Chapitre 28

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Un hurlement déchira l'air. À mes côtés, John, un homme d'une trentaine d'années assez imposant, tressaillit de nouveau en voyant Fry se tordre sur le lit, de grosses veines noires parcourant son corps. Le garçon se débattait avec le virus qui le rongeait depuis déjà presque vingt-quatre heures. Ses yeux d'un noir brillant que nous croisions parfois étaient pleins d'une colère sourde et d'une douleur éclatante.

Autour du lit, dans une atmosphère de fatigue et de tension, gravitaient plusieurs personnes : les "gros-bras", tels que John, présents au cas où la situation déraperait, Vince qui voulait absolument assister au projet afin d'en vérifier la dangerosité et moi, la scientifique en charge de l'opération.

Pour l'instant, il n'y avait rien à signaler. Le garçon réagissait comme tous les sujets précédemment testés dans les locaux de WICKED. Il n'était plus conscient de ses actions depuis presque une heure, ce qui signifiait que c'était le moment de lui injecter le vaccin.

Il se détendit au moment où je retirais l'aiguille de sa peau. Nous pouvions observer à l'œil nu la disparition progressive des veines jusqu'à un certain point. Le garçon était endormi et nous décidâmes de le laisser accroché par précaution. Personne ne voulut le lâcher du regard, sauf moi qui repris mes occupations au niveau du laboratoire.

Après plusieurs heures, le soleil commençait à décliner à l'horizon, et il se réveilla avec les muscles douloureux et un puissant mal de crâne, mais l'air totalement rétabli. Je lui injectai une nouvelle dose de vaccin afin de pallier à tout problème éventuel et lui permis de partir quelquestemps après, quand il se sentit mieux.

Tous les deux jours ou presque, des gens se succédaient sur ce lit. Les opérations étaient plus ou moins douloureuses, plus ou moins efficaces. Certains durent rester en observation pendant plus d'une nuit tellement l'intervention avait été physiquement rude. D'autres voulurent rester à cause de la réapparition de souvenirs traumatiques. Plusieurs d'entre eux firent des cauchemars pendant de nombreuses semaines.

Mais, il y avait aussi les bons côtés. La plupart chérissait ces réminiscences et certains décidèrent même de reprendre leur nom d'avant WICKED.

Cela révéla aussi des liens entre différentes personnes. Sonya se rappela ainsi que Newt était son frère. Les deux décidèrent de garder leurs noms actuels, considérant qu'ils se les étaient appropriés au cours des années et qu'ils décrivaient parfaitement les personnes qu'ils étaient devenus. Ils n'étaient plus les petits enfants terrifiés d'avant WICKED ni les adolescents maltraités. Ils s'étaient battus et avaient gagné.

Dans notre petit groupe, les seuls à toujours être amnésiques étaient Minho, Harriet et Aris. Aucun des trois ne voulaient ne serait-ce qu'envisager de retrouver la mémoire. Le blond m'avait même avoué vouloir supprimer de son esprit les événements précédant notre arrivée au refuge.

Je le comprenais. Ces souvenirs étaient lourds à porter. D'un autre côté, je regrettais égoïstement qu'il ne retrouve pas ses connaissances d'avant le Labyrinthe, car elle auraient pu nous être utiles.

Sous le regard attentif de mes amis, je prenais de plus en plus soin de moi. Je mangeais chaque repas et dormais toutes les deux nuits, entre chaque intervention.

Je n'avais pas refait une seule rechute. Je prenais consciencieusement ma dose de sérum mais j'en avais de plus en plus souvent besoin et je sentais que le monstre attendait le meilleur moment pour surgir. Je ne le laisserais pas faire. Il ne se montrerait plus jamais.

J'arrivais même parfois à l'oublier, à seulement profiter du moment présent en compagnie de mes amis. Selon eux, je souriais de plus en plus souvent, d'un vrai sourire. Je ne m'en rendait pas vraiment compte. Je savais juste que je me sentais de plus en plus légère.

Andrew avait tenté de me reparler mais il n'avait même pas pu m'approcher sans se faire arrêter et menacer par une personne du groupe. Je ne me sentais pas encore prête à le confronter. Le souvenir de son départ au moment où j'avais besoin de lui se rappelait toujours à moi.

Par ailleurs, je m'étais rapprochée des gens du groupe, en particulier de la fratrie, Sonya et Newt. J'avais appris leurs hobbies, leurs métiers et leurs centres d'intérêt.

Fry et Harriet étaient très au courant des rumeurs et adoraient nous les partager, bien que la jeune femme ne semblait pas leur accorder beaucoup d'importance. Elle était juste au courant de tout.
Brenda, quant à elle, n'hésitait jamais à donner son avis sur ces dernières, avis souvent virulent.  Elle n'avait pas sa langue dans sa poche et c'était assez drôle.
Minho, contrairement à ce qu'on pouvait penser, adorait les ragots et commentait toujours ces derniers, en particulier ceux sur les possibles couples.
En règle générale, Sonya, Newt et Jorge écoutaient les autres, mais il se pouvait qu'ils agrémentent la discussion par un avis ou une autre anecdote entendue au détour d'une tente. La blonde était la plus tempérée et empêchait les débordements qui pouvaient avoir lieu. Au contraire, le plus âgé d'entre eux riait beaucoup lors de ces discussions quand il y prenait part. Il disait vouloir nous "laisser notre espace de jeunes" mais il donnait toujours des informations qui faisaient réagir Brenda au quart de tour et il s'en amusait beaucoup. Il était en quelque sorte le père ou l'oncle du groupe et il prenait son rôle très à cœur.
Aris, lui, écoutait, mais le sourire dans ses yeux prouvait qu'il appréciait ces moments au moins autant que moi.
Tout comme lui, je ne parlais que très peu, mais je me devais de donner les informations entendues à l'infirmerie quand j'en avais. J'aimais observer les autres, comprendre leur fonctionnement et leurs intérêts.
Dans le groupe, il n'y avait que Thomas et Gally qui semblaient se ficher totalement de ce genre de choses. Thomas paraissait souvent ailleurs, dans un lieu lointain et douloureux duquel Newt essayait de le faire sortir, sans forcément de succès. Il n'était généralement pas très interressé par ces discussions-là. Par contre, Gally ne me trompait plus. Lui qui agissait comme si il se désintéressait totalement de ces discussions avait une étincelle dans ses yeux et, parfois, son visage était animé de micro-réactions, que j'avais appris à décrypter peu à peu, même si certaines m'étaient toujours incompréhensibles.

Ces moments de commérages étaient de précieux instants de bonheur et de calme dans mon quotidien marqué par la fatigue et l'omniprésente douleur sourde qui me rongeait. Malgré cela, je me sentais plus libre que jamais. J'avais l'impression d'être utile grâce à mes projets et j'étais heureuse d'avoir pu aider certaines personnes.

Je n'étais malgré tout pas aimée de tous. Mes anciennes actions me valaient les foudres de certains ex-sujets, et les actuelles, celles de gens qui avaient retrouvé des souvenirs traumatisants ou même celles de leur proches.
J'en avais souffert, mais suite à plusieurs discussions avec Newt ou Sonya, j'avais accepté que je n'y pouvais rien : je faisais de mon mieux et c'était l'essentiel.

J'avais un nouveau projet : vacciner tout le camp pour éviter une possible contamination. J'en avais longuement parlé avec Vince et Thomas qui était le premier concerné.

Je faisais toujours des expériences sur mon sang pour voir si celui des vaccinés pouvait aussi servir à la création de vaccin. Je finis par conclure qu'il valaient mieux utiliser celui du brun pour avoir la meilleure efficacité possible.

Vince usa de son influence pour convaincre tous les réfugiés de se vacciner. Cette campagne s'étendit sur de longs mois enfin de respecter les limites de Thomas. Il était hors de question de le sacrifier pour ça. En plus, Newt m'avait menacé de me retirer de mes fonctions si jamais il ne lui arrivait quoi que ce soit. Je doutais qu'il en ait le pouvoir mais j'avais pris la menace au mot.

Quelques personnes avaient été réticentes mais Vince les avaient pris en charge et l'état des vaccinés précédents avaient fini de les convaincre d'accepter.

Environ un an après notre arrivée, tout le monde était vacciné et en bonne santé. Et le 25 juillet 2234, date de l'inauguration du camp, la première Célébration eut lieu, une grande fête en hommage à ceux restés derrière nous et à l'espoir pour notre futur.

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