Chapitre 15

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— Que toutes les putains d'Avia deviennent des vierges si mon ventre reste vide une minute de plus !

Quentin s'étire et saute de son cheval, accompagné par le rire de Rydstorm et la mine déconfite de Nicolas. Le moment est certainement mal choisi pour se plaindre de la faim, mais Quentin n'en a que faire. Son estomac a toujours été un problème bien plus important que la menace de mort imminente. Je suis persuadé qu'il préférerait se faire empaler le ventre plein. A bien y réfléchir, moi aussi.

Doucement, le peuple se relève. Certains s'esclaffent à la réflexion de mon ami, d'autres me lancent des œillades peu amicales. Si Quentin a faim, j'espère toutefois ne pas devenir le repas.

— Pardonne mon ami, zevan, se justifie Rydstorm, nous n'avons pas mangé depuis presque une journée complète. Nos chevaux se fatiguent, nos esprits aussi.

— Nous avons du chevreuil, le meilleur des sept royaumes ! s'exclame un homme à droite du vieillard, s'adressant à Quentin.

— Grands Dieux, du chevreuil ! Je me disais aussi que nous n'en avons pas vu beaucoup sur le trajet. Tu m'étonnes, avec des lances aussi aiguisées, vous ne pouvez qu'être bons chasseurs !

L'homme gonfle le torse et sourit de toutes ses dents, fier du compliment sincère qu'il vient de recevoir. Il se dirige vers Quentin et lui donne une franche accolade, après être passé devant moi en crachant au pied de mes bottes.

Si la capacité de Quentin à se faire des amis m'a toujours impressionnée, je dois dire que je suis pour le moins vexé de la différence d'accueil qui nous est réservée.

— Nous avons de la gigue, certains préfèrent les noisettes mais quand tu vas goûter ça, tu voudras plus jamais repartir.

— Il le faudra pourtant ! rétorque Quentin, répondant à son accolade par une tape dans le dos. Mais une chose est sûre, je repartirai le ventre plein.

Mon ventre crie famine, rêvant de toutes ces bonnes choses promises. Inutile de me leurrer, tandis que Quentin se régalera, je n'aurai que les os à ronger.

Raden n'a encore prononcé aucune sentence.

— Prenez leurs chevaux, ordonne-t-il calmement.

Six hommes se dirigent vers nous et nous délestent de nos montures sans que nous puissions aller à l'encontre. L'un deux s'arrête quand il découvre Arlette perchée sur son cheval, et l'aide finalement à descendre. La surprise se lit sur le visage de Raden, peut-être ne s'attendait-il pas qu'une femme aussi âgée nous accompagne durant notre périple. Il la détaille des pieds à la tête, entrouvrant ses yeux défaillants, puis reprend :

— Amenez la dame dans les quartiers au Sud, qu'elle se repose.

Arlette ne dit mot. La fatigue a eu raison de ses questionnements. Son regard croise le mien, je n'y lis aucune angoisse, juste un soulagement féroce d'avoir le loisir de jouir d'un lit et de quelque chose à se mettre sous la dent.

— Pour les trois autres, qu'ils aillent sur la paillasse. L'aube décidera de leur sort.

J'attrape le bras de Camille, inquiet du nombre qui vient d'être donné. Car si Arlette vient de nous quitter, nous sommes cinq, et non trois. Hors de question de nous séparer, quelqu'en soit la raison. Et si je sais Quentin capable de se défendre en toute circonstance et Arlette bien trop ancienne pour qu'ils s'en prennent à elle, je ne laisserai en aucun cas Camille aux mains d'hommes armés jusqu'aux dents.

Raden balaie toutes mes inquiétudes en souriant à Rydstorm qui s'échappe déjà avec Quentin et un groupe d'hommes vers Lacina.

Il ne reste alors que Nicolas, Camille et moi, face au peuple éparpillé qui rejoint son foyer, tandis qu'une simple paillasse nous est promise.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Where stories live. Discover now