Chapitre 2

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Cette journée resterait sans doute gravée dans mon esprit comme une des pires de ma vie.

Rien que ce matin, lorsque la sonnerie stridente qui me réveillait tous les jours avait retenti, j'avais cru que ma tête allait exploser. J'avais dormi d'un sommeil si peu réparateur que j'étais encore plus épuisée que la veille. Ma tête et mes muscles me lançaient et mes yeux piquaient.
Je m'étais détestée pour ne pas avoir fait d'effort la veille et de m'être endormie avec mes habits, en particulier avec ma blouse. J'avais passé dix minutes à en chercher une propre et avais dû finir par en prendre une trop petite car toutes les autres étaient sales.
J'avais ensuite choisi au hasard des habits dans ma commode puis avais attrapé les vêtements qui trainaient aux quatre coins de la pièce. Je les avais entassés dans un sac que j'avais abandonné devant ma porte avant d'aller prendre une douche glacée pour tenter de me réveiller et de faire dégonfler mes yeux.
Pour finir, j'étais arrivée en retard et habillée comme l'as de pique. Ma supérieure m'avait donc réprimander pendant un long moment avant de m'accabler de travail. D'un côté, cela m'avait arrangée car, de cette manière, je n'avais pas eu le loisir de penser à la suite des évènements de la journée.

Mais ces derniers m'avaient rattrapée dès le déjeuner, lorsque que j'avais retrouvé les trois autres adolescents à notre table habituelle.

Nous avions mangé, ou pas, dans un silence de mort.
Rachel avait tenté de retenir ses larmes mais elles avaient fini par dévaler ses joues constellées de taches de rousseurs. Aris lui avait alors pris la main et lui avait murmuré des paroles que je n'avais pas entendues.

Mais le pire avait été lorsque nous avions dû nous séparer à la fin de ce repas. La jeune fille s'était accrochée au blond en priant les gardes de la laisser. Elle disait ne pas vouloir mourir, être trop jeune pour tout cela, souhaiter vivre heureuse.
Aris avait fini par pleurer aussi en lui disant que tout irait bien, qu'ils se retrouveraient très vite, qu'ils s'en sortiraient. Tellement de mensonges qui avaient malgré tout achevé de convaincre la brune de suivre les hommes en costumes.
Dès qu'elle avait quitté la salle, son ami était tombé à genoux, secoué de puissants sanglots.

Térésa avait quitté la cantine dès qu'elle avait pu, tentant de ne pas montrer son trouble.
Quant à moi, j'avais essayé de n'être que spectatrice des évènements, de les considérer comme irréels, de fermer mon cœur mais ce dernier s'était douloureusement serré, et je n'étais que bien trop consciente de ce qui se passait.
Je n'avais pas osé réconforter le garçon, trouvant que cela aurait été hypocrite de ma part étant donné que je serais la seule à échapper aux épreuves qui les attendaient.
Et je n'avais aucune idée de ce que je devais dire pour soulager ne serais-ce qu'un peu sa douleur. J'avais donc fui, comme toujours, après m'être forcée à avaler quelques bouchées de carottes râpées, et m'étais dirigée vers la salle d'expérience.

J'étais donc maintenant en train de fixer Thomas qui flottait dans un liquide bleu à quelques mètres, enfermé dans un cylindre de verre. Il avait les yeux fermés et semblait si tranquille, apaisé. Ses cheveux flottaient autour de lui et il respirait paisiblement.

Ava, toujours aussi belle et assurée, rejoignit le groupe de scientifiques qui grouillaient dans la pièce. Sa main ferme agrippa mon épaule à m'en faire mal, comme pour m'empêcher de fuir la scène.
Il était vrai que j'avais quelques fois quitté la salle lors des envois précédents, n'arrivant pas à faire face aux regards trahis de mes amis. Mais aujourd'hui, elle ne me laisserait pas partir.

C'était sans doute aussi dû à l'absence de Térésa.
Pour la première fois en deux ans, la jeune fille n'assistait pas à l'envoi d'un de nos camarades dans le Bloc. Mais elle trouverait sans aucun doute une excuse et échapperait sans problème à une possible punition.

Un homme coupa l'envoi d'oxygène et le garçon ouvrit brusquement les yeux. Il semblait perdu et des bulles d'air quittaient ses narines.
Quand il prit enfin conscience de l'endroit où il se trouvait, le brun commença à frapper sur la paroi qui l'entourait. De grosses bulles sortaient de sa bouche tandis qu'il nous criait des paroles que nous n'entendions pas.

Puis, il croisa mon regard et je vis dans ses yeux tout ce qu'il pouvait ressentir: de la colère, de la peur, de la détermination, de la supplication, de la douleur, de la trahison, de la résignation et bien d'autres...
Et moi, je ne ressentais que de la culpabilité. Si forte que je détournai les yeux pour ne pas le voir sombrer dans un sommeil profond.

***

Il était tard. Les portes du Bloc s'étaient fermées depuis environ deux heures. Je n'avais pas mangé et mon ventre grondait pour montrer son mécontentement. Je fixais les écrans depuis des heures.

J'avais assisté à l'arrivée du brun dans le Bloc, à sa course mémorable, à son incapacité à attacher un hamac malgré l'aide du plus jeune des garçons, à sa curiosité sans limites.

Je le regardais maintenant parler avec un blondinet qui lui nommait les autres garçons du Bloc.
Newt. Ou devrais-je plutôt l'appeler Sujet A5 ? Ou La Colle ?
Ce surnom lui allait si bien quand on y pensait. Sa gentillesse et son humour mettaient tout le monde en confiance immédiatement. Sans lui, le groupe aurait explosé depuis longtemps. Il me manquait tellement.

Mais quand ce dernier pointa le Coréen riant à quelques mètres, mon ventre se contracta, mon corps se mit à trembler et mes yeux à piquer. J'éteignis les ordinateurs avant de sortir de la salle presque en courant.
Pourquoi ça me faisait encore si mal ? Pourquoi je n'arrivais pas à passer à autre chose ? Pourquoi j'étais tellement obsédée par lui alors qu'il n'avait aucun souvenir de moi ?

Je m'endormis une nouvelle fois en pleurant, le ventre aussi vide et douloureux que mon cœur et l'esprit submergé de pensées noires qui tourbillonnaient sous mon crâne.

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