Chapitre 3

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Griverfall, Ontario

Samedi 22 avril

[Icarys]

J'aide la petite enchanteresse à dresser la table pour le dîner. Elle chantonne et virevolte dans la cuisine qui est en réalité la même pièce que le salon. Elle n'a pas de table pour manger, c'est donc sur le bar que je pose les assiettes. Au moins, ces dernières ne sont pas ornées de hiboux. Cette fille fait une fixation sur ces bestioles. Le paillasson, les tasses, les bibelots... Il me semble même avoir aperçu, depuis ma position dans le salon et grâce à l'ouverture du battant, le même motif sur ses draps lorsqu'elle est allée chercher une couverture et un oreiller dans sa chambre.

— Tiens.

Elle me tend les couverts depuis le plan de travail. Elle sourit, une aura joviale l'enveloppe.

Je la connais depuis seulement quelques heures, mais j'ai déjà remarqué qu'elle était pétillante et de bonne humeur. Elle ne perd pratiquement jamais cette esquisse qui habille son visage. Elle est assez perturbante.

Tandis qu'elle touille dans la casserole, je l'observe.

Encore.

Ses cheveux bruns méchés d'un rouge sombre cascadent sur ses épaules. Ils ondulent et se soulèvent au rythme de ses pas, à chaque fois qu'elle bouge. La plume qui décore sa chevelure se fond dans sa masse, si bien qu'on la remarque à peine.

Ses iris verts au centre brun croisent les miens. Depuis le début de l'après-midi, nos regards ne cessent de se rencontrer. Je la lorgne comme un animal exotique.

Elle finit par rompre notre contact visuel pour se pencher sur la nourriture fumante. Ses joues parsemées de taches de rousseur sont légèrement rougies à cause de la vapeur s'échappant des casseroles.

Elle a d'ailleurs troqué son haut contre un top noir qui moule ses formes. Sans m'en rendre compte, mes prunelles glissent sur son décolleté très prononcé. Elle remue la marmite et sa poitrine généreuse suit le mouvement de son corps. Son balancement m'hypnotise.

— Icarys, arrête de fixer mes seins, lâche-t-elle sans me regarder.

Je relève la tête, pris en flagrant délit.

Elle soulève les casseroles et les pose sur les dessous de plat sur le bar.

— Rassure-moi, tu sais que reluquer les seins d'une femme est grossier ?

— Oui.

— Alors, tâche de l'appliquer lorsque nous sortirons demain.

J'ignore comment je le sais. Je me suis incarné avec de nombreuses connaissances. Après tout, lorsque j'étais sous ma forme immatérielle, j'étais omniscient.

D'ailleurs, je sais également pourquoi je suis attiré malgré moi par les courbes de la jeune femme. Je suis désormais un mammifère pourvu de pulsions sexuelles. C'est déplaisant.

De l'agacement.

Si je connais dans la théorie le nom des émotions humaines, j'ignore cependant laquelle produit quelle sensation. Et j'espère ne jamais le savoir. Je compte retrouver ma forme originelle au plus vite.

Lylith s'installe sur l'un des tabourets, face à une assiette. Je l'imite et elle nous sert.

Je saisis ma fourchette et pousse un morceau de légume dans ma bouche. Alors c'est ça, manger ?

La petite enchanteresse me fixe avec son éternel sourire enjoué.

— Quoi ? dis-je, les joues pleines.

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