Chapitre 30

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Camille


    Il y a deux avantages principaux à notre situation que Quentin passe son temps à qualifier de « merdique ». Le premier est que nous nous trouvons à quelques kilomètres à peine de l'Institut, en plus d'être à l'Est —ce qui nous permettra d'embarquer pour Filia aussitôt que Meredith nous aura rejoint. Le second, et pas des moindres, est que personne n'a la capacité de lire les pensées de Valéryan depuis la mise en lumière de certaines de ses facultés. Ainsi, nous avons pu rejoindre le camp après notre petite baignade sans risquer la moindre réflexion avérée. Quentin a bien essayé de prêcher le faux pour savoir le vrai, mais il est bien loin de savoir que le faux qu'il prêchait était le vrai. Nous n'avons rien dit, gardant ce secret pour nous. L'intimité est bien trop rare de nos jours pour nous en priver. Nous avons ainsi laissé nos amis dans le doute, sachant pertinemment que notre éventuel rapprochement ne resterait pas secret bien longtemps. Les rougeurs sur mes joues et mes regards insistants sur l'objet de mon désir me trahissent constamment. Quentin s'amuse à me faire un clin d'œil quand il me surprend tandis que Rydstorm se montre grossier. Ils pourraient prendre exemple sur la discrétion de Nicolas, mais je ne suis pas assez naïve pour croire que cela puisse un jour se produire. A l'inverse, Nicolas devient beaucoup plus libéré. Je ne serais pas étonnée qu'il commence à me faire des réflexions déplacées en rigolant comme le dernier des idiots —à l'instar des deux autres grands dadais.

    En route depuis presque une heure, mes bras sont moites autour de la taille de Valéryan. Loin de m'en plaindre, je profite de cette proximité que je n'ai pas besoin de justifier. C'est Rydstorm qui a hérité d'Arlette après avoir perdu un pari stupide sur celui qui urinerait le plus loin. Quentin et Nicolas n'ont pas caché leur joie d'avoir leur propre cheval même si je ne sais pas en quoi c'est utile vu qu'ils passent leur temps à se chamailler.

    Je souris quand Quentin s'approche du cheval de Nicolas pour donner une tape sur la cuisse de son ami qui ne l'est plus vraiment. L'agressé souffle et peste, reprochant à son agresseur de ne savoir garder ses mains dans les poches.

— Ton cheval va trop lentement ! se justifie Quentin, le sourire emplissant son visage.

— Depuis quand un cheval accélère quand on frappe son cavalier ?

    Quentin fait la moue, s'approche à nouveau et donne une seconde tape sur la cuisse de Nicolas qui s'éloigne immédiatement en lui lançant un regard noir.

— Les Dieux t'ont fait venir sur terre pour me pourrir l'existence ?

    Nicolas continue d'avancer alors que son complice ralentit, mettant de la distance entre eux. Je connais maintenant suffisamment Quentin pour savoir qu'il est vexé —ce qui n'arrive pas souvent. En fin de compte, cela n'arrive que quand le reproche provient de Nicolas. Ses bouderies ne sont pas toujours justifiées, mais sa sensibilité est accrue quand il s'agit de la relation un peu spéciale qu'il entretient avec le communicant.

    Je regarde ce ballet sans pouvoir m'empêcher de sourire, surtout quand Nicolas ralentit à son tour pour finalement se retrouver au niveau de Quentin. Il lui offre une grimace qui vaut sourire avant de lui asséner une claque sur la cuisse qui fait sursauter leurs deux chevaux. L'agresseur agressé souffle, surpris, puis attrape la main de Nicolas avant qu'il puisse la retirer. Valéryan les contourne en soupirant, faisant comme si de rien n'était. Seuls mes yeux sont témoins de leurs mains qui s'entremêlent, de ce pardon qui se passe de mots tant l'amour suffit à soigner les maux.

    Perdue dans le rêve d'une vie aussi moelleuse que ma poitrine, je ne comprends pas pourquoi notre cheval ralentit. Je me penche lentement vers la droite afin d'apercevoir autre chose que le dos de Valéryan, et regrette immédiatement ce que je vois.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Where stories live. Discover now