trois cents mètres, elle en capta le signal, faible mais stable. Il émanait d'un immeuble sale mais assez bien conservé, de pur style haussmannien. Il était gardé par une brigade de kyrills, écroulés sur les marches du perron, qui se redressèrent à son approche. L'un deux s'avança, un petit trapu au cou de bœuf, sans doute leur chef, l'air méfiant et menaçant.

« Dégage, Frérot ! T'as rien à foutre ici. »

Elle se planta devant lui sans un mot, se décapuchonna et produisit son petit effet. Une Sœur ! Denrée rare, ici-bas. Les gardes se détendirent un peu, l'œil salace. Pour eux, une femme était une proie, pas un danger.

« T'es bien loin de chez toi, petite sœur, et bien seule... » ricana le petit chef, l'œil badin, parfait blaireau. « C'est pas très prudent, y pourrait t'arriver des bagatelles... Maintenant, bien sûr, on peut s'arranger... Si t'es gentille avec nous, je te garantis qu'il t'arrivera rien de mauvais... »

Les kyrills dans son dos ricanaient comme des hyènes sous ecsta. Certains lui tournaient à distance des langues lubriques, d'autres agitaient leur cul véreux d'avant en arrière, dans un coït imaginaire façon rodéo porno.

« Je viens voir Kolya, gros malin, on en affaires tous les deux. Je sais qu'il est là. Il m'attend. Te mets pas dans les ennuis tout seul, il a horreur d'attendre. »

Cette petite pute lui tapait sur les nerfs, avec ses grands airs. Il allait lui apprendre...

« C'est ça ouais, bien sûr. Et demain, il va me pousser une troisième couille ! » lança-t-il dans un concert de rires dégénérés. « Si t'es si attendue que ça, pourquoi il m'en a rien dit, Kolya, hein ?... Allez, dégage maintenant, ou je t'atomise ! »

Il s'avança, menaçant, l'air décidé à la déblayer du passage. Elle l'esquiva d'un pas chassé et d'un geste éclair le saisit au poignet. Clef, pivot, retournement, projection : il se retrouva face au sol, immobilisé, le bras tordu très haut dans le dos, tous les ligaments raidis comme des haubans, prêts à exploser. Une douleur intense l'irradia de l'épaule jusqu'au bout des doigts, étouffant toute velléité de lutte. La surprise passée, les autres se précipitèrent sur elle.

« Encore un pas et je lui arrache le bras ! »

Elle pesa de plus belle sur le poignet, qu'elle remonta sous l'aisselle dans une torsion insoutenable. Elle sentit un premier craquement sous ses doigts. Le gros hurla sa douleur, se tortilla comme un ver, impuissant, et éructa à ses hommes l'ordre de ne pas bouger, plein de bave et de fureur.

« C'est bon, arrête ! Arrête ! J'appelle !

— Très bien, chaton, je vois que tu as retrouvé tes esprits. Tu vois, un peu de bonne volonté, et tout s'arrange... Allez, magne ! »

Elle relâcha imperceptiblement la pression, de quoi maintenir une douleur tout juste supportable. L'homme se détendit un peu, reprit son souffle, ferma les yeux pour bien se concentrer. Il mentalisa un appel à Kolya, qui l'accepta dans l'instant et lui força une syntonisation en retour. Il ne vit qu'un bout de chaussée à travers les yeux de son garde.

Néo ParisWhere stories live. Discover now