Chapitre 3

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Camille


    Le soleil réchauffe ma peau, faisant rougir mes joues peu habituées à une réverbération aussi importante en cet hiver. L'eau y joue un grand rôle et je suis la première surprise de supporter si bien le trajet en bateau alors que c'est la première fois que je me prête à ce genre d'expérience.

    Nous avons embarqué ce matin même, après une nuit sans sommeil similaire aux précédentes. Deux hommes habillés de fourrure nous attendaient, le visage fermé. Ils nous ont sommés de monter dans l'embarcation trop grande pour notre petit groupe et ont gardé le silence tout du long, n'ouvrant la bouche que pour parler entre eux et échanger des ordres techniques sur la conduite à tenir pour arriver à bon port.

    Ces hommes ne ressemblent pas aux citoyens d'Avia. Ils ont les cheveux longs, de la barbe et des dessins sur leur corps qui a une teinte bizarrement plus foncée que la mienne. Leur coiffure hirsute a le mérite de correspondre à leur caractère de sauvageon et je suis bien contente d'être contrainte au silence, n'ayant pas particulièrement envie de leur faire la conversation.

    Cela fait quelques heures que nous naviguons sur ces eaux calmes sans voir la côte. Je me suis isolée à l'avant du bateau pour jouir de la vue de la proue qui fend les eaux avec une aisance qui m'hypnotise. C'est comme si le navire lui-même savait où il allait, qu'il avait cette liberté que je jalouse de pouvoir choisir sa destination sans être privé de son libre arbitre.

    Il avance en laissant derrière lui des vagues et son écume blanche, là où je ne suis capable de laisser derrière moi que des cadavres.

    Le Roi n'était que le premier d'une longue série.

    Je les tuerai tous.

    Ils paieront.

    Je les toucherai tout comme ils l'ont fait avec tant de femmes quand ils n'avaient pas l'autorisation, et ils mourront de ma main.

    Un jour je serai libre et je me rendrai au Réseau, je confronterai chacun des champions et leur prouverai que les femmes sont libres, indépendantes, et que leur force n'a d'égale que leur détermination.

    Je les tuerai tous.

    Au nom des femmes.

— J'espère que sauter par-dessus bord n'est pas une idée que vous envisagez, Camille ?

    Perdue dans mes pensées, je sursaute quand la voix de Nicolas me parvient. A quelques mètres sur ma gauche, accoudée à la fragile rambarde en bois de notre embarcation, le communicant m'observe, un sourire forcé dessiné sur son visage.

— A moins que vous ne réfléchissiez à un moyen de nous y jeter ?

— Pas vous.

    Le mensonge est quelque chose que je refuse, je le reproche bien assez aux autres pour m'y enfoncer à mon tour.

    Nicolas a l'avantage de ne pas s'y conformer et je vois en lui le seul allié que je n'aurai jamais dans cette aventure loufoque. Si tant est qu'il en est réellement un, je sais ce monde bien trop fou pour me fier à mon intuition bancale.

— Valéryan ne mérite pas une mort aussi brutale.

— Il souhaite la mienne.

— Sans doute plus que tout au monde.

    Je ne devrais pas me vexer, mais un endroit au milieu de ma poitrine se serre à chaque fois que Nicolas fait référence à la haine que me voue le roi récemment sacré.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu