XXXV - (W)elcome

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À W, bribe d'un passé fantasmé.

Je ne sais pas comment écrire cette lettre tant le vent souffle dans mon cœur. C'est un peu comme être pris dans une tempête de laquelle on ne sait pas sortir.

On ne peut pas forcer quelqu'un à s'ouvrir à nous, et rester derrière une porte transparente derrière laquelle tu te tiens, est sans doute l'une des choses les plus frustrantes que j'ai vécues. J'ai beau essayer de passer ma main, de toucher la tienne à travers le verre, je ne sens rien. Que du froid. Plus j'essaie de t'attendre, et plus elle s'épaissit.

« sharing is caring » mais la seule chose que je transporte avec moi, c'est ton silence assourdissant.

Tu n'as pas envie que j'apprenne à te connaître, tu n'as pas envie que je sache ce qui t'anime ou ce qui te faire rire. Tu n'as pas envie que je puisse connaître ce qui touche ton cœur, c'est pour ça que tu ne laisses jamais rien paraître. Tu m'as fermé la porte dès le début et tu as avalé la clef. Depuis je me heurte à tous les murs et aux fenêtres que tu as mis sur ton armure.

Je te regarde de loin, je ne t'entends pas. J'essaie de partager ce que je crois être de la joie ou de la tristesse, avant que tu ne me dises que j'avais tort et que ce n'était pas de ça qu'il s'agissait. C'est difficile de devoir deviner qui tu es, parce que ça ne se devine pas. On est censé le découvrir, être invité à entrer pour comprendre de quelle chaleur est chauffé le foyer. On n'est pas censé rester à l'extérieur, dans le froid et la tempête, dans l'incertitude de ce qu'on est soi-même pour l'autre.

Pourtant, parfois, c'est ce qu'il se passe. On est derrière une grande porte et on regarde les autres entrer. Il faut l'accepter, je le sais. On ne peut pas être présents pour ceux dont notre venue n'est pas désirée. C'est difficile malgré tout, car j'aurais tellement voulu savoir quel goût a ton bonheur lorsqu'il explose au yeux du monde. Monde auquel je n'appartiens pas. Monde dans lequel tu ne me veux pas.

C'est frustrant d'être à la porte et de désirer si fort que quelqu'un nous partage son univers pour en voir la beauté. On voudrait avoir une place confortable à côté de cette personne sur le canapé. Mais tout ce qu'on récolte, ce sont des murs qui s'épaississent, qui s'endurcissent au fur et à mesure.

Je suis restée sur le paillasson en toquant si vivement que j'en ai mal aux mains. Mon cœur tremble de cette distance que tu ne cesses de faire grimper. J'ai essuyé mes pieds tant de fois en espérant enfin rentrer et ne pas ramener à l'intérieur, des choses souillées. A tel point que mes semelles sont toutes usées et que j'ai froid aux pieds.

Et puis, au bout d'un moment, lorsque le froid me gagne dans tout le corps, j'en viens à me demander si finalement, ça vaut la peine. Cette attente qui n'en fini pas, ce regard que tu ne me cèdes pas. Cette porte qui reste fermée sous mon nez. Ne serait-ce pas plus simple de retourner dans mon propre foyer, allumer un bon feu et me réchauffer le cœur ? Je crois que si. Alors j'ai détourné les yeux de ton visage, qui ne me sourit pas. J'ai cessé d'essayer d'écouter ton rire et ton âme qui ne voulaient pas être entendus de moi. Et je suis partie.

J'ai tourné le dos à cette porte blindée pour aller ouvrir celle dont j'avais la clef ; chez moi. J'ai entendu mes larmes et mon rire aussi. J'ai vu pétiller la joie des jours heureux, j'ai senti mes pieds se dégourdir au coin du feu. Et la tempête a cessée.

C'est comme ça que j'ai compris que lorsqu'on ne voulait pas de nous quelque part, ça n'apporterait rien de bon de rester. J'ai failli m'oublier dans tes yeux bleus comme la marée qui va et vient mais ne me touche jamais. Et j'ai vu dans les miens, une terre connue et rassurante. Ça m'a rendue triste de rentrer à la maison sans avoir eu la possibilité de te sentir près de moi. Mais un jour, sans doute, quelqu'un voudra me faire une place dans son monde, et je me sentirais comme à la maison.

En attendant, je te laisse dans ton univers, le mien m'attend. J'ai beaucoup de choses à y faire. Comme être heureuse, par exemple.

La rose et les épines.Where stories live. Discover now