HEAVENLY

Chapitre 13

Griverfall, Ontario

Dimanche 21 mai

[Lylith]

Une douleur à la tête me tire de mon songe. L'image d'un éléphant qui me marche sur le crâne hante encore mon esprit quand j'ouvre les yeux. Je bats plusieurs fois des paupières.

Le martèlement contre mon front m'arrache un juron et je grogne en roulant hors des draps. J'estime mal la largeur de mon lit et tombe au sol.

Vêtue uniquement d'une culotte, je me relève péniblement. Il me faut plusieurs secondes pour me rappeler qui je suis. Ensuite, une flopée de souvenirs m'assaille : le mariage, la danse, mon état d'ivresse et notre rencontre avec Warren.

De toute évidence, je n'étais pas assez soûle pour oublier tout.

Je saisis un peignoir sur lequel est brodée une énorme tête de hiboux dans le dos. Je me dirige vers la sortie, ouvre la porte et l'odeur de nourriture me monte immédiatement aux narines.

Torse-nu derrière les fourneaux, Icarys prépare des pancakes. Ses prunelles se posent sur moi et nous nous fixons de longues secondes.

Un autre épisode de la veille ressurgit dans ma mémoire : je me suis déshabillée quasi totalement devant lui avant de lui faire des avances.

Oh, non.

Mes joues deviennent brûlantes, mais à mon étonnement, c'est lui qui détourne les yeux le premier. L'ai-je mis mal à l'aise à ce point-là ?

Je m'avance jusqu'au bar, le pas lourd. Je m'assieds ensuite mollement sur l'un des tabourets. Le moindre bruit résonne dans ma tête.

— Ne me laisse plus jamais boire comme ça, dis-je avant même de le saluer.

Il me fixe quelques secondes. Oui, même moi je ne me lève pas toujours de bonne humeur. Cependant, je dois admettre qu'il y a pire comme réveil que de voir un esprit du ciel bâti comme un dieu grec préparer le petit-déjeuner.

Soudain, il me tend un flacon. Je suis tellement ralentie que j'ignore d'où il l'a sorti.

— Tiens, ta mère m'a donné ça avant que nous rentrions, hier.

Je reconnais la potion pour la gueule de bois et me jette dessus. Sans que je ne le lui demande, Icarys me serre un verre d'eau que je m'empresse d'avaler.

— Aaaah.

Je pousse un râle satisfait. Grâce à cette merveille, je sais que ce n'est plus qu'une question de minutes avant que la douleur ne se transforme en gêne avant de totalement disparaître.

En silence, j'observe Icarys. Il se débrouille bien. Je ne lui ai jamais montré comment cuisiner, mais à force de me regarder faire, il a fini par prendre le pli.

Lorsqu'il fait glisser le dernier pancake dans l'assiette, mes iris tombent sur l'anneau qui orne son doigt. Je jette un coup d'œil furtif à ma propre alliance. Mon cœur loupe un battement.

Il sort le pot de confiture, une autre assiette et des couverts. Il prend ensuite place à mes côtés et me sert.

— Tu as très faim ? me demande-t-il.

Je fais la moue, indécise sur mon propre appétit.

— Comme d'habitude, je crois.

Un nouveau mutisme s'empare de nous. Mon crâne me fait moins mal, mais la tension de l'atmosphère me pèse toujours autant.