Chapitre 5

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Griverfall, Ontario

Samedi 29 avril

[Lylith]

Les mains moites, je fais les cent pas dans l'une des antichambres de la mairie. Les deux intendantes de Griverfall travaillent ici. Officiellement, elles sont employées administratives. Une place à l'administration municipale est un atout pour ces intermédiaires de notre communauté.

Avec Icarys, nous avons passé la semaine à éplucher les scans des grimoires de ma mère. Enfin, surtout lui, car avec mon travail et ma méconnaissance des langues anciennes, je n'ai pas été d'une grande utilité.

L'esprit du ciel a tout passé en revue. Deux fois, même. Mais rien.

Ma mère non plus, de son côté, n'a rien trouvé.

— Lylith, s'il te plaît, assieds-toi, lance cette dernière.

À sa droite, ma sœur inspecte ses ongles et Icarys, quant à lui, fixe un point invisible, le front plissé.

Puisque nous sommes le week-end et que nous n'avons aucune solution, nous sommes venus prévenir nos supérieures. J'angoisse terriblement.

Et si on enfermait Icarys dans une cage ? Et si on me reniait ? Par Merlin, pourquoi est-ce que je tente encore de jeter des sorts alors que je sais que je suis nulle et que je provoque toujours des catastrophes ?

— Oui, d'accord.

Je prends place à côté de celui que j'ai invoqué. Il continue de contempler le vide, les bras croisés sur son torse. Le haut à longue manche qu'il porte moule les muscles de ses biceps.

Je dois le fixer trop longtemps, car il tourne légèrement la tête et me lance une œillade en coin. Le bleu de ses iris me pénètre instantanément. Cette teinte me fascinera toujours.

Je détourne les yeux. J'angoisse si fort que je ne sens pas mes dents s'enfoncer dans ma chair. Je prends conscience que je me mordais la lèvre seulement quand un goût métallique se diffuse dans ma bouche.

Le grincement des gonds annonce l'ouverture d'une porte. L'une des intendantes débouche dans l'antichambre et nous invite à entrer dans la pièce d'où elle vient. En silence, nous nous exécutons et elle referme derrière nous.

Dans la salle qui ressemble au bureau d'un noble du dix-huitième siècle, six chaises sont installées en cercle. L'autre intendante occupe l'une d'entre elles. Je croise son regard et elle me sourit, pour me mettre en confiance. Je le lui rends volontiers, comme j'ai l'habitude de le faire.

Nous nous asseyons tous. Pendant plusieurs secondes, aucun de nous ne dit quoi que ce soit. Ce mutisme général augmente mon inquiétude et me donne l'impression que chacun d'eux peut entendre les battements affolés de mon cœur.

— Commençons, dit celle qui était déjà assise.

Elle paraît la plus âgée des deux. Ses cheveux blancs sont attachés avec une grosse pince et les traits de son visage sont avenants. Elle n'est pas intimidante comme son homologue, dont les cheveux noirs attachés de façon stricte et l'expression rigide donnent envie de s'enfuir.

— Oui, présentez-nous ce beau jeune homme à la beauté particulière, lâche la seconde.

Et encore, si elle pouvait sentir l'énergie céleste qu'il dissimule...

Ma mère se racle la gorge et commence :

— Je vous présente Icarys.

Le concerné semble imperturbable. Il ne bouge pas et ne laisse apparaître aucun signe de nervosité.

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