Chapitre 70

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« Chère Charlotte,

Tu dois te demander qui je suis et pourquoi je t'écris. J'aurais mille fois préféré avoir la chance de te rencontrer et t'annoncer en personne que je suis ta mère biologique mais je ne peux que t'envoyer cette lettre.

Je ne cherche pas à me faire pardonner de t'avoir abandonné parce que c'est impardonnable. Je comprendrais très bien que tu ne lises pas au-delà. Après tout, tu ne me connais pas et je n'ai aucun document à t'envoyer qui prouve que je suis ta mère biologique. Je n'ai que ton prénom, celui que je t'ai donné à ta naissance mais que tu ne porte plus aujourd'hui et que tu ne connais sans doute même plus.

Pendant des années, j'ai imaginé des centaines de fois ce que je te dirais si je te retrouvais et ce que je répondrais à la seule question que tu aurais à me poser : « Pourquoi ? ». Aujourd'hui je vais essayer de répondre à cette question.

J'avais vingt-trois ans quand je suis tombée enceinte. Ce n'était absolument pas prévu. J'étais encore étudiante et ton père m'a quitté quelques mois avant ta naissance. Il m'a dit qu'il ne voulait pas s'occuper de toi et il m'a laissée toute seule. Mes parents étaient décédés dans un accident de voiture quand j'avais dix-neuf ans et je devais travailler la nuit dans un fast-food pour payer mon loyer. Je savais que je n'avais pas les moyens de m'occuper de toi mais j'avais décidé de mener ma grossesse à terme parce que je voulais te rencontrer. Je me disais que j'arriverais à trouver une solution, un moyen de t'élever correctement. Mais les mois ont passé et rien n'a changé.

Quand tu es née, tu étais parfaite. Quand la sage-femme t'a posée sur moi, tu t'es tout de suite arrêtée de pleurer. Tes grands yeux bleus semblaient déjà voir le monde et j'avais l'impression que tu me souriais tout le temps. Je t'ai aimé encore plus que je ne t'aimais déjà quand tu étais dans mon ventre et j'ai compris que ta vie serait meilleure si tu avais des parents qui pourraient subvenir à tes besoins.

Deux jours après ta naissance, j'ai signé des papiers, j'ai effacé des dossiers le lien qui reliait nos deux identités et je t'ai confié aux services sociaux.

Tout aurait dû s'arrêter là mais je n'arrivais pas à te laisser partir. J'ai trouvé l'établissement dans lequel tu avais été placée et j'ai vu qu'ils embauchaient. J'ai apporté mon dossier de candidature et j'ai été engagée sans que personne ne sache qui j'étais. Pendant trois ans j'ai pu te regarder grandir, faire tes premiers pas, dire tes premiers mots et être auprès de toi. Pourtant chaque jour je me disais que je devais démissionner car le jour où tu serais adoptée serait le plus dur de toute ma vie. Mais chaque matin, je retournais travailler et te voir. Jusqu'à ce que tu ne sois plus là.

Je suis arrivée un matin et toi et quatre autres enfants étiez partis. La directrice m'a expliqué que vous aviez été adoptés et que votre nouvelle famille était venue vous chercher pendant la nuit. J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas mais j'ai dû attendre plusieurs jours avant d'avoir l'opportunité d'avoir des réponses. Je me suis rendue dans le bureau de la directrice, et j'ai trouvé les dossiers d'adoptions te concernant toi et les autres enfants ainsi qu'un document attestant d'un virement d'un montant très élevé entre une entreprise et l'orphelina. Je savais que les subventions de l'état ne suffisaient pas à la directrice pour maintenir l'établissement à flot et qu'elle était à deux doigts de fermer mais je n'avais jamais imaginé qu'elle aurait pu vendre des enfants. J'ai gardé ton dossier avec moi et j'ai décidé que j'allais aller voir la police pour pouvoir te récupérer. Mais entre-temps, la directrice avait découvert que quelqu'un avait fouillé dans ses dossiers et elle a détruit toutes les preuves. Ton dossier seul ne suffisait plus.

Après ça, j'ai démissionné pour essayer de te retrouver. Je n'avais aucune piste à part le nom de l'entreprise notée sur les dossiers d'adoption. Malheureusement ce n'était qu'une société-écran, gérée par une personne décédée depuis plusieurs années dont on avait utilisé l'identité. J'ai passé trois ans à chercher le moindre indice, la moindre photo de toi dans les journaux.

Un jour j'ai appris que les Avengers avaient libéré des personnes prisonnières d'un laboratoire dirigé par un certain docteur Martin. La presse disait qu'il avait enlevé des gens dans tout le pays mais aussi des enfants sans familles. J'ai tout de suite compris que c'était lui que je cherchais. Il m'a fallu un an pour le retrouver. Il s'était construit un nouveau laboratoire au fin fond des Alpes.

J'ai réussi à rentrer en contact avec lui, je l'ai menacé de révéler sa localisation à la police s'il ne te ramenait pas à la maison. Il n'a pas arrêté de me dire qu'il ne t'avait plus, mais je ne le croyais pas. J'ai prévenu la police et quand ils sont arrivés sur les lieux, il s'était déjà enfui et toi tu n'étais pas là. La police a diffusé les photos des disparus et des prisonniers pour retrouver leurs familles. Tu n'en faisais pas partie.

Je savais que tu étais en vie, que tu n'étais plus avec le docteur Martin et j'espérais que tu étais en sécurité avec des gens qui t'aiment.

Il m'a fallu sept ans de plus pour te retrouver et voir que tu avais eu une vraie famille. Je me souviendrais toujours de ce jour. C'était un peu après la fin du blip et ton visage tournait en boucle sur toutes les chaines de télévision. Tu annonçais la mort ton père. C'était la première fois que le monde entier voyait ton visage alors qu'il connaissait déjà ton existence, gardée secrète pendant plusieurs années pour te protéger. Même si onze ans s'étaient écoulés et que tu avais changé de nom, je t'ai tout de suite reconnue. J'ai compris que les Avengers t'avaient sauvée, que Steve Rogers t'avait adopté et je lui serais à jamais reconnaissante de t'avoir offert une famille et d'avoir veillé sur toi.

J'ai tout de suite voulu entrer en contact avec toi et j'ai pris un billet d'avion pour les Etats-Unis mais je n'ai jamais pu le prendre. Depuis que j'avais fait fermer son deuxième laboratoire, le docteur Martin ne m'avait jamais oublié et avait toujours su où j'étais et ce que je faisais. Il a profité que je sois obnubilée par le fait que je t'ai retrouvé pour s'en prendre à moi. Il m'a enlevée et emmenée dans un de ses nombreux autres laboratoires. C'est de là que je t'écris, depuis ma petite cellule surchauffée au Brésil. J'ai réussi à amadouer un des chercheurs et il m'a apporté de quoi écrire cette lettre, qu'il te remettra.

Ça fait deux mois que je suis ici. Le docteur Martin est quasiment le seul à s'occuper de moi avec Carlos. J'ai déjà subi quelques expériences mais rien comparé à ce qu'il t'a fait subir quand tu étais petite. Il prend un malin plaisir à me raconter tout ce qu'il t'a fait endurer et passe beaucoup de temps à maudire les Avengers de t'avoir sauvé. Jamais je n'aurais pu imaginer les horreurs qu'il t'a faites et à quel point tu as dû souffrir.

Il parle également des autres expériences qu'il mène ici et je ne sais pas combien de temps il me reste avant que je ne sois la prochaine sur qui il va tester ses produits pour tenter de trouver un remède à des maladies mortelles.

J'aurais tellement aimé avoir pu monter dans cet avion et avoir pu te rencontrer pour te raconter toute cette histoire. J'aurais aimé te dire que je n'ai jamais cessé de te chercher. Mais je sais qu'il est trop tard. Je suis heureuse de savoir que tu ne manques de rien, que tu es devenue une magnifique jeune fille et que tu as été aimée par un père même s'il est parti trop tôt.

Je n'ai presque plus la force d'écrire mais je voulais te dire que je suis désolée de t'avoir abandonné. Si je t'avais gardé avec moi, le docteur Martin ne t'aurait pas fait souffrir. Je voulais ce qu'il y avait de mieux pour toi, j'espère que tu comprendras.

Je t'aime et t'ai toujours aimé,

Ta mère, Florence Perrin. »

The little girl's powersWhere stories live. Discover now