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J'ai ouvert mon parapluie sur un ciel gris, et tout autour de moi a fini par disparaître. Ne parvenant plus à respirer, même lorsque mon visage est à la surface, tout le submerge sans jamais me noyer complètement. C'est comme mourir en continu, mais rester suffisamment vivante pour souffrir indéfiniment. Il y a des jours pendant lesquels la seule idée de survivre guide mes pas.

Le marchand de sable est un sadique, il m'a punie depuis bien des années. Ses grains de repos viennent rayer mon quotidien. « Une copie, d'une copie, d'une copie » comme disait ce film. C'est la bande à moitié cramée du mien qui déraye et hier est aujourd'hui. 24 heures en sont mille et deux. Je ne sais plus quand le soleil se lève, quand je dois l'accompagner ou aller me coucher. Je ne trouve plus les quatre saisons dans mon cœur. L'automne a détruit l'écosystème de mon âme, amant d'un hiver clinique. Dépression des pressions de la vie, une boucle temporelle de laquelle je ne suis jamais sortie.

« Il y a quelqu'un en vous qui veut vivre » me dit ma psy, mais comment fait-elle pour la voir alors que ce n'est pas qui je suis?

Je me bats pour une guerre dont je ne connais pas le but. Une vie dans laquelle je n'ai rien qui me fasse envie. Se lever un matin c'est comme en faire cent. Sans en faire un de plus je serai bien plus tranquille. Des responsabilités envers des inconnus, sans arrêt, alors que je n'arrive plus à répondre à mes propres besoins. Je suis l'arche de Noé qui devient Titanic. J'ai voulu me sauver pendant un quart de siècle, mais je suis Jack au fond d'un océan. Les abysses d'une maladie que je racle de long en large. J'en connais tous les recoins et ils sont bien trop sombres.

Le plaisir a quitté mon corps et mon esprit, j'ai appris à marcher et déserté le bonheur. Pire qu'à l'armée, dans cette maison on apprend la guerre. Avec des alliés qui sont en fait des vipères. Il faut apprendre à tirer sinon ils vont le faire. Le malheur comme hymne familial, personne ne sourit. Quand tu rêves on te démolit. Maman aurait dû aller chez le psy à cause de mamie, mais c'est moi qui dois guérir toute une généalogie. Je porte un bon nombre de pathologies, où la seule qui me tue vraiment c'est l'agonie.

Chronophobe à mes heures perdues, ce sont celles qui me font le plus de mal. J'ai peur de tout dans cet univers, mais surtout de ce qui m'entoure. Je vois mon existence m'échapper et les autres ne comprennent pas le mal qui m'assassine. Comme un meurtrier bien préparé, terré dans l'ombre de mes traumas, elle m'agrippe à la gorge et ne me lâche pas. Parfois je la vois comme un respirateur, mes poumons se gonflent uniquement parce que ce n'est pas tout à fait mon heure. Mais elle maintient le rythme, car le jour où cette fumée noire voilera trop mon esprit, c'est dans mes veines qu'on lira le mal.

J'espère que sur mon coeur sont inscrites toutes ces blessures qu'on m'a fait subir. Comme des tatouages de la vie, à l'encre invisible et l'aiguille infectée, ce sont mes plaies qui soupirent toutes ces choses contre lesquelles je me bats.

Parfois je voudrais que mon corps soit un musée, qu'on y entre gratuitement quelques minutes pour constater, que ce ne sont pas des mensonges. J'ai un asile dans le crâne et des tortionnaires dans le coeur, tous portent différentes versions de mon visage. Mais les visiteurs pourront enfin me croire quand ils entendront tous les cris de douleur que j'y garde enfermés.

Le freak show d'une existence bousillée.

La rose et les épines.Where stories live. Discover now