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Je réalise qu’elle me tient la main, Eden ouvre un portillon vert foncé. Nous voilà dans un petit jardin orné de palmiers, typique de la région. Derrière, une

maison toute blanche au toit en tuiles orange. Trois marches conduisent à la porte d’entrée, blanche elle aussi, qu’elle ouvre après avoir sorti un trousseau de clés de son sac a main.
« Entrez ! » fait-elle en me désignant l’intérieur. J’hésite un peu. Ma vie est un bordel sans nom ; je ne voudrais pas mettre le bazar dans la sienne.
« Allez-y, n’ayez pas peur, je ne vais pas vous agresser. Puis dans 90% des cas c’est les hommes les agresseurs» plaisante- elle. Pour le coup, je me sens rougir. Ou pâlir, je ne sais pas bien. En tout cas, je bafouille.
« Oh, mais… C’est pas… Je veux dire… Enfin, non, je n’ai pas peur. Je… Je ne veux juste pas déranger votre famille. »
Eden a un drôle de sourire qui creuse une fossette dans sa joue gauche. « Je vis seul ; vous ne risquez pas de déranger grand monde ! Mais bonne technique pour savoir si je suis célibataire. Elle a un éclat de rire léger. Qui me fait du
bien.
— Dans ce cas… » Dès que la porte se referme derrière moi, je me sens happée par la chaleur douillette du salon dans lequel je viens d’entrer. La fatigue me
ferait presque tituber ; il faut vraiment que je prenne sur moi pour rester droit. Mais Eden est décidément extrêmement attentive. Sa main dans la mienne ,
elle me conduit jusqu’au canapé. M’aide à enlever ma veste et mes chaussures. Et m’allonge sur les coussins. Les yeux fermés, je me laisse aller à la douceur de ce qui se passe. Je ne veux pas me poser de questions. Je ne veux pas chercher à comprendre pourquoi une parfaite inconnue a décidé de s’occuper de moi. Je veux juste profiter de l’instant et me laisser aller. Ne pas me préoccuper de
prendre des décisions. Encore moins penser à…
« Qu’est-ce qui vous tente : un café ? un thé ? une infusion de menthe ou de thym ?
— Je veux bien une infusion de thym, dis-je sans ouvrir les yeux.
— Excellent choix ! Avec du miel ? — S’il vous plaît. » J’entends les pas de Eden s’éloigner. De l’eau couler. Et puis plus rien. Quand l’odeur du thym vient chatouiller mes narines, j’esquisse un sourire. Théière en fonte noir , menthe fraîche et thym du jardin. Comme avec… comment est-ce possible. Exactement comme avec Lise. Et je me sens comme à la maison avec elle . Mon âme est
enfin chez elle. Étrange sensation.

De l’affolement plein la gorge, je m’assieds en sursaut. « Du calme, voyons. Vous vous êtes juste endormie une petite heure. Vous deviez être épuisée. » Des yeux bleus, un sourire rassurant, une voix douce… Je me souviens : c’est l’ange qui m’a empêchée juste à temps de faire le grand saut, une connerie comme elle l’a si bien dit, et m’a ramenée chez elle. Eden. Je me laisse aller contre le dossier du canapé et me frotte le visage. J’y sens toujours des traces de sel. Puis, les coudes sur les genoux, j’enfonce mes doigts dans mes cheveux enfin ce qu’il en reste j’ai commencé a les perdre tôt hélas. Ça me détend un peu. Les yeux fermés, j’entends que Eden s’active. L’odeur du thym devient plus forte. Un léger bruit m’indique qu’elle vient de poser quelque chose sur la table basse devant moi. Ensuite, elle s’assied sur le canapé. Je sens ses mains se poser sur mes deltoïdes et me masser doucement en direction des cervicales.
Avec un soupir de gratitude, je lâche ma tête, que je laisse tomber, et me tourne légèrement pour m’offrir à ces mains secourantes. « Détendez-vous, fait- elle vous êtes un vrai sac de nœuds. » Effectivement, je sens des boules dures rouler sous ses doigts. Au fur et à mesure qu’elle les fait disparaître, je suis un peu gêner c’est la première fois qu’une femme me touche . Ça fait mal… et
tellement de bien en même temps ! Enfin, ses doigts glissent le long de mon dos, de mes cervicales à mon bassin, avant de s’éloigner. « Merci, dis-je en relevant la tête. Vous êtes masseuse  ?
— Pas du tout ! J’ai appris à masser avec mon Ex copain il avais des techniques très relaxante. Après, j’ai continué. J’adore sentir les nœuds se défaire, les muscles se détendre, la peau se réchauffer… D’ailleurs, en parlant de réchauffer, vous devriez boire votre infusion », conclut-elle en désignant le mug fumant qui se trouve devant moi. Plein de reconnaissance, je m’avance au bord de l’assise, verse une généreuse cuillerée de miel dans le liquide vert clair et entreprends de le mélanger. Eden est assise à côté de moi, silencieuse, et sa présence ne me dérange pas. Mieux : elle m’apaise. Cet femme a quelque chose en plus. Tout naturellement, comme si nous nous connaissions depuis des lustres, je me
rassieds au fond du canapé, les mains autour de mon mug de thym au miel, elle pose sa tête sur mon épaule. Elle ne dit toujours rien et cela me convient. Je sens juste le léger mouvement dû à sa respiration. Calme elle aussi. « Tu devrais boire, dit-elle enfin doucement. Ça va vraiment refroidir. » J’apprécie le
tutoiement. Pourtant, ce n’est pas quelque chose qui me vient naturellement d’habitude. je n’aime pas qu’on me tutoie trop vite, et j’ai du mal a le pratiquer sur les autres. La forces de l’habitude comme on a déjà dit. Mais là,
maintenant, avec elle… Il faut croire que c’est différent. En fait, depuis quelques

jours , tout est différent. Je me redresse et bois quelques gorgées. La douceur du miel et la fraîcheur du thym me font un bien fou et agi sur moi comme une madeleine de proust. J’ai l’impression de me ramollir, de m’enfoncer dans la tiédeur de la maison Je me tourne vers Eden elle se love contre moi. Aussitôt, mes bras s’enroulent autour d’elle. C’est doux et rassurant. Je me sens
tellement bien ici, tellement à ma place que je me laisse complètement aller. Paupières baissées, je sens les larmes qui coulent. Elles roulent sur mes joues. Dévalent mon cou. Comme une eau qui laverait tout sur son passage. Qui ferait de moi quelqu’un de neuf. Ou qui me laisserait complètement desséchée.
Comme le squelette que je ne vais plus tarder à devenir. Eden se tait. Ce sont ses mains, encore une fois, qui m’apaisent en frottant doucement mon bras. Quand je me redresse en reniflant, je me rends compte que ma chemise est trempée. Je bafouille. « Ex… Excuse-moi… » Elle sourit. S’écarte un peu et tend le bras vers le sol avant de me présenter une boîte pleine de mouchoirs en papier. « Tiens ; ça devrait suffire. » Malgré moi, mes lèvres s’étirent en un sourire. Je m’empare de la boîte et entreprends de me redonner figure
humaine. Puis je reprends ma place initiale, le mug en main. Avale à petites gorgées le liquide bienfaisant. Si ça se trouve, c’est la dernière infusion au thym de toute ma vie. Autant en profiter au maximum. Alors, je ferme les yeux. Me concentre. L’odeur du thym. Celle du miel. La chaleur de la tasse dans mes
mains, qui se répand le long de mes doigts, sur mes paumes. Irradie le long de mes bras, jusqu’à mes épaules. Celle du liquide dans ma bouche, dans ma gorge. Qui descend le long de mon œsophage jusqu’à mon estomac. Cette
sensation de bien-être. La gratitude qui m’envahit à l’expérimentation de ce plaisir aussi simple que primordial. Ma respiration ralentit d’elle-même. Cinq secondes d’inspiration, cinq secondes d’expiration. Le rythme de la cohérence cardiaque. Idéal pour réduire le stress. Ça ne peut pas me faire de mal :
question stress, depuis quelques jours, je me pose là. Eden se tait toujours. Je sens qu’elle se lève et l’entends s’éloigner. Les yeux toujours fermés, je continue à boire et à respirer. Quand ma tasse est vide et que je suis arrivée au bout de mes trente respirations, je remarque de nouvelles odeurs qui arrivent jusqu’à moi : Eden est manifestement en train de préparer à manger. Je rouvre les yeux, pose ma tasse sur la table basse et me dirige vers la cuisine.

Et à la fin?حيث تعيش القصص. اكتشف الآن