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Il était une fois, un vase transparent en verre dans une ancienne maison. Dedans était posé une rose blanche sans épines. Parfois dans la journée, lorsqu'on passait devant elle, la rose avait bougé sans que personne ne l'ait touchée. Elle trempait, au début lorsqu'elle est arrivée, que le bout de sa tige dans un fond d'eau. Plus le temps passait, plus on voyait le niveau de l'eau grimpé sans que jamais personne ne l'ait remplie. Le soleil se levait, se couchait, et la rose tournait dans son vase oublié. L'eau ne cessait de monter, tout le monde disait qu'on l'avait inventée.

La mère demanda à sa fille si elle y avait touché, cette dernière nia fermement avant de s'en aller. Le lendemain, la mère demanda au père s'il l'avait rempli, le voyant avec une bouteille à moitié vidée. Vivement, il s'en défendit avant de s'en détourner. Le surlendemain, la rose avait de l'eau jusqu'au début de ses pétales, elle menaçait de tomber si on continuait à l'arroser.

Toute la maison était à feu et à sang, chacun se battait pour savoir qui était le responsable du carnage qui se préparait. Plus les cris augmentaient, plus le vase se remplissait. Un jour, il déborda sous les yeux de toute la famille. Ils se regardèrent un instant, puis se blâmèrent à nouveau.

Au début, chacun cru qu'une fois qu'il serait plein, il s'arrêterait, mais l'eau est montée jusqu'au plancher. Ils crièrent alors que celui qui continuait à alimenter la source serait responsable de tout le bazar qu'il y aurait. Le soleil faisait danser la fleur dans son récipient, suivant les cycles de la lune lorsqu'il partait se coucher.

Un matin, le soleil se réveilla et constata que la maison était noyée d'eau. La lune rapporta aux nuages que les cris avaient continué, et que pour les étouffer, la rose s'était mise à pleurer encore plus fort. C'était elle, qui alimentait son vase pour continuer à exister. Pourtant, elle n'avait pas su s'arrêter en les voyant tous se déchirer aussi cruellement. Personne ne la voyait si malheureuse, ils étaient trop occupés à chercher un responsable, autre qu'eux-mêmes.

Le soleil comprit ce jour-là, que la maison était devenue un prolongement du vase, et qu'à présent, la rose tournoyait dans cette dernière au gré du vent. Il tenta de la faire s'arrêter de pleurer, mais il était trop tard:

"Oh, soleil, je suis si seule. Ils ont tous fui depuis que mon vase s'est agrandi" pleura la rose.

Le soleil appela la lune un peu plus tôt ce soir-là, donnant aux nuages une mission importante ; dire à la lune de consoler la rose.

Mais lorsqu'elle apparut sous le drap couleur corbeau, elle constata que la maison était recouverte d'eau jusqu'à la cheminée.

"Oh, lune, je suis si seule. Ils ont tous fui depuis que mon vase s'est agrandi" pleura la rose.

Formant un lac, l'ancienne maison de la rose ne pouvait même plus être distinguée. Alors, elle décida de souffler un peu sur le point d'eau pour essayer de faire baisser le niveau et redonner à la fleur sa demeure si précieuse. En vain.

Chargeant les nuages d'expliquer au soleil sa tâche à faire lorsqu'il sera levé, elle céda sa place à un bleu lumineux.

Quelle fût la surprise du soleil lorsqu'il découvrit une mer douce recouvrant des terres à perte de vue.

"Oh, soleil, je suis si seule. Ils ont tous fui depuis que mon vase s'est agrandi" pleura la rose.

L'astre fit de son mieux pour réchauffer la plaine en espérant que les nuages récupèreraient cette eau pour rendre son vase à la rose. En vain.

Les jours passèrent sans que les deux gardiens du ciel ne puissent empêcher la rose de pleurer. L'eau menaçait de déborder du monde, tant la petite fleur blanche avait le coeur brisé.

Un jour, un brave matelot vogua sur les vagues et s'échoua sur la dernière montagne qui n'était pas encore noyée. Un loin, il vit une tache blanche sur la surface, il se précipita vers elle. C'est alors qu'il rencontra la rose aux pétales bien abîmés.

"Qui es-tu?" lui demanda-t-il en l'amarrant sur la pointe de la montagne.

"Qui je suis? Je ne le sais. Mais qui j'étais, oh ! ça, je le sais" avoua la fleur aux larmes qui s'immobilisaient.

Elle lui raconta la vieille bâtisse qu'était sa maison, les gens qui l'y habitaient, son vase traversé par les jolis rayons du soleil, l'éclat de la lune sur la surface de son eau, puis la tragique disparition de tout ça. Le matelot la serra dans ses bras, lui expliquant que sa maison n'avait pas disparu, que son vase brillait toujours quelque part sous les rayons du soleil et que les personnes qu'elle connaissait ne sont pas parties.

"Ils sont là" expliqués le matelot en mettant une main sur son coeur. "Ils existent dans le souvenir que tu as d'eux. Tu n'es jamais seule jolie rose, tu es accompagnée de tous ceux qui t'ont connue. Cesse de pleurer, je te donne mon radeau comme maison. Je te donne ma gourde comme vase. Je serai l'habitant de ton monde si tel est ton désir."

A ces mots, la rose fût tellement heureuse d'avoir trouvé un ami, qu'elle s'ouvrit. Etalant ses jolis pétales en un éventail printanier, elle reçut les rayons du soleil sur son coeur pour la première fois. Cette chaleur, si vive, si réconfortante, su consoler ce chagrin qu'elle pensait éternel.

La rose et les épines.Where stories live. Discover now