Chapitre 24

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Un mois et trois jours après mon annonce, j'étais enfin prête à commencer mon projet. La préparation avait plus longue que prévue mais j'avais pu compter sur mes amis. Et sur Andrew. Je souris en repensant à toutes les petites attentions qu'ils avaient eu à mon égard au cours de ce temps. Mon réveil sur son épaule lors d'une nuit où je m'étais accordée une petite pause à l'extérieur, sa veste qui m'avait réchauffée lorsque je m'étais assoupie sur ma table d'expérience, tous les petits en-cas déposés dans mon labo quand je n'y étais pas ou que je m'y endormais. Il était vraiment aux petits soins avec moi et c'était très agréable. Il ne me forçait jamais à rien. À ses côtés, je n'avais pas l'impression d'être une enfant ou une incapable.

Je quittais l'infirmerie à l'heure du déjeuner et me dirigeai d'un pas assuré vers Vince. Il m'accueillit d'un lever de sourcil.

« Tout est prêt. Je peux commencer dès cet après-midi. J'ai également une réserve de vaccin pour vacciner ceux qui le souhaiteraient.

— Tu as dormi cette nuit ? »

Sa question me prit par surprise. J'aurais voulu répondre à l'affirmative mais j'avais beau chercher, je ne me souvenais pas m'être reposée ces deux derniers jours. Il soupira en voyant mon air coupable.

« On dirait Mary... Elle ne dormait jamais au début. Il faut vraiment que tu te reposes, Nour.

— Mais... Je peux enfin commencer mon projet !

— Je ne le validerais pas avant que tu n'aies dormi, compris ? Et pas seulement quelques minutes ou une petite heure. Ce soir, dès que le soleil se couche, je veux te voir dans ton lit. Tu n'auras pas mon accord avant ça, c'est clair ?

— Mais...

— C'est clair ? »

Son regard était sans appel. J'acquiesçai à contrecœur avant de rejoindre mon groupe. Je m'affalai à côté de Newt.

« Alors, ça avance ?

— Oui, j'ai enfin tout réglé.

— Génial !

— Sauf que Vince refuse de me laisser continuer avant que je n'ai dormi... J'aurais pu commencer dès cet après-midi !

— Il a raison, t'as vu ta tête ? On t'a pas vu sous la tente depuis une semaine. »

Je lançai un regard froid à Gally. Il ne pouvait pas arrêter de se mêler de mes affaires ?

« Je vais très bien, merci. Et c'est pas parce que tu ne m'y vois pas que je n'y vais pas.

— Regarde-moi droit dans les yeux et ose me dire que tu y as été ces cinq derniers jours. »

Je détournais le regard avec hargne et il prit immédiatement un air supérieur. Une colère sourde monta en moi.

« Ça te fait rire ?

— Te voir énervée parce que tu sais que j'ai raison ? Un peu.

— T'es vraiment un connard, Gally.

— Je te demande pardon ?

— Excuses acceptées. »

À mon tour d'arborer un sourire hypocrite. Nous nous fixâmes, regard contre regard, pendant de longues secondes avant qu'il ne se lève.

« T'es insupportable. »

Et c'est lui qui disait ça ? Il était toujours derrière moi, à critiquer ma façon de vivre !

J'avalai mon repas rageusement et allai partir quand une main m'attrapa le bras. Je tournai la tête vers Sonya.

« Harriet, Brenda et moi, on a notre après-midi de libre. Ça te dit de rester un peu avec nous ? Entre filles.

— Oh... Je... L'infirmerie, personne n'y sera si je n'y suis pas... Si il y a des blessés...

— S'il y a des blessés, ils se débrouilleront très bien sans toi Nour. Certains ont survécu dans les montagnes plusieurs années sans docteurs. Ne t'inquiètes pas. Et avant que tu évoques ton labo, tu viens de nous dire que t'as fini tes recherches, donc tu peux bien t'amuser un peu ! Alors, ça te dit ? »

Je réfléchis quelques instants. Je ne les connaissais pas. Ça faisait si longtemps que je n'avais pas discuté avec des gens pour le plaisir. Et si elles me trouvaient ennuyante ? Et si je faisais quelque chose de mal ? Et si elles ne voulais plus me voir après ça ? Et si elles aussi finissait par se dire que j'étais insupportable ? Ma respiration se fit plus rapide. Des voix doucereuses résonnaient dans ma tête, m'insultant et détruisant ma confiance en moi. Je ne pouvais plus penser. Tout s'emmêlait dans ma tête. Les yeux de la blonde attendaient une réponse. Qu'est-ce que je devais faire ? Qu'est-ce que je devais dire ? La peur prit le dessus et je me décrochai de sa prise avant de reculer en marmonnant des excuses et partis rapidement en direction de l'infirmerie.

Dans cette dernière, je me recroquevillai dans un coin et laissai mes larmes couler silencieusement. J'avais fait n'importe quoi. J'aurais dû y aller. J'aurais pu m'amuser. J'aurais pu être enfin de nouveau normale. Pourquoi étais-je si bête ? Les larmes ne s'arrêtaient pas. J'étais si fatiguée. J'aurais voulu dormir des années.

Un craquement me fit relever les yeux vers l'entrée où je vis une ombre passer sans s'arrêter. Ça ne devait pas être pour moi. Je reniflai peu élégamment et essuyai grossièrement mes larmes du dos de la main.

« Coucou ! Ça va ? »

Le garçon brun qui rendait mes journées moins éprouvantes me souriait depuis le palier. Immédiatement, mes pleurs reprirent. Décontenancé, il sembla hésiter avant d'entrer et de s'avancer lentement vers moi. Il passa maladroitement un bras autour de mes épaules. J'enfonçai mon visage dans son épaule, évacuant toute ma frustration et mon mal-être.

Un raclement de gorge me fit sursauter et le brun se tendit brusquement. Je lançai un regard au nouvel arrivant. Gally s'avançait dans l'édifice, le visage fermé.

« Qu'est-ce que tu fous là ?

— Je ne crois pas t'avoir adressé la parole, André. Tu peux pas t'empêcher de te mêler de ce qui te regarde pas à ce que je vois.

— Je m'appelle Andrew, connard, siffla le garçon entre ses dents.

— Qu'est-ce que tu fais là, Gally ? »

Pour toute réponse, le blond prit une mallette de secours et commença à fouiller à l'intérieur. Je l'écartai sans ménagement. J'allais lui hurler dessus quand je vis sa main. Une entaille saignait du bas de la paume à son index, assez profonde pour qu'il faille la soigner mais pas suffisamment pour qu'il y ait besoin de points.

Mes instincts de médecin prirent le dessus et j'entrepris de désinfecter et bander sa blessure, le tout dans le silence uniquement brisé par les mouvements énervés d'Andrew. Une fois terminée, le blond me fit un petit signe de tête avant de partir sans plus s'attarder.

Dès qu'il fut hors de vue, le brun se tourna vers moi et commença à me blâmer pour l'avoir soigné, ce à quoi je rétorquai que c'était mon travail et que je devais m'occuper de tous sans distinction, malgré mes différents avec mes patients. Mais le garçon refusait de m'écouter et fini par partir après m'avoir violemment reproché d'aider des gens qui ne m'appréciaient pas à ma juste valeur. Je me retrouvais à nouveau seule, au milieu d'une infirmerie mal rangée, des larmes traçant des sillons sur mes joues et le cœur en miettes.

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