Chapitre 33

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Valéryan 


Filia est la petite sœur d'Avia. Le climat est le même est les paysages se ressemblent, à peu de choses près. Mon père m'y a amené deux fois à peine, jugeant qu'il était bien que je rencontre le grand intendant afin de me familiariser avec lui. La première fois, je n'étais qu'un adolescent. J'avais été surpris par le luxe omniprésent et les regards indifférents des citoyens de ce royaume. Tout ici n'est qu'opulence et même la présence du roi n'éveille pas la foule ; peut-être que les habitants de Pax sont même plus riches que moi. Ce sont pour la plupart des marchands fortunés où des fils d'hommes influents. Ils ont quitté le royaume principal à la suite de leur Sélection pour échapper à la routine banale d'un royaume où les pauvres côtoient les riches. Leurs dépendantes pourraient s'en réjouir si elles n'étaient pas obligées d'être sans arrêt tirées à quatre épingles pour faire la conversation à des personnes sans intérêts qui se fichent par mal de savoir quel temps il fera demain.

Pour autant, Filia n'a pas toujours été ainsi. Ce royaume représentait la paix avant l'opulence, il était cette utopie rêvée que chaque homme tendait à rejoindre. C'est cet engouement qui a fatalement fait augmenter le prix des terres, rendant l'accès au royaume quasiment impossible pour l'homme moyen. Ainsi, l'utopie est devenue le luxe et les pauvres sont restés à Avia en maudissant ceux qui réussissent de l'avoir fait avant eux.

Les sabots de mon cheval martèlent les pavés de Pax, faisant sursauter quelques passants qui n'ont que rarement l'habitude de voir un cheval. Il faut dire que Filia est un petit royaume —si ce n'est le plus petit— et la capitale ne s'étend que sur quelques kilomètres. La plupart des citoyens n'ont pas de cheval —ou le réserve à leurs domestiques qui s'occupent des corvées tel que la chasse, la cueillette ou encore les courses quotidiennes.

Je souris en laissant sur ma droite une librairie dont les montants de la porte semblent en or, me remémorant la passion de Camille pour la lecture. Le livre que je lui ai acheté est resté à Pariendi, ce qui n'est finalement pas plus mal. Je doute de trouver un ouvrage de ce style dans les rues de Pax ; parler de sexe doit même être interdit au vu des airs pincés des couples que je croise. Quelques rues plus tard, j'aperçois enfin la citadelle et ses grandes tours qui m'avaient impressionné la première fois. Un clocher domine l'une d'entre elles tandis qu'une statue d'un cheval qui cabre orne la seconde.

La citadelle est l'endroit où toutes les décisions d'ordre financières concernant les royaumes sont prises. Le roi n'est pas seul décisionnaire et doit constamment s'en remettre au grand intendant, choisi lui-même par le monarque en place et ses plus fidèles conseilleurs. L'homme désigné devient alors officiellement le gardien de l'or des royaumes et ne quitte jamais la citadelle, recevant plusieurs fois par an les représentants pour échanger au sujet des finances. Croire que le grand intendant est prisonnier de la citadelle serait une erreur que seuls les ignorants peuvent commettre, car à elle-seule, la citadelle fait la taille de Pax. Les jardins sont immenses et arborés, ils courent jusqu'à l'étang de Pax que quelques idiots essaient de traverser à la nage pour voler un peu d'or. Personne n'a jamais réussi, mais certains de ces fous se sont noyés et leur corps n'a jamais été repêché. Depuis lors, une légende ridicule raconte que leur âme veille sur l'étang et entraine au fond de l'eau quiconque aurait la bêtise de s'approcher un peu trop près de la citadelle. Pour être tout à fait honnête, je m'y suis déjà baigné et aucune créature squelettique n'est venue m'attraper par les pieds.

Arrivé au niveau de l'immense portail qui garde la citadelle, je ralentis et ôte ma capuche en saluant d'un signe de tête les deux gardes qui me détaillent avec froideur. Je coupe ma respiration, inquiet qu'ils puissent être au courant de la tuerie d'Avia et de l'incident de l'Institut, mais ils se détendent immédiatement quand ils me reconnaissent et m'ouvrent les grilles pour me laisser passer.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Where stories live. Discover now