Chapitre 32

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Valéryan


    Je profite du calme pour jouir du silence, assis sur une caisse en bois rendue humide par les embruns. Je me laisse bercer par les vagues, l'esprit en proie à toutes mes insécurités.

    Nous sommes arrivés au port secondaire de l'est sans encombre, heureux d'emprunter un voilier somme toute convenable que ses marins nous ont cédé sans la moindre réticence. Comment pourraient-ils dire non au roi ?

    Le capitaine nous a proposé sa compagnie. Quand nous avons refusé, sa mine s'est faite basse. Il avait l'air d'un homme bien, de ceux qui ne sont fidèles qu'à leur passion —celle de la mer, sans doute. Quentin a pris le commandement du navire, utilisant ses faibles mais suffisantes connaissances en matière de navigation pour assurer notre arrivée à bon port. Et si j'étais inquiet de le voir manier la barre, je dois admettre qu'il se débrouille avec une habilité que je ne lui connaissais pas.

    Dans un coin du navire, je me suis isolé. A l'image d'un ami peu discret, j'écoute la conversation de Rydstorm et Meredith d'une oreille peu attentive. Cette même oreille qui, devenant plus intéressée par leur échange, s'émeut de leurs retrouvailles.

— Je ne pensais pas que je te reverrais dans ces conditions, avoue le barbare, la voix chargée d'émotion.

— Honnêtement... souffle Meredith tout en regardant les vagues de la mer de Pectus s'échouer sur la coque de notre navire, je ne pensais pas te revoir un jour.

— Emilien m'avait juré que tu étais bien traitée et que... qu'il avait agi pour ta propre sécurité.

— Il avait promis à Raden de rendre la liberté à mon peuple ainsi qu'à celui d'Ursa.

    Rydstorm jette un coup d'œil à sa droite où je les écoute en silence, nullement choqué par les mensonges éhontés de mon père.

— Le roi est mort, annonce Rydstorm, provoquant le sourire sincère de son amie d'enfance.

—Je savais que son fils était sur le trône, mais j'ignorais qu'il était mort.

— Camille s'en est donnée à cœur joie, j'annonce en m'approchant finalement d'eux, m'incluant dans leur conversation.

    Meredith me détaille de la tête aux pieds, passant plus de temps que nécessaire au niveau de ma tête où ne siège aucune couronne. Je ressemble à mon père, c'est une certitude. Tous ces souvenirs cumulés aux traits de mon visage ne doivent pas l'aider à me rendre agréable à ses yeux, mais j'espère qu'elle arrivera d'une façon ou d'une autre à faire la part des choses. Mon nom et mon titre ne définissent pas qui je suis.

— Qui aurait cru que l'héritier se range du côté des rebelles ?

— Pas même moi, je m'amuse, me rappelant avec amertume la douleur de la journée où Camille m'a trahi.

— Qui est-elle ? s'enquit Meredith, et je n'ai aucun mal à savoir de qui elle parle.

    Camille est restée en retrait avec Arlette sur la proue du voilier. Elles s'amusent à se faire éclabousser à chaque fois qu'une vague fait preuve d'un peu plus d'intensité que les autres. C'est aussi un moyen pour Arlette de ne pas rester seule tout en limitant les efforts physiques —sa fatigue a atteint son paroxysme et personne ne l'ignore. Ainsi, nous nous relayons pour lui tenir compagnie tout en lui laissant l'espace dont elle a besoin.

— C'est une rebelle ? insiste Meredith.

    Je secoue la tête à la négative. Si Camille a tout d'une rebelle aujourd'hui, elle n'en reste pas moins une martyre.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Where stories live. Discover now